Toutes les critiques de La Question humaine

Les critiques de Première

  1. Première
    par Isabelle Danel

    Naviguant entre film social, documentaire historique et thriller, La question humaine clôt la trilogie entamée par Nicolas Klotz et sa scénariste Elisabeth Perceval avec Paria (01) et La blessure (05). Avec les opprimés, les oppresseurs, qui ne voient dans les hommes que des marchandises, niant leur identité et piétinant leur humanité comme avant eux les nazis avec les Juifs et les minorités. Le rapprochement est osé, violent et dérangeant.

  2. Première
    par Eve Gimenez

    Solution finale, marchandises, épuration... autant de mots que Simon, psychologue utilise quotidiennement pour sélectionner les meilleurs salariés de la multinationale dans laquelle il travaille. Adapté du livre éponyme de François Emmanuel, La Question humaine défend l’idée selon laquelle le libéralisme contemporain serait le rejeton du nazisme. Une thèse noyée par une mise en scène confuse et un rythme lent. L’image terne et les plans ultra-resserrés sur les visages contribuent à mettre en place une ambiance glauque et pesante. Loin d’être un thriller poignant mêlant action et psychanalyse, le film s’apparente plus à un portrait sombre et ennuyeux d’un homme désemparé. Plombant.

Les critiques de la Presse

  1. Elle
    par Anne Diatkine

    La question humaine n'est pas un film bavard, et pourtant, le spectateur ne cesse d'écouter. A chaque personnage sa musique et son univers sonore. C'est aussi un film sur la nuit et les moments de perte de contrôle. Avec des acteurs impressionnants, Nicolas Klotz a russi un film énigmatique sur la banalité et parvient à rendre mystérieux les déplacements chorégraphiques et la beauté des jeunes gens qui se donnent corps et âme à leur emploi. On observe le personnage de Mathieu Amalric, si précis dans son vocabulaire, si engoncé dans son costume noir, exploser dans la nuit.

  2. Télérama
    par Cécile Mury

    Dans ce puzzle intrigant, thriller politique et psychologique fait de longues séquences tout en clairs-obscurs, chaque gros plan sur un corps, sur les éclats tranchants d’une « rave » ou la grisaille ouatée d’un bureau suggère un glissement du réel, à la limite de l’étrange. Une formidable expérience.

  3. Le Monde
    par Isabelle Regnier

    Mise en scène complexe, bande-son radicale-chic (Schubert, New Order, Syd Matters...), casting élégantissime, La Question humaine est un film sophistiqué. C'est aussi un beau film, un film aimable, parce que son auteur aime ses personnages, qu'il les regarde pour ce qu'ils sont et pour ce qu'ils promettent. Tendu par une foi dans l'art et dans l'homme, comme forces de résistance à la machine, c'est un grand film politique.

  4. Fluctuat

    En sortant de La Question humaine, on était divisé, plutôt accablé par sa pesanteur qu'intéressé intellectuellement par sa thèse sur la Shoah comme matrice organique de l'entreprise. Pourtant, rapidement, le film de Nicolas Klotz, construit comme un thriller langien, s'est révélé par sa complaisance une oeuvre morbide dont la beauté crépusculaire représente une des rares vision du mal jamais produite.
    - Exprimez-vous sur le forum La Question humaineIl y a dans La Question humaine, le nouveau film de Nicolas Klotz qui après Paria et La Blessure forme le dernier segment d'une trilogie, cette même conscience tragique du monstrueux et de sa répétition que l'on pouvait lire dans les théories de Günther Anders. Quoique adapté du livre de François Emmanuel (du même nom), le film évoque les thèses que le philosophe avançait dans son célèbre ouvrage, Nous, fils d'Eichmann. On y retrouve cette crainte sourde de la machinisation du monde, de la machine comme stade terminal des rapports, du social, de l'humain, où nos actions ne sont plus que des pivots déresponsabilisés d'une grande mécanique performative amnésique. Ce moment qui chez Anders, comme chez Klotz (et Emmanuel), prend comme épicentre, matrice théorique de toutes les peurs, la nuit, notre plus grande nuit, notre trou noir, la Shoah. Le passage ultime de la modernité, son glissement le plus macabre et effroyable où l'homme se confond avec le dessein d'une logique industrielle qui reconfigure notre ontologie.Avant tout, La Question humaine est un grand film d'angoisse, de peur de l'ineffable, du monstrueux caché dans l'ombre où l'on tombe comme dans un piège langien avec le frisson d'un Tourneur. Une oeuvre noire donc, organique, climatique, pesante, accablante. Construit comme un thriller psychologique teinté d'espionnage, le film raconte comment Simon (Mathieu Amalric), psychologue et surtout DRH d'une grosse société pétrochimique allemande, se voit confier pour mission par le co-directeur (Jean-pierre Kalfon) d'enquêter sur la santé mentale du directeur général (Michael Lonsdale). Présenté d'abord comme le parfait soldat pragmatique et peu soucieux de la vérité contenue dans la logique des rapports, Simon va rapidement rentrer au coeur d'une mécanique secrète où derrière la manipulation se dissimule le passé obscur de ses dirigeants. D'un rapport à l'autre (celui qu'il doit faire et ceux qu'il découvre relatant les méthodes d'épuration nazie), sa conscience absorbe le passé, devient collusion, jusqu'à éprouver son corps et son état de santé, comme une expérience coupable qui le mène vers l'éveil, la vérité et la liberté.La Question humaine repose sur cette thèse voulant que le non-dit du libéralisme, sa logique performative et hyper rationnelle, sa novlangue, la totalité de son discours façonnant le réel jusqu'à faire de l'homme l'outil d'une machine dont il n'est qu'un rouage muet, cacheraient ce moment clé de l'Histoire marquée par le nazisme. Le libéralisme comme enfant maudit, secret, inconscient, de l'Holocauste, de la machine et les moyens économiques qui y ont conduit, par le biais d'une filiation quasi génétique qu'il faudrait décrypter. La Question humaine montre ainsi l'univers glacé, gris, ultra mécanique, de l'entreprise et ses méthodes. Il fait presque sa caricature en supposant d'abord faire une analogie, la superposition et transposition d'une horreur à l'autre, la liaison de deux systèmes aux schémas similaires. Pour cela, il passe par la jeunesse des cadres en col blanc que Klotz balade d'un bureau marronnasse et clinique à des soirées, dont une rave, où les corps peuvent enfin passer du rigide à une catharsis violente mais sans conséquence autre que pour eux-mêmes. Le film menant, au fil de l'enquête de Simon, vers une épiphanie du mal où la jeunesse, dans son désir de jouissance immédiate et aveugle, se révèle le jouet d'une vérité détenue par quelques hommes dont l'origine symbolise cette contemporanéité de l'entreprise moderne.Si les théories de La Question humaine ne sont pas nouvelles et si son procédé discursif peut sembler aussi grossier que discutable, il y a néanmoins chez lui une force qui justifie le flou. Cette force tient à une sorte d'hypnose, de transe étrange et morbide dans laquelle plonge le film. Car La Question humaine est fasciné par son sujet, il produit même une telle fascination qu'il n'évite pas la complaisance, une sorte d'attirance/répulsion qui en voulant dicter aux images notre responsabilité collective et morale finit par baigner dans son propre pêché avec délectation. Pourtant c'est justement là que Klotz contourne les pièges du discours, en produisant la vision d'un monde austère, malade, monstrueux, qu'il assume (on l'espère) en le rendant beau (lumière, cadre, etc), parfois contemplatif, presque chic avec la musique de Syd Matters donnant une tonalité mélancolique et crépusculaire à l'ensemble. Ainsi, il n'y a pas ici de dichotomie réelle entre le sujet (son horreur froide) et la manière de le filmer. Klotz crée une réalité effroyablement belle et justement épouvantable. A un moment, sa fascination pour la nuit des nuits l'emporte sur le jugement, le politique, la critique, il crée une sensation rare à communiquer, un magnétisme du mal, un trouble tenace qui invite au questionnement.C'est ainsi, par ce radicalisme esthétique et son herméneutique platement chrétienne, que La Question humaine pénètre les choses par le cinéma. Le film devenant sa propre question en conjuguant le récit et le regard à différents niveaux qui agissent avec d'autant plus de complexité que cette beauté sombre dérange, qu'elle semble renvoyer à une vérité lointaine. Mais cette séduction ramène à un dernier détour, logique quoique inattendu, celui de Léni Riefenstahl et de adolph hitler, machines à penser du siècle passé et dont le cinéma est l'inconscient de celui de Klotz. On pourrait dire ainsi que Simon opère une disjonction, qu'il nous sauve en nous permettant de survivre à Hitler et Riefenstahl, à la perfection de leurs images, à leur monde idéal et criminel transfiguré dans l'entreprise du monde moderne chez Klotz. Simon devenant un survivant possible, de sa propre histoire dans l'Histoire, du cinéma et du film, sa lente mécanique, sa beauté empoisonnée, là où on s'oublie hypnotisé. Sauf que si après la nuit vient toujours le jour, ici on termine sur un écran noir et la litanie d'une voix-off. Pas sûr que Nicolas Klotz veuille quitter l'obscurité de ce monde - parfois l'horreur, ça rassure.La Question humaine
    De Nicolas Klotz
    Avec Mathieu Amalric, Jean-pierre Kalfon, Michael Lonsdale
    Sortie en salles le 12 septembre 2007
    Illus. © Sophie Dulac Distribution
    - Exprimez-vous sur le forum La Question humaine
    - Lire le fil quinzaine des réalisateurs sur le blog cinéma

  5. Télérama
    par Pierre Murat

    Dans une moindre mesure, il accentue la confusion philosophique et morale de notre époque qui manie, gaillardement mais n’importe comment, l’indignation en confondant, de plus en plus, le remords et le repentir, la compassion et le compassionnel. Bref, il est des horreurs à ne comparer jamais. Et des générosités qui se révèlent, parfois, aussi maladroites qu’ont pu l’être, jadis, le silence et l’oubli.

  6. Le JDD
    par Jean-Pierre Lacomme

    Un psy dans une entreprise enquête sur un cadre supérieur. A la suite de quoi il est amené à s'interroger sur son pouvoir de virer les gens et la Shoah. Un rapprochement nauséeux pour un film prétentieux.