Le compte à rebours est officiellement enclenché. La liste des nommés à la 86ème cérémonie des Oscars vient d'être dévoilée. Jusqu'au dimanche 2 mars -date de la cérémonie- on n'en pourra plus de faire des pronostics sur les futurs vainqueurs des précieux trophées, qui clôtureront l'année cinéma 2013 et lanceront 2014 pour de bon. Déjà, quelques grandes lignes se dessinent via la liste des nommés… Faites vos jeux.
Le triomphe annoncé d’American Bluff
Comme prévu, American Bluff sera le concurrent à abattre dans la nuit du 2 mars. Si on pouvait encore penser que 12 Years a Slave allait remporter un max de nominations aujourd’hui, c’est finalement le film de David O. Russell qui triomphe avec 10 nominations (dont 5 dans les principales catégories) – ce qui ne surprendra personne vu son triomphe aux Golden Globes. Le film a de fait tout pour séduire : un casting surpeuplé (Amy Adams, Robert De Niro, Jennifer Lawrence, Christian Bale, Bradley Cooper...), une mise à nu d’acteurs exceptionnels, une musique démente et un sujet à l’ancienne. L’exemple même du feel good movie, le vrai divertissement à l’ancienne comme le cinéma hollywoodien n’en n’offre plus, pimenté par une mise en scène arty qui ne fait jamais de mal. Rien n’est gagné pour autant : le combat était plus facile aux Globes puisque American Bluff concourait dans la catégorie "comédie" alors que son challenger 12 Years a Slave était classé "drame". Mais le film de Russell cartonne au box office et serait finalement le choix du compromis. Plus divertissant que 12 Years a Slave, et plus old school que Gravity.
Gravity fait le poids – un peu
10 nominations. Beaucoup pour la technique, mais quand même. Gravity devrait être largement récompensé lors de la cérémonie des Oscars et on ne voit pas comment Cuarón pourrait passer à côté de l’Oscar du meilleur réalisateur. Mais on sait par ailleurs (depuis la défaite d’Avatar en 2010) que l’Académie prise moins les défis technologiques, les monstres numériques et de cinéma que les petites choses fragiles, l’artisanat engagé et la belle ouvrage. Dans ce contexte, pas sur que l’odyssée de l’espace avec Sandra Bullock (stupéfiante) reparte triomphant.
12 Years a Slave a définitivement enterré Le Majordome
L’une des surprises des Oscars 2014, c’est l’absence du Majordome qui n’a donc aucune nomination. Eliminé des Golden Globes, on pouvait encore imaginé que le film de Lee Daniels soit présent dans la course aux Oscars. Raté. Le Majordome est peut-être sorti trop tôt (en août aux USA) et surtout, il s’est fait enterrer par le drame de Steve McQueen. Sur un sujet proche (l’esclavage et le combat pour les droits civiques), la fresque de Lee Daniels semble bien sage face au déchaînement de violence, de conscience et de surcinéma du film de McQueen. Avec son sujet édifiant, ses performances intenses et sa mise en scène puissante, 12 Years a Slave a le profil type du "film à Oscars". Mais on sait que certains votants risquent d'être rebutés par sa violence. Finalement, Lee Daniels aurait été un bon compromis avec ses prestations moins agressives et ses stars plus facilement oscarisables (Oprah Winfrey, ignoré pour son retour au ciné après Beloved et quinze ans d'absence, et surtout Forest Whitaker).
Le sacre de Léo ? Ou la victoire de McConaughey ?
Neuf ans après avoir reçu le Golden Globe du Meilleur acteur dans un drame pour son rôle dans Aviator, Leonardo DiCaprio est donc reparti avec le trophée du Meilleur acteur dimanche. Et il est désormais nommé aux Oscars 2014. Question : peut-il, enfin, remporter le prix suprême dans la nuit du 2 mars ? Ce ne serait que justice : jamais Leo n'était allé aussi loin dans un rôle. Dans la peau de Jordan Belfort, escroc de la finance accro au cul au fric et à toutes les drogues, il livre sa performance la plus jusqu'au-boutiste, le compteur bloqué à 200 à l'heure, dans une espèce d'hystérie contrôlée (il se fout à poil et enchaîne les scènes de sexe et de prise de drogues avec une énergie folle) qui culmine pendant la scène sous qualuudes. Hallucinant DiCaprio qui ne faiblit jamais, ne lâche rien pendant 3 heures pleines. Mais est-ce que l’Académie peut lui filer sa statuette ? A chaque fois qu’il a été nommé dans la catégorie Meilleur acteur (à 3 reprises), il a raté la marche. Le Globe de lundi devrait lui porter chance, car ne pas enchaîner le Globe et l’Oscar est une exception. Récemment, Daniel Day-Lewis pour Lincoln et There Will Be Blood, Colin Firth pour Le Discours d'un roi, Jeff Bridges pour Crazy Heart… Tous ont eu les deux trophées. Mais voilà : à chaque fois, il s'agissait d'un Golden Globe dans la catégorie "Meilleur acteur dans un drame", alors que DiCaprio a reçu celui du "Meilleur acteur dans une comédie ou un film musical". Et puis, la concurrence est féroce. Chiwetel Ejiofor était un concurrent sérieux jusqu’au triomphe de Matthew McConaughey, vainqueur du Globe pour son rôle dans Dallas Buyers Club. Plus oscarisable tu meurs : la statuette ne viendrait pas seulement récompenser sa performance dans Dallas Buyers Club – elle couronnerait sa renaissance (génial dans Mud et Le Loup de Wall Street cette année), et offrirait un happy end bien senti à son imparable success story (il joue le héros du prochain Christopher Nolan, Interstellar). À moins que Bruce Dern, nommé pour Nebraska, ne fasse valoir son ancienneté (plus de quarante ans de seconds rôles, une nomination à l'Oscar pour Le Retour en 1978) et réécrive la fin de l’histoire…
Warner domine et Weinstein pleureAvec 21 nominations dans toutes les catégories Warner est le studio numéro 1 de la liste. Mais il est également numéro 1 au box-office mondial. C'est l'année Warner -ou plus exactement celle du nouveau PDG de la boîte Kevin Tsujihara (arrivé en mars 2013). Qui a viré Jeff Robinov (Very Bad Trip, les Batman de Nolan) en juin de la direction pour le remplacer par un trio à sa botte. Avec 21 nominations, Tsujihara consolide son pouvoir à Hollywood. Officiellement, Robinov paie les flops US de Gangster Squad et Pacific Rim (qui s'est révélé être un carton à l'échelle de la planète). Sony/Columbia talonne avec 19 nominations (American Bluff, Capitaine Phillips, Blue Jasmine), et les autres studios se répartissent les nominations de façon un peu équilibrées. A l'autre extrémité du spectre, le grand perdant, c'est Harvey Weinstein. Seulement 5 nominations cette année pour l'homme qui a valu à Jennifer Lawrence et à Jean Dujardin leurs Oscars, c'est un peu raide. Surtout que ses 4 nominations sont pour Philomena avec Judi Dench. Rien pour son Majordome, donc, et aussi rien pour Fruitvale Station, dont le buzz de Sundance a fini par faire pschitt. Sans parler de Lionsgate : certes, le studio n'a presque sorti que des films hors Oscars cette année (You're Next, Un grand mariage...) mais son Hunger Games : L'Embrasement, plus gros carton de l'année aux USA, n'a pas reçu la moindre nomination -même pas dans les catégories techniques...
Adèle est définitivement trop français
Même s’il n’était pas pré-selectionné pour les films étrangers, on pensait que La Vie d’Adèle (Blue is the Warmest Colour chez les yankees) était un concurrent de poids dans cette compétition des Oscars 2014. Mais visiblement, le film d’Abdellatif Kechiche n’est pas formaté pour recevoir un prix sur le sol américain. Confirmation puisque Adèle Exarchopoulos -qui a pris un agent américain- n’est pas nommée en Meilleure actrice et que Adèle a disparu des radars. Coup dur pour Wild Bunch, pour la sortie d’une hypothétique version longue et pour Kechiche himself qui après des résultats mitigés (le film rate de peu le million d'entrées - 991 751 – loin des meilleures estimations espérées) repart bredouille de la saison des prix US. Adèle est-il finalement trop hot ? Trop français (ceci dit on retrouve le très italien La Grande Bellezza dans la catégorie film étranger) ? Trop bleu ? Ou trop choquant pour une Académie qui reste un peu coincée ? Ceci dit, la France est loin d’être absente : la surprise vient d’Ernest et Célestine, le beau film du trio franco-belge Renner/Patar/Aubier qui concourt dans la catégorie animation (mais aura peu de chance face aux mastodontes, et notamment au Vent se lève de Miyazaki) et dans le même registre Moi, Moche et Méchant 2 co-réalisé par le frenchy Pierre Coffin. Tout n'est donc pas perdu pour la France...
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