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Pour fêter 2010, tous les jours jusqu'au 31 décembre, Premiere.fr revient sur l'année cinéma avec ceux qui l'ont faite. Aujourd’hui, place à Alexandre Aja...Par Mathieu Carratier"À quelques semaines de la sortie, il n’y avait toujours pas de poissons dans le film."L’accueil de Piranha 3D a-t-il été conforme à tes attentes ?La grande surprise a été l’accueil critique aux Etats-Unis, qui s’est révélé excellent. C’était unanime. Pour la première fois, on a été certifié « fresh » par Rotten Tomatoes, le site qui regroupe toutes les critiques presse et web américaines, avec 82% d’avis positifs. On a d’ailleurs reçu un trophée qu’ils envoient à tous ceux qui obtiennent ce certificat. La réception critique en France m’a aussi étonnée, puisque Piranha 3D a été encore mieux compris chez nous. L’édito que Frédéric Beigbeder avait signé dans Voici, expliquant que c’était le meilleur film de l’année, m’a hyper touché. Après, au niveau public, il y a eu une vraie différence entre l’Amérique et le reste du monde. Aux Etats-Unis, les Weinstein ont fait l’erreur de vouloir présenter Piranha 3D comme un film de créatures au premier degré, occultant complètement le côté potache et satirique. Du coup, il s’est planté – enfin, a moyennement marché car 25 millions de dollars au box-office n’est pas non plus un score honteux, même si on en attendait 50 -, alors qu’il a fait 80 millions dans les autres pays, où les distributeurs l’ont vendu pour ce qu’il est réellement. Les bonnes surprises continuent, d’ailleurs, puisque Tim Burton vient de choisir Piranha 3D comme un de ses films préférés de l’année dans New York Magazine. La preuve que le côté Mars Attacks ! ne lui a pas échappé…Des regrets ?Oui, évidemment. La version distribuée en salles est à 90% celle qu’on voulait. Il faudra attendre pour découvrir le director’s cut en DVD, qui sortira dans un second temps. En gros, on a eu tout bon jusqu’à la fin du tournage, et c’est en postproduction que les problèmes sont arrivés, principalement sur les effets spéciaux et la conversion 3D. Ca a été un cauchemar alors qu’on s’y était pris suffisamment tôt pour éviter les galères. Le studio, Dimension, a essayé d’économiser jusqu’au bout en engageant les pires personnes qu’on pouvait imaginer… Autant dire qu’on s’est arraché beaucoup de cheveux avec mon superviseur des effets spéciaux : à quelques semaines de la sortie, il n’y avait toujours pas de poissons dans le film. Alors que le design des piranhas avait été finalisé deux mois avant le début du tournage. La postprod a été une course d’obstacles permanente. C’est d’autant plus décevant que nous avions beaucoup plus de plans où les poissons sortaient de l’écran en 3D, et avons dû couper certaines scènes car les effets n’étaient pas terminés.J’ai aussi un petit regret au niveau du casting. A Hollywood, on établit toujours une liste de trois choix pour les rôles principaux, dans l’ordre de préférence, mais c’est en général le producteur, celui qui paie pour ton film, qui a le dernier mot. Pour incarner le héros, Jake, on avait choisi Spencer Treat Clark (La Dernière Maison sur la gauche), mais le studio lui a préféré Steven R. McQueen quelques jours avant le début du tournage. Steven faisait également partie de notre liste… Mais il y a parfois une grande différence entre le numéro un et le numéro trois.Quel regard portes-tu sur les grands changements qu’a connus l’industrie cette année ?Le cinéma marche de mieux en mieux, donc on aurait logiquement pu penser que la crise économique ne le toucherait pas. Mais comme les studios, à part deux ou trois, ne s’auto financent pas et font appel à des banques qui leurs prêtent de l’argent, la crise a finalement frappé l’industrie. L’onde de choc se sent encore aujourd’hui d’une manière assez forte. Evidemment, il y a aussi un glissement vers une « comic-conisation » du cinéma américain : les studios ne donnent plus le greenlight qu’à des films susceptibles de toucher le public du Comic-Con, même si des contre exemples comme Scott Pilgrim sont là pour prouver que ce n’est pas une garantie de succès.Toi qui es aux premières loges, assiste-t-on à un revirement grâce au succès de films comme Inception ou The Town ?Seul Christopher Nolan a le pouvoir de monter un film original comme Inception – même si son « originalité » se discute. Comme James Cameron est le seul capable de débloquer 300 millions de dollars pour tourner Avatar. Mais j’espère effectivement que la réussite de The Town promet un retour du polar, et des films pour adultes en général. Une autre tendance est la concurrence déloyale de films comme Cloverfield, District 9, Skyline, ou même Monsters. Ce n’est pas le cas de Cloverfield, mais les autres sont réalisés par des gens rompus aux effets spéciaux. Et certainement pas pour le prix qui est annoncé : il est évident qu’un film comme District 9 a coûté plus de 30 millions et que Peter Jackson et Weta ont mis beaucoup plus d’argent que ça en main d’œuvre. On sait tous que Skyline n’a pas coûté 10 millions et que les frères Strause ont mis toutes leurs équipes dessus pendant un an tandis qu’ils bossaient en heures sup sur Battle : Los Angeles. Du coup, on se retrouve face à des studios qui nous disent : "mais ce film à 60 millions, pourquoi tu ne le fais pas pour 25 ?". Alors d’accord : prenez des mecs issus des effets spéciaux pour le faire, mais vous risquez d’avoir un problème avec la direction d’acteurs et la narration…Ton top 5 de l’année ?J’aurais dû préparer… The Social Network, sans hésiter. Je pense qu’il y aurait aussi I Love You Philip Morris, Kick-Ass, Shutter Island, et Toy Story 3. Tu peux aussi mettre Enter The Void. Je ne l’ai pas encore vu mais je suis sûr que je vais adorer.