De père médecin de montagne français et de mère polonaise originaire de Czeladz, Pierre Guyotat voit le jour le 9 janvier 1940 à Bourg-Argental (Haut Vivarais). Avec un environnement familial extrêmement engagé dans la Résistance et pour la France Libre, Guyotat voit, dès sa plus tendre enfance, ses proches payer, souvent de leurs vies, le prix de leurs convictions politiques. Pierre Guyotat poursuit, dès 1949, ses études dans divers pensionnats catholiques. En 1954, alors qu’il n’a que 14 ans, il mène, en parallèle, deux activités artistiques majeures, la peinture et l’écriture. À 16 ans, il envoie quelques-uns de ses poèmes à René Char, poète et résistant français qui lui renvoie ses encouragements. Un an après le décès de sa mère, survenu en 1958, il quitte le foyer familial pour Paris où il écrit, en 1960, sa première fiction, Sur un cheval. La même année, il est appelé en Algérie. Il envoie son premier texte à Jean Cayrol, poète, romancier, essayiste et éditeur français engagé dans la résistance, qui n’hésite pas, en 1961, à publier l’œuvre aux éditions Seuil dans la collection Écrire, créée et dirigée par ses soins.L’année de ses 22 ans lui apporte une expérience des plus douloureuses et traumatisante. En effet, c’est au printemps 1962, alors qu’il est encore en Algérie, qu’il est arrêté par la Sécurité militaire et inculpé pour atteinte au moral de l’Armée, complicité de désertion (on le rend responsable de la défection de Moustafa Dris, un jeune appelé kabyle, qui a rejoint l’ALN) et possession et divulgation de livres et de journaux interdits. Pendant dix jours, il est interrogé à Tizi Ouzou (Grande Kabylie), puis gardé au cachot trois mois, au secret, avant d’être transféré, sans aucune forme de procès, dans une unité disciplinaire dans la vallée du Chélif, dans l'ouest de l’Algérie, jusqu’à sa démobilisation, peu de temps après. C’est du fond de sa cellule dans cette unité qu’il commence à rédiger des carnets de bords, en plus de quelques articles de critique littéraire, et ce, grâce à ses camarades qui lui font passer, en secret, un crayon et du papier.En 1963, il revient à Paris et publie des articles dans Arts et Spectacles puis, en 1964, dans l’hebdomadaire France Observateur (devenu, par la suite, Le Nouvel Observateur) où il est responsable des pages culturelles. Il travaille également en tant que lecteur aux éditions Seuil qui publient, fin 1964, sa deuxième fiction Ashby.Guyotat termine, en décembre 1965, d’écrire Tombeau pour cinq cent mille soldats, témoignage sans concession sur son expérience en Algérie sur fond de sexe et de guerre. Pourtant, l’œuvre ne paraîtra qu’en 1967 aux éditions Gallimard, Seuil ayant refusé de l’éditer. Le livre, d’un effet explosif à sa sortie, évite la censure de justesse, ce qui n’empêche pas le général Massu de l’interdire dans toutes les casernes françaises d’Allemagne. L’œuvre, véritable succès critique, aura au moins l’avantage d’assurer à son auteur une notoriété immédiate à retentissement international. L’une des répercussions évidentes de la réputation que Guyotat acquiert alors est l’invitation officielle qu’il reçoit, en juillet 1967, de la part de Fidel Castro afin d’assister à la Conférence latino-américaine de Solidarité à Cuba, au sein d’une délégation d’écrivains et d’artistes conduite par Michel Leiris. La conférence est l’occasion, pour l’écrivain, de rencontrer des artistes, intellectuels et leaders révolutionnaires du monde entier. Aux cours des évènements de Paris en mai 1968, il est arrêté deux fois. Il créé également L’union des Écrivains avec, entre autres, Nathalie Sarraute et Michel Butor. Véritable rebelle, il réagit au discours du Général de Gaulle qui accuse le Parti Communiste Français de subversion, en y adhérant. De l’été 1968 au printemps 1969, Guyotat rédige Éden, Éden, Éden que fera paraître Gallimard, en octobre 1970, avec une triple préface signée par Michel Leiris, Roland Barthes et Philippe Sollers. L’œuvre, moins chanceuse que sa précédente, est également frappée, un mois après sa parution, d’une triple interdiction : l’affichage, la publicité et la vente aux mineurs. L’arrêté d’interdiction est délivré par le Ministre de l’Intérieur et signé du Directeur de la Police Nationale. Rien alors ne fera céder Raymond Marcellin (Ministre de l’Intérieur), ni la pétition de soutien internationale à l’ouvrage initiée par Jérôme Lindon, directeur des Éditions de Minuit, et signée, notamment, par Pier Paolo Pasolini, Jean-Paul Sartre, Joseph Kessel, Max Ernst, Simone de Beauvoir, Nathalie Sarraute..., ni la communication orale de François Mitterrand à l'Assemblée en faveur du livre, ni même la lettre qu’adresse Georges Pompidou, Président de la République, à son Ministre de l’Intérieur pour annuler cette censure. En 1970, le Prix Médicis est accordé, à une voix près, à un autre livre provoquant la démission de Clause Simon (futur Prix Nobel en 1985, membre du jury à l’époque et fervent défenseur d’Éden, Éden, Éden).Le livre au cœur de la polémique, influence et soulève une gigantesque vague d’enthousiasme chez les intellectuels français, européens et américains et il est à ce point avant-gardiste que Guyotat lui consacre, un an après la mort de son père, son œuvre Littérature interdite (1972) où il explique l’arrière plan artistique de ce livre et présente un dossier à propos de son interdiction.L'interdiction d’Éden, Éden Eden ne sera finalement levée qu’en novembre 1981.D’autres œuvres, tout aussi percutantes et réussies, suivront ; Bond en avant, une pièce de théâtre parue en 1973 ; Prostitution, livre qui marque le passage de Guyotat de l’écriture à la langue paru en 1975 et Le Livre, paru en 1984 après une longue période de lutte physique et psychologique (deux dépressions nerveuses en 1977 et 1983 et un coma pour lequel il est hospitalisé, le 9 décembre 1981, à l’hôpital Broussais).En 1988, le peintre américain Sam Francis invite Guyotat à Los Angeles. Ils collaborent ensemble sur une œuvre bilingue, Wanted Female, qui est publiée en 1993.Parallèlement à quelques autres hospitalisations, l’écrivain commence, en 1991, la rédaction de Progénitures dont il finira les deux parties en 1999. L’œuvre est publiée en 2000, Jean-Luc Godard qui présente De l'origine du XXe siècle va en faire la promotion lors du Festival du Cannes. Dans Coma, livre autobiographique lauréat du Prix Décembre en 2006, Guyotat raconte la période douloureuse qu’il a connue en 1983. Il écrit Formation en 2007, récit de ses débuts et ses jeunes années. En 2008, sort le 1er volume de Carnets de bord qui couvre la période traumatisante qu’il a expérimentée en Algérie de 1962 à 1969. Aujourd’hui, l’œuvre de Pierre Guyotat est traduite, entre autres, en japonais, anglais, espagnol, allemand, italien et néerlandais.