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On prend les même et on recommence ? Après Les Trois Mousquetaires (partie 1 et 2), voici donc la deuxième pierre du Dumas Cinematique Univers. Le Comte de Monte Cristo. Ce roman est l’un des grands récits mythologiques de notre littérature. Ce n’est pas le premier à raconter une vengeance, mais c’est le premier à lui donner une dimension aussi puissante et universelle. Mythique. Légendaire. On connait l’histoire, alors soyons brefs. Edmond Dantès est un jeune homme bien sous tous rapports jusqu’à ce que quelques notables bien établis lui piquent tout : son argent, sa promise, ses espoirs. Case prison. Résurrection. Vengeance. Aidé d’une improbable fortune, Dantès change d’identité, et ne se consacre plus qu’aux représailles. Comme le dit Niney dans la bande-annonce : “A partir de maintenant, c'est moi qui récompense et c'est moi qui punis”
Depuis des décennies, ce roman obsède le cinéma. Le problème des deux réalisateurs était donc simple : comment éviter d’en faire l’un de ces paquebots bien ouvragés et bien lisses, coincés entre plus-value culturelle et patrimoine poussiéreux ? D’abord revenir au livre. On connaît la phrase de Dumas : « Commencer par l'intérêt au lieu de commencer par l'ennui, commencer par l'action au lieu de commencer par la préparation.». Dumas, c’est Ford, ou mieux c’est Walsh et Huston… L’instinct. Le souffle. La vitalité. Tout est là, prêt à l’emploi (ce n’est pas une surprise si Monte Cristo a inventé le superhéros). Mais encore faut-il l’habiller de ses propres obsessions et, si possible le draper d’un peu de modernité. C’est ce que font Delaporte et de la Patelière, qui s’emparent de ce pur fantasme pour y injecter leur vision. Assez intelligemment, le duo met donc en avant ses fixettes d’auteur. On retrouve le jeu de massacre social comme dans Le Prénom, le principe d’oxymore et de travestissement comme dans Un Illustre Inconnu (ne pas être ce que l’on montre) ou la rapidité d’exécution comme dans Papa ou maman. Mais il y a surtout du cinéma. Et le rythme staccatto. Le film, fidèle au texte, à sa langue, épouse à merveille les soubresauts du récit. Sa folie, sa grandeur outrancière. Tout est dit dès l’ouverture. Dans une séquence épique, en pleine tempête, un marin sauve la vie d’une femme. Ca souffle (le film cavale à cent à l’heure), ca flirte avec l’exotisme et ça empanne vers le thriller. Au fond, leur Monte- Cristo suit une idée aussi évidente que brillante : c'est le personnage qui doit driver le film. Un peu comme les bons Rappeneau (auxquels on pense), ce Monte- Cristo n’a donc qu’un moteur : le mouvement. Celui de Cristo qui veut sa vengeance. Et pour le coup, ce qui impressionne c’est Pierre Niney. Elégance, fluidité. Gestes et mots précis, mortels. Son Dantès est naïf et solaire, mais pour son avatar, Monte- Cristo, l’acteur sonde des abymes de noirceur. L'incarnation de cette dualité est proprement étourdissante. D’autant que Niney (et ses deux réalisateurs) font de ce héros un créateur de faux-semblants, un bâtisseur de décors dans lesquels il va piéger ses proies. Cristo est un metteur en scène qui trompe son monde et dont la pièce se jouera en trois actes. Cette vision permet aux deux cinéastes de jouer avec les attentes du spectateur, de ménager du suspens. En transformant ainsi leur personnage, ils écrivent le scénario d'une revanche dont il reste maître de bout en bout. Epaulé par des personnages bien dessinés et parfaitement joués (mention spéciale à Patrick Mille, lâche et fielleux à souhait et à Anaïs Demoustier splendide en héroïne classique) cette adaptation est une réussite. Enlevée, intelligente, originale et superbement incarnée.