Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
WICKED ★★★★☆
De Jon M. Chu
L’essentiel
Une adaptation grisante et roborative d’un des plus fameux musicals de Broadway, portée par le duo brillant Ariana Grande/Cynthia Erivo.
Un grand spectacle de 2h40 (et ce n'est que l'Acte I). Une comédie musicale de Broadway de 2003 adapté d’un livre de 1995, tournée vingt ans plus tard comme si un film d’Harry Potter était un épisode du Marvel Cinematic Universe… Nous sommes avant les évènements du Magicien d’Oz, quand Elphaba, une jeune femme à la peau verte arrive dans une université magique où les profs sont des animaux qui parlent. Elle va se lier d’amitié avec son antithèse, une jeune femme blonde, rose et populaire, tandis que du fond de sa citadelle d’Emerald City, un complot politique pointe son nez. Et le tout articulé à l’aide de chansons démentes, depuis longtemps passées dans le répertoire classique de Broadway. Wicked nous entraîne dans un monde de fantasy tourbillonnant qui veut vraiment vous en donner pour votre pognon. Grâce au duo composé par Cynthia Erivo et Ariana Grande (qui compose sa Glinda comme une mean girl danseuse de lap dance, cousine féérique d’Anora Mikheeva), absolument impeccable d’alchimie musicale, et à l’énergie friquée qui emporte le tout. Rendez- vous en novembre 2025 pour l'Acte II.
Sylvestre Picard
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
IL ETAIT UNE FOIS MICHEL LEGRAND ★★★☆☆
De David Hertzog- Dessites
Comment raconter en 1h50 Michel Legrand, ses 70 ans de carrière de compositeur de musique de films, son travail d’arrangeur (pour Michael Jackson, Aznavour, Nougaro...), sa passion pour le jazz qui fit de lui un des premiers Européens à travailler avec Miles Davis ou encore sa seule expérience de réalisateur avec Cinq jours en juin ? Avec ce documentaire, David Hertzog Dessites ne prétend à aucun moment à l’exhaustivité. Il raconte Legrand comme un patchwork, une fresque morcelée, assumant ses partis pris (privilégier le chapitre Demy, particulièrement soigné à sa carrière américaine) et entremêlant témoignages (Quincy Jones, Pierre Richard, Barbra Streisand…), images d’archives d’une richesse insensée et surtout plongée dans les coulisses d’un artiste au travail jusqu’à son dernier souffle (son ultime concert à la Philharmonie de Paris) qui le montre tout mû par une passion toujours aussi vive mais aussi cassant, rugueux, rude.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéMARMAILLE ★★★☆☆
De Gregory Lucilly
Mis à la porte par leur mère, un ado rêvant de devenir star de breakdance et sa grande sœur qui élève seule son bébé se retrouvent placés chez leur père qu’ils n’avaient jamais rencontré. Marmaille raconte leur longue et difficile reconstruction. Production 100% réunionnaise, ce premier long a comme qualité majeure de proposer, à travers ce récit, un portrait passionnant de cette île, car dépouillé de tout cliché. Et sa justesse à tous les étages (interprétation, écriture fouillée des personnages…) fait oublier une fin trop abrupte. Une vraie curiosité.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéCROSSING ISTANBUL ★★★☆☆
De Levan Akin
Il est des régions du monde que l’on voit tellement peu à l’écran que l’on serait incapables d’imaginer quels types de personnages les habitent. Au début de Crossing Istanbul, on en croise deux en Géorgie (Lia, une retraitée rustre, et Achi, un jeune surexploité) qui partent ensemble pour la ville turque, retrouver Tekla (la nièce de la première), que le second dit avoir croisé et connu. Sur place, ils découvrent toute une culture, nationale certes, mais queer également : remonter les traces de Tekla les conduira notamment dans le quartier trans. Au fil de la quête et des rencontres (avec Evrim, avocate-militante par exemple), on voit surtout deux générations se tourner autour, obligées d’en passer par la cohabitation pour se comprendre respectivement. Le film ne décolle que rarement de son programme, mais impose son mélo dans des lieux et avec des personnages d’une grande préciosité.
Nicolas Moreno
100 000 000 000 000 (CENT MILLE MILLIARDS) ★★★☆☆
De Virgil Vernier
Talentueux représentant d’un cinéma mi-naturaliste mi-féérique, Virgil Vernier (Mercuriales, Sophia Antipolis) aime investir des lieux architecturalement spectaculaires pour y dessiner de singuliers destins. Ici, au cœur de Monaco et d’un chantier aux airs futuristes visant à étendre la ville sur la mer, le cinéaste raconte le parcours d’Afine, escort boy de 18 ans qui va croiser durant la période de Noël plusieurs personnages féminins. En explorant la mélancolie d’individus solitaires confrontés au consumérisme du monde, le cinéaste crée une fascinante atmosphère de conte où les âmes ont besoin de réconfort mais où la férocité des inégalités sociales finit par revenir. Nimbé d’une lumière apaisante, ce film doux-amer émeut ainsi avec sa galerie d’enfants perdus condamnés à errer dans des décors à la froideur d’autant plus cruelle qu’elle se pare d’atours faussement paradisiaques.
Damien Leblanc
SHAMBHALA, LE ROYAUME DES CIEUX ★★★☆☆
De Min Bahadur Bham
Shambhala s’ouvre sur un mariage : celui de Pema avec trois hommes d’une même fratrie. La polyandrie est de mise au cœur de l’Himalaya, où cette femme vénérée partage son affection entre Tashi, celui dont elle est amoureuse, Karma, moine dévoué, et Dawa, petit morveux. Tout se passe pour le mieux jusqu’au jour où l’annonce de sa grossesse est noircie d’une rumeur de liaison extraconjugale, incitant un Tashi rongé par la couardise à se retirer dans les montagnes et une Pema résiliente à partir à sa recherche. C’est à ce moment précis du film, 50 minutes déjà écoulées, que le titre apparaît. Commence alors l’immense voyage d’une femme dans le sillage de sa propre providence, prête à renouer avec sa solitude d’abord, et sa plénitude ensuite. Une épopée aussi salutaire que l’air de ces alpages coupés du monde, qui rappelle combien il est précieux de prendre le temps. Vivifiant.
Lucie Chiquer
UN PAESE DI RESISTENZA ★★★☆☆
De Shu Aiello et Catherine Catalla
Dans un petit village de Calabre où une association d’accueil de migrants rythme le quotidien de chacun, l’arrivée soudaine de Matteo Salvini au pouvoir — et avec lui, la fin des subventions accordées à la structure — fait l’effet d’une bombe. « Ils ont transformé ce qui était une excellence en un problème », témoigne un habitant, qui mène la fronde contre cette décision injuste. Ce documentaire, très intéressant, met des images sur cette saine révolte… et prouve qu’en Europe, le repli sur soi n’est pas une fatalité.
Emma Poesy
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
LEURS ENFANTS APRES EUX ★★☆☆☆
De Ludovic et Zoran Boukherma
Sur fond de désenchantement social, au beau milieu des années 90, dans une vallée où les hauts fourneaux ne fument plus, trois ados, deux garçons et une fille, quatre étés durant, vivent vaille que vaille, et apprennent à s'aimer, à se battre, à grandir. C’était le roman de Nicolas Mathieu (Goncourt 2018), c’est désormais le film des frères Boukherma. Mais là où le livre frappait dur (et juste), son adaptation verse dans une nostalgie sirupeuse. La mise en scène joue en effet la carte des couleurs saturées, et tentent d'insuffler du glamour aux paysages industriels de l’Est ravagé. Quelques fulgurances visuelles masquent mal l’absence de mordant ou d’acuité qui faisaient le prix du matériau d’origine. Reste le casting, solide. Tous les acteurs sont filmés comme des demi-dieux grecs (Paul Kircher impérial, Ludivine Sagnier forte et fragile ou Sayyid El Alami d’une beauté sauvage), mais en troquant la mélancolie déchirante pour un feel-good forcé, les réalisateurs trahissent au fond l'essence du roman de Mathieu.
Gaël Golhen
Lire la critique en intégralitéCONCLAVE ★★☆☆☆
De Edward Berger
Le cérémonial du choix d’un nouveau pape, avec ses centaines de cardinaux confinés, ses rituels immuables, possède un potentiel cinématographique énorme, qui a récemment intéressé des cinéastes aussi différents que Moretti, Sorrentino ou Meirelles. Dans Conclave, Edward Berger s’inspire d’un roman de Robert Harris pour raconter une élection papale sous tension. Huis-clos, machinations, gros casting… Le film se savoure comme un de ces néo-whodunit à la Agatha Christie, sans cadavre, mais avec un Ralph Fiennes des grands jours en Hercule Poirot du Vatican. Derrière la mécanique du thriller, il s’agit aussi de raconter comment l’Eglise est bousculée par le monde extérieur, entre terrorisme, populismes, évolutions sociétales… Le tout est un peu lourd, mais plutôt divertissant, jusqu’à un twist final inoubliable. Comment expliquer pour autant pourquoi Conclave figure parmi les favoris des prochains Oscars ? Les voies de l’Académie sont impénétrables.
Frédéric Foubert
NIKO LE PETIT RENNE, MISSION PERE NOËL ★★☆☆☆
De Kari Juusonen et Jorgen Lerdam
Dans le troisième volet de ses aventures, Niko s’apprête à rejoindre l’équipe des rennes volants du Père où officie son père mais doit pour cela triompher de la jeune et intrépide Stella. Et si on est de prime abord séduit dans un premier temps par les aspérités inattendus d’un récit où il est question de trahison amicale comme d’un père tombant de son piédestal, la course au happy end reprend vite ses droits, gommant toutes ces aspérités par peur de déplaire à son tout jeune public cible. Dommage.
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIME
LIMONOV, LA BALLADE ★☆☆☆☆
De Kiril Serebrennikov
Serebrennikov et Limonov. Le cinéaste de la fièvre russe qui tire le portrait du prince noir moscovite. On attendait une oeuvre nihiliste et trouble, le résultat est tiède et presqu’embarrassant. Le réalisateur de Leto s'attaque pourtant à un personnage en or, Limonov, poète ukrainien devenu clochard à New York puis rebelle politique plus que controversé. Le film suit ce touche-à-tout dans ses pérégrinations, et notamment lors de sa période new-yorkaise où il vécut une passion destructrice avec Elena, sublime mannequin qui l'entraîna dans une spirale d'excès. Ben Whishaw est génial dans le rôle de ce dandy ingérable, mais le film peine à décoller. Tout y est trop sage, aseptisé. Car en se concentrant sur ces années new- yorkaise, Limonov oublie l'essentiel du contexte historique et évite les aspects les plus dérangeants de son héros, notamment ses dérapages politiques, expédiés dans un carton final. Résultat : un film en anglais (une hérésie) qui prétendait sonder l'âme russe et passe à côté de son fascinant protagoniste, héros et salaud contemporain.
Pierre Lunn
Lire la critique en intégralitéDADDIO ★☆☆☆☆
De Christy Hall
Des films se déroulant intégralement dans l’habitacle d’une voiture : c’est l’une des micro-tendances (pas ultra-passionnante) de cette fin d’année. Après Le Choix, où Vincent Lindon règle ses problèmes existentiels au volant de sa Renault Laguna, voici Daddio, avec Sean Penn en chauffeur de taxi new-yorkais, et Dakota Johnson sur la banquette arrière. A la faveur d’un embouteillage entre l’aéroport JFK et Manhattan, la passagère va faire le point sur sa vie sentimentale, et profiter des leçons de vie du briscard buriné qui tient le volant. La réalisatrice Christy Hall n’arrive jamais à dynamiser visuellement les échanges entre les deux comédiens, se contentant d’enregistrer leur ping-pong théâtral – une enfilade de poncifs sur l’amour, le sexe et l’uberisation du monde. Censé être un « véhicule » pour ses interprètes (comme disent les Anglo-Saxons pour parler d’une partition sur mesure), Daddio reste au point mort.
Frédéric Foubert
Et aussi
Guadalupe : mère de l’humanité, de Andrés Garrigo et Pablo Moreno
La Vie des hommes infâmes, de Gilles Deroo et Marianne Pistone
Les Reprises
Le Conte des contes, de Youri Norstein
Sans rien savoir d’elle, de Luigi Comencini
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