Première
par Sylvestre Picard
Dounia et Maïmouna, les meilleures copines du monde, rêvent d'argent facile et se mettent au service de Rebecca, la caïd de leur cité pourrie. Ce résumé ne saurait réellement rendre justice à la baffe de cinéma que colle dès son ouverture Divines d'Houda Benyamina, premier long présenté à la Quinzaine des réalisateurs et récompensé par la Caméra d'or au Festival de Cannes 2016. Le générique, un grand montage-sequence qui mélange images shootées à l'iPhone, grands cadres 16/9 au son des Psaumes de Vivaldi, donne le ton. C'est ambitieux et ça frappe direct aux tripes et aux yeux. Divines carbure à une énergie de cinéma folle, qui n'a peur de rien, pas même de faire des montages au son du Requiem de Mozart mixant des scènes de danse contemporaine et un entraînement à la boxe. Imaginez une fusion explosive entre La Haine, Scarface, un épisode de la saison 4 de The Wire et Bande de filles. Mais Divines va au-delà de cette fusion des genres. Citant dès le départ De Palma ("mes mains sont faites pour charrier de l'or..."), Travis Bickle et Kassovitz, Divines transcende son statut de kaïra movie en prenant des héroïnes qui accomplissent des exploits d'ordinaire affectés à des personnages masculins. C'est simple et ça change tout. C'est la plus grande force de Divines : son trio d'actrices, trois grenades dégoupillées balancées dans l'espace de béton du film. Deborah Lukumuena en Maïmouna, Oulaya Amamra (la sœur de la réalisatrice âgée de 20 ans), stupéfiante d'énergie en Dounia ; Jisca Kalvanda en implacable caïd tatouée dont les phalanges portent LOVE et HATE. Trois actrices qui, à l'image du film, n'ont peur de rien et n'ont pas besoin des hommes pour accomplir leur destin. Divines est une bombe et son explosion finale (dont la résonance sociale est d'une évidence folle) est celle de la tragédie la plus pure. On a trouvé le Scarface français : il suffisait de le conjuguer au féminin.