Première
par Thomas Agnelli
Tom Cruise a sans doute vu en Jack Reacher la possibilité d’incarner un ange exterminateur aussi cool que Ryan Gosling dans Drive – tout le monde va parler de cette hallucinante séquence de course-poursuite urbaine et nocturne façon Walter Hill des grands jours. Sauf qu’il y a un malentendu : présenté comme un simili-Jason Bourne, Reacher tient en fait plus du fils de l’inspecteur Harry. On est donc loin du gentil thriller d’action que la Paramount tente de vendre pour les fêtes de Noël. Est-ce grave pour autant ? Non, tant l’intérêt de ce vigilante movie réside dans son humour noir, son secret décrypté à la manière des grands complots et son rythme émollient qui laisse le temps à tous les personnages de vivre et à l’émotion de poindre. Merci donc à Christopher McQuarrie, cinéaste absent depuis Way of the Gun (2000) mais toujours aussi doué et suicidaire, de pervertir le cahier des charges, de privilégier la lisibilité à l’efficacité, d’oser des bastons délirantes dans des lieux improbables, de montrer un Tom Cruise au top qui assume son statut de fantasme vieillissant jusqu’à l’autoparodie, d’imposer Werner Herzog dans un blockbuster, ou encore de donner un vrai rôle à Rosamund Pike. À l’arrivée, Jack Reacher possède la classe du cinéma de Don Siegel, qui n’avait pas peur de bousculer la morale ni de déplaire. Un produit hors normes qui, comme prémices à une nouvelle franchise, constitue pour tous – Tom Cruise y compris – une énorme prise de risques commerciale. Raison de plus pour le soutenir