Le premier film mis en scène par l'acteur a ouvert la Semaine de la Critique.
C’est une belle entrée en matière que nous offre la Semaine de la Critique pour son édition 2018. Wildlife - Une saison ardente est film modeste, au meilleur sens du terme, jamais tape à l’œil et tout en subtilité, porté par l’envie généreuse de Paul Dano de passer pour la première fois derrière la caméra et son talent évident à ce poste. Le héros de Little Miss Sunshine et génial interprète de Brian Wilson dans Love and mercy a d’ailleurs choisi de n’être ici « que » réalisateur pour adapter ce roman de Richard Ford (publié en France aux Editions de l’Olivier en 1991) avec sa compagne Zoe Kazan (la petite fille du grand Elia). Logique : il n’est pas là pour se servir mais servir cette histoire de couple qui se déchire sous les yeux de leur fils de 14 ans, dans les années 60, au cœur du Montana.
Un sujet en apparence balisé que Dano ne cherche pas à emmener artificiellement ailleurs. Tout au contraire, il creuse cet affrontement sourd puis explosif et signe un magnifique portrait de femme libre au cœur d’une période où on les cantonnait d’abord et avant tout au foyer. Une mère courage qui, à défaut de savoir précisément ce qu’elle désire, a une conscience aigüe de ce qu’elle ne veut pas. Ne pas attendre les bras croisés le retour d’un mari instable parti sur un coup de tête, sans la consulter, combattre comme pompier le feu qui menace la région, au péril de sa vie. Ne pas rester seule alors qu’elle a un besoin vital de bras qui la serrent. Quitte à provoquer l’incompréhension rageuse de son fils, bouleversé à l’idée de la séparation de ses parents. Carey Mulligan brille dans ce rôle dense et intense, remarquablement entouré par le toujours excellent Jake Gyllenhaal et l’épatant Ed Oxenbould, découvert dans The Visit sous la direction de M Night Shyamalan. Quand tout le monde joue une partition aussi juste, il faut d’abord et avant tout féliciter le chef d’orchestre. Mais si Dano se révèle un remarquable directeur d’acteurs, il s’impose donc ici aussi par sa mise en scène alliant rigueur et inventivité, par petites touches, par un souci permanent du détail. Alors oui, Une saison ardente est un film classique. Oui, il manque parfois un peu de rythme et de muscles. Mais il donne envie de voir les prochains Dano.
Thierry Cheze
Cannes 2018 : découvrez la sélection de la Semaine de la critique
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