Première
Il y a plus d’une décennie, le premier volet de la saga Hunger Games, adaptation des romans éponymes à succès, sortait au cinéma. On découvrait alors le personnage de Katniss Everdeen (Jennifer Lawrence), d’abord survivante du jeu de massacre, puis meneuse de la rébellion contre le gouvernement tyrannique de Panem et son président, Coriolanus Snow, le personnage qui est au cœur de ce préquel de la saga. Adapté du nouveau roman éponyme de Suzanne Collins, publié en 2020, celui- ci se déroule 64 ans avant l’avènement de Katniss, alors que les Hungers Games n’en sont qu’à leur dixième édition. Le jeune Coriolanus Snow (Tom Blyth) fait partie des étudiants les plus brillants du Capitole et son seul et unique but est d'obtenir le prestigieux prix Plinth afin d’entrer à l’université et redorer le nom de sa famille tombée en disgrâce.
Cette année s’annonce néanmoins particulière puisque la Dr. Volumnia Gaul (Viola Davis), Juge et Ministre de la Guerre, et Casca Highbottom (Peter Dinklage) le créateur des Jeux, annoncent que pour la première fois depuis 10 ans, les jeunes privilégiés du Capitole se verront assignés un Tribut. Responsables de ces jeunes hommes et femmes offerts en sacrifice pour s’entretuer dans l’arène, ils devront tout faire pour les rendre populaires aux yeux du public. Coriolanus Snow devient ainsi le mentor de Lucy Gray Baird (Rachel Zegler), tribut du District 12. Une musicienne et chanteuse itinérante, charismatique et indépendante, qui conquit immédiatement la foule, devenant pour Snow un atout précieux pour gravir les échelons.
Avec l’explosion actuelle des suites, préquel et autres spin-off, ne pas se contenter d’un produit trop inféodé au bon vouloir des fans apparaît comme un sacré défi. Avec son intrigue scindée en trois actes, La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur évite habilement ce piège en dévoilant au spectateur l’envers des Jeux, l’évolution des Hungers Games d’outil de terreur à spectacle pervers, où chacun des membres de la première génération de mentors met sur pied les stratégies de promotion de leurs Tributs et de mise en scène télévisuelle qui permettront aux Jeux de regagner en popularité après une baisse d’intérêt de la part du public. Cette manière de traiter de la société du spectacle et de ses dérives touche juste en résonnant avec le monde actuel. En racontant le développement de méthodes de manipulations médiatiques propres aux régimes autoritaires et en prenant le parti pris de montrer les coulisses de Jeux du côté des tyrans, de ceux qui jouissent des privilèges conquis dans le sang, Lawrence nous montre aussi la fabrication d’une dystopie.
Personnage central de ce récit, le jeune Coriolanus Snow est traité intelligemment et son évolution logique vers son statut de “grand méchant” n’a rien de surfait au contraire. Ne tombant jamais dans la facilité, le personnage ne s’assombrit pas à cause d’un traumatisme, comme beaucoup de super-vilains, mais bien à cause de son égoïsme profond. Tout ce que fait Snow, en bien ou en mal, il ne le fait que pour obtenir ce qu’il désire. Il veut la victoire, le statut et l’amour, alors il fera le nécessaire pour s’octroyer les trois… à n’importe quel prix. Au sein d’une architecture empruntée aux régimes totalitaires, La Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur s’approche d’une sorte de mythe néo-antique, préfigurant l’horrible modernité des prochains Hunger Games sous l’égide de Coriolanus Snow.
Mais ce qui frappe aussi dans ce préquel, c'est la lutte intestine qui s’y joue entre le format film et le format sériel. L’histoire aurait clairement gagné à être traitée sous forme d’épisodes tant sa construction et ses personnages tendent vers ce découpage. Mais malgré des frustrations quant à des détails que l’on aimerait voir approfondi, Hunger Games : la ballade du serpent et de l’oiseau chanteur reste un spectacle exécuté avec précision. La question demeure : êtes-vous prêts à mourir pour le Jeu ?
Elias Zabalia