Il y a des choses qui ne trompent pas.Comme l'insistance d'Harvey Weinstein à vouloir sortir Grace de Monaco pour les Oscars. Comme si "Scissorhands" était déjà convaincu qu’il avait entre les mains la renaissance de Nicole Kidman. Ou bien la franchise d'un chef op qui explique à demi-mot que Kidman, enfin, a retrouvé forme humaine. Qu’elle n’est pas seulement regardable, non. "Magnifique". Désirable. Iconique. Et surtout, "à la hauteur de son modèle".De loin, le come back semble parfait. Un surdoué de l’image aux commandes, une ouverture à Cannes et le retour à son registre de prédilection pour l’une des plus grandes stars hollywoodiennes. Grace de Monaco combine tout ce qui irrigue la filmo de Kidman depuis, disons, 98 : le biopic (The Hours et Fur), l’exploration du labyrinthe neuronal des actrices (Eyes Wide Shut, Les Autres,Birth) et surtout le rapport de fascination à l’un de ses role model. Kidman en Kelly, ça a la simplicité de l’évidence. Les deux K se tournent autour depuis longtemps et la blonde hitchcockienne surplombe une bonne partie de la filmo de la rousse australienne. Au hasard : dans Les Autres, l’égérie de sir Alfred servait de modèle au personnage glacial qu’incarnait Nicole. A la sophistication très 50’s de la princesse monégasque, l’Australienne substituait l’image plus 40’s de la vieille fille revêche dont la sensualité réprimée ne demande qu’à exploser (dans une magnifique scène de retrouvailles amoureuses et spectrales avec son mari disparu à la guerre). Mais c'est pareil dans Birth où la beauté neurasthénique de Kidman rappelait les héroïnes de Hitch (les cheveux courts de Marion Crane, mais la sensualité lisse et explosive de Kelly)… même le Kubrick empruntait cette piste et jouait avec cette troublante référence. Au fond, c’est à un certain type de féminité inaccessible que Amenabar,Glazer et Kubrick faisaient référence à travers Kidman, une vision gravée dans le marbre par la grâce de Kelly, ce que personne n'ignorait.Tout ça, c’était du temps de sa splendeur, avant la chirurgie, avant les sandleries ferrelliennes, avant les DTV. Grace devait lui permettre de récupérer son aura, de faire de nouveau valoir sa beauté suprême et de se mesurer enfin à LA star. Raté. D'abord il y a le problème du mimétisme. Là où les trois quarts du film ressemble à un concours de sosie, avec ses 10 ans de plus et son visage anguleux Kidman ne fait jamais illusion et ne ressemble pas vraiment à son modèle. Elle n’a ni son physique tendu, ni sa blondeur cendrée, ni son inquiétude atomique qui éclatait dans ses plus grands rôles. Mais le vrai problème c’est la mise en scène de Dahan qui ne réfléchit jamais à son sous-texte méta. A incarner une star, à reprendre le rôle d’une icône, le risque était grand de s’enfermer dans le bégaiement de la mythologie hollywoodienne. Et Kidman se contente la plupart du temps d’être dans le revival et le néo. A un moment, un seul, elle joue autre chose et se confronte à l’actrice dans son essence même. Jolie séquence où l’apprentie altesse, coachée, doit apprendre à être à la hauteur de son titre et répète son rôle, multiplie les mimiques pour se glisser dans la peau d’une princesse. Mise en abyme qui donne à voir ce qu’aurait dû être le film et ce qu’aurait dû faire Nicole pour rentrer en Grace : en même temps jouer le rôle et porter un regard sur l’actrice qui l’a précédée. Devenir fille double. Tout en restant contemporaine. Le film ne fait qu’effleurer ça, et Kidman reste une pâle copie. Parfaite pour la montée des marches. Mais pas forcément digne de ce qu’elle a su faire. Et surtout pas de son modèle…G.G.Voir la conférence de presse de Grace de Monaco avec Nicole Kidman :
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Nicole Kidman : la pesanteur de la Grace
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