Après Selma, Ava DuVernay aborde dans cette mini-série une affaire judiciaire qui a choqué la communauté afro-américaine (et plus généralement l’Amérique) à la fin des années 80 à New York. Un drame émouvant.
Un soir d’avril 1989, une bande de jeunes déboule dans Central Park et s’amuse au milieu des touristes ou des promeneurs interloqués. Ça rigole, ça crie, ça se chamaille… jusqu’à ce que dans tout ce brouhaha, la police débarque. Quand on découvre un corps, l’histoire bascule.
Kevin Richardson, Antron McCray, Yusef Salaam, Korey Wise et Raymond Santana, quatre jeunes afro-américains et un hispanique, sont accusés à tort du viol d’une joggeuse. Ces adolescents, bientôt surnommés les Cinq de Central Park, ont été interrogés pendant des heures, contraints à avouer un crime qu’ils n’avaient pas commis.
Cette histoire a profondément touché l’Amérique, d’abord parce que les gens étaient rivés aux rebondissements du procès, ensuite parce qu’il est très vite apparu que cette affaire traduisait le racisme systémique de la justice américaine et de la police. Elle a engendré un bon nombre de manifestations et de contestations jusqu’à ce que les Cinq soient lavés de ces accusations après plusieurs années de prison. Mais cette affaire est encore d’actualité comme le prouve cette mini-série d’Ava DuVernay.
On connaît Ava DuVernay, farouche défenseuse de la cause des noirs et militante qui a choisi le cinéma pour porter le fer. On l’a vu dans ses films comme Selma (2014) racontant la marche pacifique de Martin Luther King dans la petite ville d’Alabama du même nom, 13th (2016), documentaire sur l’incarcération de masse aux Etats-Unis, ou encore dans Scandal, série mettant en scène une femme noire haut placée dans le gouvernement américain, dont elle a réalisé un épisode.
On pourrait se contenter d’un chiffre : depuis 1989, les afro-américains représentent 47% des déclarations d’innocence, suite à des erreurs judiciaires. Un chiffre expliquant qu’Ava DuVernay s’attaque aux bavures policières. Mais ce ne serait pas rendre entièrement justice à sa série.
Selma : La marche de Martin Luther KingChaque épisode évoque un fait bien particulier de l’affaire. Le premier raconte le fait divers, le deuxième le procès, le troisième l’incarcération des quatre mineurs, et le dernier le parcours édifiant, révoltant, de Korey Wise. À des années-lumière d’un austère documentaire, DuVernay choisit une mise en scène spectaculaire, quasi sensorielle permettant à la cinéaste de raconter le fait divers tout en immergeant le spectateur dans la réalité de l’époque, l’ignominie des conditions carcérales.
Suivant la chronologie des faits, la série s’intensifie au fil des épisodes, que ce soit par rapport à la dureté de la situation ou des émotions. C’est le choix, puissant, de la réalisatrice qui a déjà imaginé des documentaires. Celui de travailler les émotions avec cet aspect fictionnel, venant ainsi compléter le travail du grand documentariste Ken Burns qui, de son côté, avait réalisé un docu sur cette même affaire en 2012.
Un des points forts de la série reste le casting. Que ce soit les jeunes acteurs (Asante Blackk, Caleel Harris, Ethan Herisse, Jharrel Jerome, Marquis Rodriguez) ou leurs "versions" adultes (Justin Cunningham, Jovan Adepo, Chris Chalk, Freddy Miyares), tous arrivent à faire ressentir et comprendre aux spectateurs le désarroi des cinq de Central Park.
Mais c’est l’interprète de Korey Wise, Jharrel Jerome, qui est peut être celui qui se démarque le plus. En incarnant à la fois le visage poupon de l’adolescent puis celui plus dur de l’adulte brisé par la prison, donnant un relief saisissant et une incarnation explosive à ces jeunes sacrifiés. Le dernier épisode, presque entièrement consacré à son personnage, permet de le mettre sur le devant de la scène et ainsi le transformer en symbole de cette erreur judiciaire. On se souviendra longtemps d’une scène puissante du dernier épisode, lorsque Korey refuse d’avouer le crime qu’il n’a pas commis en échange d’une possible liberté conditionnelle.
À ce moment là, on touche du doigt le message de la réalisatrice la morale de la mini-série et la raison pour laquelle elle s’est attachée à ces Central Park Five : le refus absolu de l’injustice et la volonté de faire triompher la vérité. Coûte que coûte.
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