Première
par Thomas Agnelli
Snowpiercer – Le Transperceneige devrait marquer l’histoire du cinéma SF. À dire vrai, le film ne ressemble à rien de connu. Les séquences liminaires peuvent évoquer des standards comme Soleil vert
(Richard Fleischer, 1974), la suite, plus du tout. La représentation cauchemardesque du futur que proposait la bande dessinée d’origine faisait déjà froid dans le dos. Bong Joon-ho lui apporte un traitement unique. De Memories of Murder à Mother, en passant par The Host, le réalisateur a déjà prouvé par le passé qu’il savait véhiculer des émotions contradictoires dans une même scène. Il offre ici un film somme jamais sur des rails qui, au gré des différents compartiments, fait voyager d’une tonalité à une autre (du bouffon au tragique, du gore à la farce), d’un pays à un autre. Le cinéaste sud-coréen sidère autant par sa direction d’acteurs (Tilda Swinton, démentielle en créature-sbire) que par ses idées de mise en scène (mouvements de caméra, gestion de l’espace). La seule faiblesse réside peut-être dans le twist final, qui nous renvoie à des digressions verbeuses façon Matrix Reloaded sur le Créateur, le sens de la vie, notre condition de Sisyphe, etc. Mais pas d’accident ferroviaire pour autant : à l’instar des superproductions SF de Paul Verhoeven dans sa période hollywoodienne, les moyens colossaux ne brident jamais la folie baroque, le goût du mystère, les visées poétiques et la liberté d’un artiste qui, derrière les oripeaux du genre, balance une méchante parabole politique.