Les Sentinelles Louis Peres
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L'acteur de 28 ans incarne Gabriel, simple soldat transformé en machine de guerre. Entre rôle physique, héritage intime et tragédie humaine, il nous explique comment il s’est approprié ce personnage dans les tranchées de la Première Guerre Mondiale.

PREMIÈRE : Au départ des Sentinelles, il y a la bande dessinée de Xavier Dorison. Comment vous l'avez découverte ?

LOUIS PERES : Je n'ai pas lu la BD, parce que je ne voulais pas être imprégné par l'imaginaire de quelqu'un d'autre sur le rôle de Gabriel. J'ai toujours fait ça. Je n'aime pas être influencé et, quand j'ai joué Étienne Lantier dans l’adaptation de Germinal pour France 2 (en 2022), je n'ai pas regardé la prestation de Renaud dans le film de Claude Berri (1993). J’essaye toujours de créer ma propre histoire. Sinon, le risque c’est d’être pollué, même inconsciemment, par une image d’Épinal. Et puis pour Les Sentinelles, la série a pris pas mal de distance avec l'œuvre originale. Donc je me suis créé mon propre personnage.

Votre personnage, Gabriel, est un héros très abîmé. Comment l’avez-vous abordé ?

Je l'ai abordé dans sa dualité. Pour moi, Les Sentinelles est une tragédie humaine. Gabriel est un homme à qui l'on va donner des super-pouvoirs, qui vont lui conférer des capacités extraordinaires. Et en même temps, cela va décupler ses failles, à la fois physiques et psychologiques. J'ai donc beaucoup cherché à comprendre ses blessures, pourquoi il en est arrivé là, ce qu’il ressent au fond. C’est comme ça que j’ai pu m’approprier cet univers.

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Vous avez vu des similitudes entre Gabriel et Étienne Lantier, qui sont tous deux des "gueules cassées" au fond ?

Non, je crois qu'ils sont assez différents. Étienne Lantier a toujours quelqu'un pour le soutenir, comme les Maheu, qui l'empêchent d’abandonner. Gabriel, c'est une sorte de loup solitaire. Sa seule quête, c’est de revenir vers sa femme et son fils. Mais il a tellement de noirceur en lui, qu’il sait être un danger pour sa propre famille. En ça, c’est un personnage profondément tragique : il tend vers un objectif, mais il sait que ce qui l’en empêche, c’est lui-même.

C'est un rôle très physique aussi. Vous avez eu besoin d'une préparation spécifique ?

Je vois le métier d'acteur comme un métier où l’on utilise son corps. Donc dans la vie quotidienne, je fais toujours attention à mon corps. Je m’entretiens. Là, il a fallu bosser sur la rapidité et l’agilité. J’ai beaucoup couru. J’ai travaillé la résistance. Et surtout, on a fait des "boot camps" avec mes camarades du casting, pour travailler notre cohésion de groupe. On se faisait hurler dessus par des instructeurs qui nous poussaient à aller au-delà de nous-mêmes.

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C'est difficile de se mettre dans la peau d’un poilu lorsqu’on tourne dans les tranchées ?

Mon arrière-grand-père a perdu un bras à Verdun. Et il a écrit une lettre un peu folle, qu’on se lit encore de temps en temps en famille. Il disait à son père : "Cher papa, j’ai perdu mon bras, je suis prisonnier des Allemands, mais on s’occupe très bien de moi… Et d’ailleurs, comment va Henri ?" J’ai toujours été sidéré par la bravoure de cet homme, qui se retrouve capturé en pleine guerre mais continue de penser aux autres et à sa famille. Donc j’ai voulu m’approcher au plus près de cet héritage. Dans ce genre de série, il y a toujours un devoir de mémoire, même quand on s’écarte de l’Histoire et qu’on y injecte des notions de science-fiction.

Les Sentinelles, saison 1 en 8 épisodes, à voir sur Canal + à partir du 29 septembre 2025