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Traiter de la question religieuse et des dérives intégristes pour son premier long a tout du geste kamikaze. Car votre film a alors toutes les chances d’être rangé dans la catégorie société et de servir à nourrir l’infernale machine à débats des chaînes d’info plutôt que de susciter des échanges sur son contenu. Pourtant, Sarah Suco, la comédienne révélée chez Louis-Julien Petit (Discount) a bel et bien choisi de s’aventurer sur ce terrain qu’elle connaît parfaitement pour avoir vécu, enfant, avec sa famille, dans une de ces communautés religieuses catholiques (dites charismatiques) aux dérives sectaires tentaculaires. Les Éblouis est donc le récit d’un embrigadement vu par le regard de la fille aînée, âgée de 12 ans, d’un couple qui, en cherchant du réconfort dans une communauté basée sur le partage et la solidarité, va peu à peu perdre pied. Mais parce qu’elle connaît cette situation de l’intérieur et a désormais le recul nécessaire, Sarah Suco ne fait jamais assaut de raccourci facile. Elle montre le côté enveloppant de cette « nouvelle famille » pour mieux en pointer l’aveuglement tragique et pervers qu’elle crée. L’aspect formaliste assumé de sa réalisation renforce la puissance de son récit. Son choix parfait de casting (Éric Caravaca et Camille Cottin en parents sous emprise, Jean-Pierre Darroussin en gourou faussement patelin), aussi. Avec, pour couronner le tout, la révélation de Céleste Brunnquell, dont le visage et l’intensité rappellent ceux d’une Signoret jeune.