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Entre le monologue de 19h aux Mathurins où elle tient la scène durant une heure trente et la pièce qui démarre à 21heures au Théâtre Edouard VII, Véronique Boulanger doit traverser quelques rues, se démaquiller pour passer de la bourgeoise BCBG à l’employée de maison aux cheveux tirés, et adopter un accent ibérique à couper au couteau qui pousse chaque soir les spectateurs à l’interroger sur sa vraie nationalité. Plus vrai que nature, ce rôle de composition révèle aussi, comme celui de la bourgeoise BCBG pas si sûre d’elle, la vraie nature de Véronique Boulanger : furieusement drôle, mais hyper sensible, intuitive mais bosseuse, capable de s’engager sans limites dans un projet quand les mots de l’auteur la séduisent jusqu’à l’étourdir, l’obséder, la posséder. Car sous ses apparences de jeune femme fragile au minois tout fin, derrière son regard noisette et ses étonnements de chat égaré, se cache une artiste déterminée et rigoureuse qui ne cesse, depuis qu’elle a commencé à jouer, de chercher, de répéter et de se perfectionner. Le metteur en scène Anne Bourgeois, qui la dirige dans La Femme du Michel-Ange, dit d’elle que c’est une actrice de dimension américaine : « J’ai rarement rencontré une comédienne aussi investie dans le travail, à l’écoute de chaque mot. Eric Assous écrit de manière à dissimuler, derrière les conventions du texte, un sous texte magnifique qui doit révéler nos failles et nos faiblesses. Véronique construit son personnage face au public, sans aucun masque, avec une sincérité bouleversante. » Cette vérité, ce naturel qui sont sa marque de fabrique, Véronique Boulanger les a étrennés, au départ, au café-théâtre, avant de réinvestir ses cachets pour monter des auteurs vivants. Christian Dob, puis Eric Assous aujourd’hui. On se souvient de l’inénarrable Nicole des Belles Sœurs mises en scène par Jean-Luc Moreau et tournées pour la télévision mais aussi de la reprise du rôle d’Elizabeth, en express, dans « Le Prénom » d’Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte avec Patrick Bruel. Au cinéma, elle remporte un prix d’interprétation dans son rôle de violoniste peu douée dans le très drôle « Sexes très opposés » d’Eric Assous mais sa personnalité inspire aussi Patrick Chesnais, Claude Berri ou Philippe Harel. On vient de lui proposer un tournage, qu’elle vient de refuser : « Il m’est impossible de tourner un film dans la journée et d’être au théâtre à 19h. La Femme du Michel Ange, produit par le passionné de théâtre, Richard Caillat, m’a demandé un an de travail. Je suis très heureuse d’interpréter ce personnage et de la rencontre avec le public. Le texte d’Eric Assousme donne des ailes ! ». Ça tombe bien, car la voir jouer ce monologue nous propulse sur un petit nuage fait de charme, d’audace, de légèreté et de gravité. Qui n’appartiennent qu’à elle.Par Hélène Kuttner