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On peut appréhender un film de Robert Guédiguian de deux manières : soit en le rattachant d’emblée à un corpus qui voit des visages familiers évoluer depuis près de trente ans dans un même périmètre (les faubourgs de Marseille) au gré des bouleversements de la société, soit en entrant comme par effraction dans ce « petit » théâtre de la condition humaine et se sentir tout aussi à son aise. Ce cinéma-là se répond à lui-même et se régénère constamment. On avait cru néanmoins avec la crépusculaire Villa qu’une parenthèse s’était refermée. Eh non, ce Gloria Mundi reprend le cours du long récit. C’est un thriller social dans lequel un prisonnier retourne chez lui tel un cow-boy fatigué et se rend compte que le monde a finalement peu changé. Les cheveux sont gris, le regard, triste, la présence est belle (sublime Gérard Meylan). Les hommes et les femmes qu’il a quittés voilà vingt ans continuent de se débattre dans un quotidien tout aussi précaire et fragile mais toujours plus individualiste. Le film, qui a valu à Ariane Ascaride un Prix d’interprétation à Venise, va tout entier se battre contre cette fatalité qui voudrait que les hommes et les femmes soient seuls au monde. Comme dans un John Ford, il faut rejoindre la communauté pour s’en sortir. Au milieu du chaos, un enfant vient de naître. Il y aura aussi un mort et un sacrifice. Au-dessus de cette humanité blessée, il y a la musique envoûtante de Ravel inspirée d’un conte de Perrault. Tout se rejoue et se déjoue perpétuellement. C’est magnifique.