Après avoir été La Maheude de Zola et une victime du violeur de la Sambre, Alix Poisson incarne une femme de ménage propulsée espionne des marchés financiers, dans Clean (sur M6), aventure mêlant comédie et drame social. Entre engagement et plaisir de fiction, la comédienne revient sur ce rôle de mère battante, en phase avec ses choix de carrière. Rencontre.
PREMIÈRE : Qu’est-ce qui vous a séduite dans le scénario de Clean (qui commence ce soir sur M6) ?
ALIX POISSON : Je n’avais jamais lu un script comme celui-là. Le mélange de drame et de comédie, ce n’est pas nouveau. Mais là, tout à coup, ça flirte aussi avec le film d’espionnage… Attention, un espionnage un peu branquignol ! Ces femmes de ménage ne deviennent pas des pros. On n’est pas dans Ocean’s Eleven. Mais le fait que ça navigue ensuite dans les eaux du thriller financier, ça, je ne l’avais encore jamais vu.
L’un des objectifs de la série, c’est aussi de rendre visibles des personnes souvent invisibilisées ?
Bien sûr. Il y a une richesse dans l’écriture qui permet d’aborder plein de thématiques différentes. L’espionnage apporte une part de légèreté, cette femme en galère qui prend sa revanche, c’est toujours jouissif à voir. Mais en filigrane, la série parle aussi de l’invisibilisation de certaines catégories socio-professionnelles. Elle montre une précarité réelle qui existe chez les femmes, après que son mariage et sa vie s'effondrent du jour au lendemain.

D'une certaine manière, la série Clean réinstalle aussi la figure ouvrière à l’écran ?
Oui, totalement. Même si on n’est pas chez Ken Loach, on reste dans un registre plus léger, entre dramédie et aventure. Mais ce n’est jamais caricatural. Ces femmes sont crédibles, c’est réaliste. Et ça apporte aussi de la diversité à l’écran. Dans la fiction française, la classe ouvrière est encore très peu représentée.
Aviez-vous vu la série Frotter-Frotter (diffusée sur France 2), qui traite aussi du quotidien des femmes de ménage ?
Non, mais j’ai très envie de la voir. Je trouve incroyable que, sur deux chaînes différentes, au même moment, on décide de mettre ces femmes-là en lumière, comme héroïnes.
Dans Clean, vous incarnez une mère célibataire qui ne baisse jamais les bras. C’est un trait que l’on retrouve souvent dans vos personnages…
On en parlait avec Cathy Vernay, la réalisatrice, pendant le tournage. On se disait que les femmes dans la galère, comme Lola, n’ont pas vraiment le temps de s’apitoyer sur leur sort. Elles se battent d’abord pour s’en sortir, et elles pleurent après ! Lola est oppressée à tous les niveaux : chez elle, par le système, par le patriarcat… Elle vit avec un poids constant au-dessus de la tête. À un moment donné, elle n’a plus le choix : soit elle subit, soit elle se bat.

Les Randonneuses, Germinal ou Sambre récemment, et maintenant Clean : qu'est-ce que vous venez chercher dans ces rôles ?
Tout en procurant du plaisir aux spectateurs, ces fictions disent quelque chose de notre monde, quelque chose qui n’a peut-être jamais été raconté. Et ça vaut pour tous les types de divertissement. Il n’y a pas si longtemps, j’ai montré Tootsie avec Dustin Hoffman à mon fils. C’est ma comédie préférée. Et en même temps, c’est un film ultra-féministe, très engagé. Ça parle de l’oppression des femmes… tout en étant très drôle !
Vous considérez-vous comme une porte-parole ?
Pas du tout. Si ma voix peut servir, tant mieux. Mais je crois que ce sont des combats citoyens que tout le monde peut porter. Quand j’ai tourné Sambre avec Jean-Xavier de Lestrade, autour de la culture du viol, j’étais très heureuse de participer à une série dont je savais qu’elle aurait un fort retentissement. Dès le tournage, j’en étais persuadée. Je ne pouvais pas imaginer qu’on ferait 12 millions de vues, mais j’étais convaincue que Sambre marquerait le paysage audiovisuel.
La série a d’ailleurs trouvé un écho au-delà des frontières…
Oui, c’est assez fou. Je reçois encore des messages venus d’Espagne, d’Angleterre, où la série vient d’être diffusée. C’est vraiment touchant.

Votre prochain projet s’appelle Des Vivants de Jean-Xavier de Lestrade, autour des attentats du Bataclan. C’est encore une histoire de survivants…
Oui, on vient de finir le tournage. Jean-Xavier était persuadé – et je pense qu’il avait raison – qu’il fallait laisser passer du temps avant d’aborder les attentats du 13 novembre par la fiction. Après 10 ans, on peut faire un récit qui raconte ce qui s'est passé, tout en ayant une vertu réparatrice.
Comment la série aborde-t-elle ce sujet sensible ?
On se concentre sur un groupe de onze personnes : les derniers otages du Bataclan, retenus par les deux terroristes restants, dans un couloir de deux mètres. Ces gens ont traversé l’horreur, et très vite, ils ont eu la volonté de se retrouver. L’un d’eux a tenu à revoir les autres. Trois ont préféré s’éloigner, vivre en province. Mais les sept autres se sont revus quasiment chaque semaine. Plus qu’un groupe de soutien, ils ont créé un lien indéfectible. Ce n’est même plus de l’amitié, c’est quelque chose d’unique, d’indescriptible. Le fait d’avoir vécu ça ensemble les a soudés à jamais. Ils pouvaient tout se dire. La série raconte leur vie après. Elle évoque peu la nuit du Bataclan, et n’a pas vocation à la restituer. Elle s’intéresse surtout aux sept années qui ont suivi, jusqu’au procès des attentats, qui en constitue aussi une partie. Mais l’essentiel, c’est de montrer qu’après avoir vécu le pire, ces gens ont été capables du meilleur — dans la solidarité, la fraternité. Ils se sont sauvés les uns les autres.
Clean, en 4 épisodes, à voir les vendredis 4 et 11 avril sur France 2.
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