Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVÉNEMENT
TOUT SIMPLEMENT NOIR ★★★☆☆
De Jean- Pascal Zadi et John Wax
L’essentiel
Une comédie bordélique dans laquelle la mise en scène ne cache jamais le vrai sujet : la présence des Noirs dans le cinéma français
Jean- Pascal Zadi est un drôle de type. « Rappeur raté (c’est lui qui le dit), réalisateur de docs et de programmes courts pour Canal +, c’est un sale gosse qui joue le rôle du sniper. Tout simplement noir est son premier long, une comédie qui carbure au clin d’œil, au second degré et à l’autodérision pour tenter, malgré tout, de parler d’un sujet casse-gueule : « l’invisibilation » des Noirs dans l’industrie ciné et la société française. Caméra à l’épaule, style mockumentaire, le film raconte la vadrouille de deux losers qui cherchent à organiser une marche des fiertés noires.
Pierre Lunn
PREMIÈRE A ADORÉ
CHAINED/ BELOVED ★★★★☆
De Yaron Shani
Yaron Shani est apparu à Cannes en 2009, avec Ajami, coréalisé avec Scandar Copti. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs il avait obtenu la Caméra d’or. Certaines avaient alors vu en eux des disciples de Martin Scorsese dans leur capacité à électriser le monde mafieux décrit. 2009 donc. Si loin, si proche. Plus de dix ans sans donner de nouvelles et voici non pas un mais deux longs métrages qui sortent coup sur coup. Cette fois Yaron Shani y est allé solo. Ce diptyque est même en réalité une trilogie qui arrive amputée d’une de ses parties. Mais Chained et Beloved avancent toutefois très bien ensemble et se répondent à distance. S’il fallait définir en peu de mots les films en question, on dirait qu’il s’agit du récit de la séparation d’un jeune couple vivant dans un petit appartement de Tel Aviv. Le tout traité sur un mode suffisamment réaliste pour qu’une confusion s’opère dans la tête du spectateur.
Thomas Baurez
PREMIÈRE A AIMÉ
LUCKY STRIKE ★★★☆☆
De Kim Yong-hoon
Depuis l’émergence de Park Chan-wook et Bong Joon-ho, le polar “made in Séoul” s’est taillé une solide réputation avec un ton et une structure bien établis : beaucoup d’humour noir, de violence, de personnages, d’intrigues et de décrochages temporels. Le premier film de Kim Yong-hoon ne déroge pas à la règle en racontant, via une demi-douzaine de personnages, les conséquences dramatiques engendrées par la perte d’un sac bourré de billets qu’un employé indélicat a rapporté chez lui. À la manière des grandes comédies italiennes, Lucky Strike est d’abord un commentaire grinçant sur nos sociétés corrompues par l’appât du gain qui pousse au pire les plus honnêtes d’entre nous. Si l’impression de déjà vu est vivace, elle est escamotée par le plaisir coupable pris devant cette débauche de mauvais goût diablement mise en scène par Kim Yong-hoon. Sûr qu’on entendra parler de lui dans le futur. On prend les paris ?
Christophe Narbonne
MALMKROG ★★★☆☆
De Cristi Puiu
Monumental. Ecrasant. Impressionnant. Et forcément intimidant. Le nouveau Puiu et ses 3h20 est tout cela à la fois et bien plus encore. L’homme de La Mort de Dante Lazarescu adapte Trois entretiens du russe Vladimir Soloviev, publié à la fin du 19ème siècle. Soit exactement la période où se déroule l’intrigue, divisée en six chapitres au cœur d’un vaste manoir dans une région non précisée. Un groupe de Russes y sont réunis et échangent sur la guerre, la religion, la mort, l’amour, la morale... Le tout en français, langue favorite des membres de la haute société russe d’alors. Une langue riche qui constitue la colonne vertébrale d’une oeuvre qu’il serait inexact d’assimiler à du théâtre filmé, en dépit de l’unité de temps et de lieu qui y prévalent. Car c’est la manière dont la réalisation de Puiu casse par des petites touches quasi invisibles l’aspect statique de son dispositif que son film vous emporte, sans pourtant jamais vous tendre la main dans une leçon de mise en scène de chaque instant.
Thierry Cheze
PARK ★★★☆☆
De Sofia Exarchou
Un premier long-métrage venu de Grèce. La réalisatrice Sofia Exarchou filme une bande d’adolescents et de jeunes gens sans attache, errant dans les ruines du village olympique construit pour les J.O. de 2004, mais laissé à l’abandon depuis. Un décor fascinant qu’Exarchou utilise comme l’allégorie d’un pays délabré, abandonné, peuplé par une jeunesse désespérée et condamnée à tourner en rond dans les ruines d’une splendeur passé. Ce pourrait être lourd mais c’est puissamment incarné par des acteurs qui savent insuffler beaucoup de tension dans une succession de scènes mutiques, énigmatiques, sur lesquelles plane constamment une sensation de peur, de danger, de catastrophe imminente : jeux entre ados agressifs et humiliants ; bras de fer qui menacent de tourner à la bagarre générale ; scènes de danse ou de sexe partagées entre la joie et le malaise… Dans un registre sensuel et « animal » hérité de Larry Clark, Sofia Exarchou fait preuve d’un regard puissant. Il manque juste au film, au-delà de son ambition allégorique, une véritable épine dorsale, une attache émotionnelle, un liant qui lui aurait permis d’être supérieur à la somme de ses parties.
Frédéric Foubert
CELLES QUI CHANTENT ★★★☆☆
De Julie Deliquet, Sergei Loznitsa, Karim Moussaoui et Jafar Panahi
La 3e Scène est un espace digital créé en 2015 par l’Opéra national de Paris, ouvert aux plasticiens, photographes et cinéastes. Ces derniers sont invités à créer librement des œuvres autour de l’Opéra, visibles librement sur la plateforme. Celles qui chantent proposent à quatre court-métrages issus de la 3e scène de quitter les rives du numérique pour les salles obscures. Ce programme tient sa cohérence de la célébration du chant féminin, fil secret (les cinéastes n'avaient aucune idée du travail de leurs collègues) qui donne à voir et à entendre la puissance des divas, à travers notamment le travail de deux pointures du septième art : Sergei Loznitsa et Jafar Panahi.
Thomas Baurez
L’ENVOLEE ★★★☆☆
De Eva Riley
La réalisatrice britannique Eva Riley avait présenté en compétition au Festival de Cannes 2015 un court- métrage intitulé Patriot. Elle y racontait la trajectoire d’une jeune fille qui, au contact d’un garçon faisant irruption dans sa vie, allait voir son existence bouleversée. Pour son premier long-métrage, elle choisit le même itinéraire. Leigh, 14 ans, vit dans la banlieue de Brighton. Un jour débarque son demi-frère au passé trouble. D’abord prudente, Leigh va délaisser sa routine et son concours de gymnastique, pour suivre les faits et gestes de ce nouveau modèle. Si le récit de L’Envolée ne brille pas par son originalité, Eva Riley parvient à se mettre à hauteur de sa jeune héroïne. A travers les yeux de cette adolescente, le monde pourtant chaotique, se réinvente. On pense au magnifique 90’s de Jonah Hill qui serait passé entre les mains d’Andrea Arnold. Curieux donc.
Sylvestre Picard
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
THE OLD GUARD ★★☆☆☆ (sur Netflix le 10 juillet)
De Gina Prince-Bythewood
Depuis les années 10, Charlize Theron s’est réinventée en héroïne de film d’action. De Furiosa en reine Ravenna, de Cipher en “Atomic Blonde”, l’actrice sud-africaine a composé des personnages emblématiques s’inscrivant dans la féminisation d’un genre naguère dévolu aux hommes. Dans The Old Guard, elle incarne Andy, la chef d’une bande de mercenaires immortels.
Christophe Narbonne
LA FORÊT DE MON PERE ★★☆☆☆
De Vero Cratzborn
Après vingt ans passés à faire des courts métrages, la belge Vero Cratzborn passe au long. Elle y concentre ses obsessions sur l’adolescence, la famille, la marge pour un résultat qui oscille entre tension mélodramatique et démonstration édifiante mais qui respire l’intégrité. On s’inscrit dans les pas de Léonie, jeune fille de quinze ans, aînée d’une fratrie qui grandit en HLM entre une mère responsable et un père fantasque. Tout juste viré de son job d’élagueur, Jimmy présente des symptômes psychiatriques inquiétants qui vont bouleverser l’ordre familial... Si les intentions sont bonnes, leur matérialisation souffre d’un excès de “fabrication”, notamment dans l’interprétation un poil trop illuminée d’Alban Lenoir -à sa décharge, rien de plus compliqué à jouer.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
SCOOBY ! ★☆☆☆☆
De Tony Cervone
Première adaptation en images de synthèse du chien peureux, Scooby ! tente le grand écart entre l’origin story et une aventure surnaturelle inédite sur fond de complot mondial. À la fin, aucune des deux pistes ne sera réellement explorée, et le film ne retrouvera jamais le ton si particulier de la série animée. Toutes les citations sont pourtant là (un peu de paranormal, des blagues sur la bouffe, des méchants masqués qui ne sont pas ceux qu’ils prétendent être…), mais rien n’y fait : pensé comme un divertissement familial générique plus qu’une réinvention du personnage, Scooby ! semble en plus oppressé par la volonté du studio de créer un univers cinématographique Hanna-Barbera. On croise en effet à chaque coin de rue des personnages de la mythique société de production (Capitaine Caverne, Satanas et Diabolo…), au point que ces derniers prennent plus d’importance que l’équipe de Mystère et Cie. Reste un petit film inoffensif sur l’amitié, à l’animation souvent faiblarde.
François Léger
Reprises
Crash, de David Cronenberg
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