Ce qu’il faut voir cette semaine
L’ÉVÉNEMENT
TENET ★★★☆☆
De Christopher Nolan
L’essentiel
En tentant de retrouver l'évidence d'Inception, Christopher Nolan se repose sur des tics et ses gimmicks. Et finit par réaliser un James Bond.
"Ce que je cherchais, ce n'était pas à faire un James Bond en tant que tel. Je voulais plutôt retrouver mes sentiments d'enfant face à ces films. Une sensation. Tenet, c'est ça : ma tentative de recréer l'excitation que j'avais face à ces divertissements à grande échelle, ce que j'ai pu ressentir en découvrant ces films. C'était le souvenir d'une émotion plus que les codes des films eux-mêmes." Voilà ce que répondait Christopher Nolan quand on lui a demandé -dans les colonnes du dernier numéro de Première- pourquoi ne pas avoir tourné un James Bond officiel plutôt que Tenet. Sa réponse est donc claire : tenter de reproduire la sensation, l'émotion d'un spy thriller à gros budget plutôt que les codes.
Sylvestre Picard
PREMIÈRE A ADORÉ
DANS UN JARDIN QU’ON DIRAIT ÉTERNEL ★★★★☆
De Tatsushi Omori
Au début des années 90, Noriko, une jeune étudiante sage et mélancolique, ne sait pas quoi faire de sa vie. Ses parents lui proposent de suivre avec sa cousine plus délurée l’enseignement d’une voisine, madame Takeda, maître en cérémonie du thé. C’est le début d’un long apprentissage. Très long, très lent, très dur : Dans un jardin qu’on dirait éternel a beau s’étaler sur une vingtaine d’années, le temps qui passe n’est jamais un poids mort. Imaginez un film d’arts martiaux – avec l’immense Kirin Kiki (Une affaire de famille) en Yoda de l’eau chaude – dont le tempo sera celui de l’eau qui bout, et le credo serait de parvenir à accomplir les tâches les plus minimes et ingrates autour du thé matcha sans faillir ni trembler. Du point de vue documentaire, découvrir la cérémonie du thé japonaise est passionnant et parfois même amusant, mais le film ne saurait se réduire à son aspect pittoresque. Adapté d’un best-seller autobiographique vendu comme un ouvrage de développement personnel (l’art ancestral du chadô comme palliatif à la vie moderne), il s’avère extrêmement émouvant dans son traitement du temps qui passe : autour de gestes mille fois répétés, au cœur d’un espace réduit où les hommes sont hors champ, Noriko devient adulte. Tatsushi Omori (dont c’est le premier film distribué en salles en France ; son Murmure des dieux a été édité en DVD en 2007) saisit le moment où la micro chronique de thé devient immense chronique de vie.
Sylvestre Picard
PREMIÈRE A AIMÉ
EFFACER L’HISTORIQUE ★★★☆☆
De Gustave Kervern et Benoît Delépine
Ce sont deux voix qui font un bien fou. Un duo qui s’empare des laissés-pour-compte de plus en plus nombreux de notre monde pourtant de plus en plus riche. Ces antihéros magnifiques sublimés par deux cinéastes qui ont les pieds sur terre mais la tête dans les étoiles et transcendent ce quotidien angoissant et injuste. Leur nouvelle fantaisie sociale et poétique met en scène trois Don Quichotte s’attaquant aux moulins à vent des temps modernes.
Thierry Cheze
PETIT PAYS ★★★☆☆ (sortie 28 août)
D’Eric Barbier
Après avoir porté à l’écran La Promesse de l’aube de Romain Gary, Eric Barbier se confronte à une autre enfance, celle racontée par Gaël Faye dans Petit Pays. L’action du roman débute en 1992, au cœur des jeux d’un garçon de dix ans, Gabriel, élevé au Burundi entre un père français et une mère rwandaise. Le réalisateur retranscrit par de jolies scènes les saveurs d’un paradis perdu et parvient à traduire l’écriture fine de Gaël Faye sur le quotidien à Bujumbura en authentiques moments d’Histoire où la banalité s’inscrit en pointillés. Mais cette ode joyeuse à l’enfance va progressivement virer au cauchemar.
Sophie Benamon
CITOYENS DU MONDE ★★★☆☆
De Gianni Di Gregorio
Gianni Di Gregorio est venu sur le tard derrière la caméra : en 2008, à 59 ans, juste après avoir co-écrit Gomorra. Ce premier long, Le Déjeuner du 15 août - dont il tient aussi le rôle principal – a remis au goût du jour un type de comédie italienne entre tendresse et autodérision, qu’on croyait définitivement morte et enterrée. Une voie qu’il n’a depuis jamais cessé d’approfondir avec Gianni et les femmes, le plus quelconque Bons à rien et ce Citoyens du monde qui marque son retour en forme. Il s’y met en scène en prof tout juste retraité qui envisage avec deux acolytes, au vu de leurs pensions de misère, de partir vivre leurs vieux jours loin de Rome dans un pays étranger où leur pouvoir d’achat sera plus conséquent. Et en partant d’une réalité sociale (la précarité qui touche certains retraités en Italie), Di Gregorio développe une fable terriblement attachante. Grâce à la finesse de l’écriture de ses personnages et de leur amitié bougonne mais surtout en ne succombant jamais à la facilité du « c’était mieux avant ». Citoyens du monde est l’antithèse du film réac’ pleurnichant un paradis perdu qui ne reviendra plus. Il se situe ici et maintenant, préférant l’utopie au cynisme. Au lieu de dénoncer l’Italie telle qu’elle est, Di Gregorio raconte l’Italie telle qu’il la croit capable de se transformer. Notamment dans son rapport aux migrants, sujet casse-gueule car riche en facilités démagos, que Di Gregorio traite ici avec une humanité joyeuse qui résume son rapport au cinéma : un divertissement qui raconte le monde sans jamais se faire donneur de leçon.
Thierry Cheze
GRAND FRÈRE ★★★☆☆
De Liang Ming
Acteur (Nuit d’ivresse printanière) puis assistant réalisateur (Mistery) pour Lou Ye, Liang Ming débute dans la réalisation avec ce singulier triangle amoureux dans la Chine de 1999. Une sœur, femme de chambre au statut migratoire précaire, un frère, pêcheur mis au chômage par une marée noire, et sa nouvelle petite amie, fille d’une riche famille, bousculant donc l’équilibre frère-sœur au grand dam de cette dernière. Grand frère raconte la fin d’un monde pour cette sœur et a la belle idée de le faire par le prisme de son regard, créant ainsi des ellipses qui ajoutent du mystère au récit. On pense beaucoup ici à Burning dans la manière dont triangle amoureux et lutte des classes sociales ne font qu’un mais sans que jamais cette référence paraisse écrasante. L’atmosphère troublante singulière que sait créer Liang Ming donne envie de voir la suite de ses aventures de cinéaste.
Thierry Cheze
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
SPYCIES ★★☆☆☆
De Guillaume Ivernel
La scène d’ouverture (la course-poursuite d’un chat-espion qui doit récupérer une mallette) donne une bonne idée du talent d’Ivernel : énergie et fluidité impressionnantes, découpage dynamique, lisibilité des enjeux impeccable… Ce type-là (à qui l’on doit les beaux Chasseurs de dragons et Ballerina) sait diriger une scène d’action, c’est sûr. Parfaitement exécuté et designé, ce film d’animation franco-chinois n’a donc rien à envier aux blockbusters américains. On regrettera donc d’autant plus que le scénario ne soit jamais à la hauteur de sa réalisation. L’aventure du duo mal assorti (le geek et le super espion) parti sauver la planète d’une organisation terroriste est parsemée de longueurs et les personnages croisés sont parfois trop caricaturaux. Ca n’empêchera pas les ados de s’amuser devant cette débauche d’action, d’humour et d’effets spéciaux.
Pierre Lunn
MADAME ★★☆☆☆
De Stephane Riethauser
Il y a quelque chose de profondément touchant dans ce Madame, centré autour du dialogue à la fois réel et fictif entre le réalisateur avec sa grand-mère. D’un côté, une femme qui s’est conformée toute sa vie à ce qu’attendait son milieu, de l’autre un jeune homme qui lutte avec lui-même pour avouer à sa famille son homosexualité. Dans le milieu très bourgeois dans lequel il évolue, il est programmé à la fois pour reprendre l’affaire de papa et pour épouser une fille de bonne famille. Il va rejeter les deux. Mais ce n’est pas tant dans ce journal intime à la Jonathan Caouette que Madame prend toute sa saveur mais bel et bien dans la relation avec cette aïeule conservatrice (limite Manif pour tous) mais qui va tout faire pour le remettre avec son ex petit ami. Une œuvre qui donne envie d’unir les générations.
Sophie Benamon
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
UNE BARQUE SUR L’OCÉAN ★☆☆☆☆
D’Arnold de Parscau
Parfois, le destin contraire des films est une histoire de timing. Quand il eut l’idée d’une relecture très libre du Martin Eden de Jack London, Arnold de Parscau (Ablations) ne se doutait pas que, juste avant, Pietro Marcello allait livrer une adaptation majeure de cette œuvre qui ne l’est pas moins. Du coup, cette Barque sur l’océan paraît évoluer dans des courants bien trop paisibles pour marquer les esprits. On y suit l’ascension d’un jeune Balinais issu d’un milieu modeste qui, par amour pour la fille étudiante en piano d’une riche famille française expatriée, apprend à composer de la musique avant de se faire envouter par ce monde a priori inaccessible sans en voir les chimères. De Parscau raconte ce destin en enchaînant tous les passages obligés du genre comme un élève qui récite par cœur une leçon sans l’avoir fait sienne. L’ombre de Martin Eden est ici terriblement écrasante.
Thierry Cheze
POMPEI ★☆☆☆☆
De John Shank et Anna Falguères
Au milieu d’espaces arides et immenses, une sorte de station-essence, refuge d’une bande d’enfants et de jeunes adultes. Une fille se donne aux grands devant les petits qui ont percé un trou dans un mur. Le seul moyen de tromper l’ennui ? Oui, et ça vaut pour le spectateur. Car, à part ça, il ne se passe pas grand-chose d’excitant (au sens spectaculaire du terme) dans ce bout-à-bout de clichés autour de l’attente, du désir et de la violence sur fond d’ambiance de fin du monde. De cette rencontre entre le spleen antonionien et Mad Max (on exagère la comparaison un chouia), les deux réalisateurs ne tirent rien de probant en dépit du charisme ambigu d’Aliocha Schneider et de Garance Marilier. Sinon, Vincent Rottiers joue un salaud. Ça vous étonne ?
Christophe Narbonne
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