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Il aura flotté sur Oscars 2011 un parfum consensuel écoeurant qui n'aura jamais masqué le fait que cette 83ème cérémonie est passée à côté de l'émotion, du (vrai) cinéma. Et de l’entertainment.Par Gaël GolhenFinalement, Judd Apatow avait vu juste. Quelques heures avant la compétition, le king de la comédy US balançait sur son twitter un vachard : “n’espérez pas de surprises cette année”. On ne pourrait pas mieux résumer cette 83ème cérémonie. Durant plus de 3h (TROIS heures - sans compter le red carpet) les Oscars ont accumulé les gags les plus mous (le sketch de Billy Crystal) et les plus mauvais, les pas de deux hésitants des présentateurs qui n’ont jamais trouvé leur rythme (James Franco arborant un sourire figé, Anne Hathaway coincée dans ses robes) et des moments terriblement embarrassants (Kirk Douglas, momifié, qui monte sur scène; Celine Dion qui chante sur Smile). C’est simple, on attendait du rythme, du peps, et de l'énergie... cette 83ème cérémonie des Oscars pourrait être l’une des pires de l’histoire récente de l'Académie.>>>> Le discours de Kirk Douglas>>>> L'ouverture par Anne Hathaway et James Franco Rien ne nous aura été épargné et le show aura paru durer 127 heures. Entre grand moment d'autosatisfaction corporatiste et discours pompeux, cette cérémonie a pulvérisé des records d’ennuis qui feraient presque passer les César pour un sommet d’entertainment. On pourra toujours rejeter la faute sur Ricky Gervais (en imaginant que les organisateurs ont voulu cadrer la soirée pour éviter tout débordement). La vérité c'est que entre la servilité et l'insolence suicidaire, Hollywood n'a pas encore trouvé sa voie...Et puis, au-delà du show, ce qu’il faut voir, c’est évidemment la symbolique des récompenses. Un siècle et des poussières de cinéma hollywoodien dont quatre-vingt trois ans de cérémonies pour en arriver, en 2011, à couronner un film historique d’un tel classicisme ? Le triomphe (annoncé, attendu et arrivé) du Discours d’un roi est un peu exagéré. Meilleur réalisateur ( Tom Hooper ), meilleur acteur ( Colin Firth ), meilleur scénario, meilleur film : 4 Oscars dans les catégories essentielles ? C'est au mieux paradoxal parce qu’au moment de l’annonce des nominations, on avait beaucoup parlé d’une relève générationnelle. Voir face à face Darren Aronofsky (Black Swan), David Fincher (The Social Network) et David O’Russell (Fighter) s’affronter pour la récompense suprême était excitant. Cinéastes radicaux, réalisateurs pop et turbulents, ils étaient venus avec des films originaux. Audacieux. Stimulant. Animés par une même envie de faire bouger les choses, les lignes de force du cinéma. Mais l’académie aura finalement préféré le triomphe plus consensuel du Discours d’un roi. Difficile d'imaginer que Hollywood n'ait pas trouvé dans ce film aussi lisse qu'impeccable, matière à se rassurer. On peut aimer l’histoire de ce monarque qui doit lutter contre son handicap, trouver le sujet passionnant (et il l’est : langage et politique), louer ses acteurs fascinants... récompenser Tom Hooper du prix de la mise en scène reste malgré tout la plus belle arnaque de la soirée. Ses plans shootés au grand angle, ses gros plans surlignés, son épaisseur psychologique n’arrivent évidemment jamais à la cheville de la subtilité et de la richesse de la mise en scène de Social Network ou de Black Swan. Le triomphe du Discours d’un roi sonne comme une forme de repli, face à un cinéma avant-gardiste infiltrant de plus en plus le Hollywood mainstream. Il marque surtout le retour des frères Wenstein aux affaires, qui récidivent là leur coup de Shakespeare in Love (Oscars 98). On se consolera avec les larmes de Natalie Portman qui décroche l'Oscar de la meilleure actrice pour un rôle qui change le cours de sa carrière mais aussi de sa vie. Son émotion à vif, ses remerciements sincères (dont une adresse à Luc Besson) ont été une respiration de la soirée... Et pour finir, on se contentera de relever les nombreuses absences du palmarès : 127 heures et True Grit privés d'Oscars. Inception qui récolte les récompenses... techniques ! Les français écartés (Alexandre Desplat, Sylvain Chomet et Rachid Bouchareb venu avec Hors-la-loi)... tous ces films et ces réalisateurs repartent bredouilles. Comme le spectateur.