Grégoire Ludig et David Marsais nous racontent la création de leurs deux comédies.
Après le succès en salles de leur première réalisation La Folle histoire de Max et Léon (2016), l'équipe du Palmashow est revenue début 2022 avec Les Vedettes, son second film. Une comédie à (re)voir ce soir sur TF1, suivie de Barbaque, de Fabrice Eboué.
Se distinguant radicalement de Max et Léon, tant sur l'histoire que dans la réalisation, Les Vedettes est une sorte de "deuxième premier film" qui ramène à l'univers connu des sketchs du Palmashow tout en apportant une dimension supérieure à leur cinéma. Il est alors amusant de comparer les deux longs. Voici donc les trois principales différences entre les créations du trio Jonathan Barré-Grégoire Ludig-David Marsais, expliquées par les deux comédiens et co-scénaristes des films.
Avec Les Vedettes, le Palmashow se réinvente [critique]Les personnages avant tout
Dans Les Vedettes, Grégoire Ludig et David Marsais, accompagnés de leur réalisateur Jonathan Barré, souhaitaient créer une relation complètement différente de la dynamique de Max et Léon. Désormais, les personnages principaux Daniel et Stéphane ne sont pas amis, et au contraire se détestent. Ils évoluent seuls, avant de se rapprocher, mais ont leur propre personnalité. Quelque chose d'important pour le trio, qui voulait travailler sur une nouvelle forme d'amitié.
"Cette histoire c’est celle de ces deux gars qui vont se trouver et qui vont devoir avancer ensemble, un peu à l’inverse de Max et Léon, expliquait le duo dans Première en février 2022. On a vraiment voulu étoffer la relation des deux et comment ils vont avancer ensemble. On s‘est dit que c’était ça la chose sur laquelle il fallait se focaliser (...)
Ce qui était peut-être l’écueil de La Folle histoire de Max et Léon, où on n’avait pas traité la relation des deux. Dans nos sketchs, on adore construire nos personnages, et dans Max et Léon on a survolé les personnages. Le duo est devenu un personnage. Jonathan disait qu’il les filmait toujours ensemble comme un seul personnage. Dans Les Vedettes on a voulu les différencier profondément pour que l’association des deux soit plus riche. On a vraiment voulu travailler Daniel et Stéphane à fond. Et en termes de jeu, c’est beaucoup plus kiffant. Rien que le passage du Prix à Tout Prix, du tournage du clip, c’est des moments de comédie, rien que pour nous : on s’est rendu compte que quand on rigole de nos propres blagues, souvent ça fonctionne en face. Les spectateurs perçoivent qu’à un moment on s’est amusés. On s’est amusés de manière sincère et on a essayé de le faire transparaitre."
Et dans l'esthétisme, il a fallu construire deux ambiances différentes : "Pour Stéphane, on le voyait un peu américain, un peu à la Greg Kinnear dans Little Miss Sunshine, avec son polo et son pantalon à pinces. Quand on regarde beaucoup de comédies américaines, les Américains ont souvent ce look. Et en fait quand on a construit le personnage on s’est dit que Stéphane est un Américain : il vit dans les suburbs, il est dans la consommation à fond, il a plein de gadgets. On voulait lui donner l’archétype du type qui se prend pour un Américain. Et pour Daniel on voyait plutôt The Big Lebowski, qui a évidemment été une référence. La scène du salon, où il est en peignoir et en caleçon, on assume totalement que ce soit complètement inspiré du personnage de Jeff Bridges dedans, c’est évident. Après, on a ce truc avec le bouc, depuis le début. Rien que le mot bouc (rires) ça nous fait marrer. On lui a mis un bouc, on lui a mis une boucle d’oreille…. On s’était même dit : Daniel il a un camion et il est sensible. Il casse des gueules mais il est sensible. Il est violent mais il a un amour pour la musique. Il a une coquetterie (rires)."
Les Vedettes : "Besoin de chanter", le clip délirant du filmUne autre approche des acteurs
Du côté des acteurs, la donne a également changé. Là où La Folle histoire de Max et Léon continuait de mettre en avant des acteurs fétiches des sketchs du Palmashow tout en faisant apparaitre à l'écran énormément de guests plus connus, Les Vedettes a choisi de ne pas engager de guests et au contraire de rester sur quelque chose de plus simple.
"Il y a vraiment de super acteurs en France, et même nous maintenant on est un peu dans l’écueil de vouloir réfléchir pour nos sketchs à des acteurs plus connus pour faire des guests, expliquent-ils. Pour ce film, déjà qu’il fallait que ce soit crédible et que les gens croient à cet univers, on a eu peur en faisant venir un acteur au visage trop connu ou trop familier de sortir de ça. Et en plus, on tenait à s’entourer de super comédiens, comme Julien Pestel, Damien Gillard, Gaëlle Lebert… On les a casté, on les a fait répéter. Quand on est un guest, on veut amener quelque chose en plus, alors que ces comédiens-là sont vraiment au service du scénario, et avec eux on peut vraiment s’amuser. Par exemple Théo Gross, qui joue le neveu Bastien, on a mis du temps à le caster, et quand on l’a trouvé on a vu qu’il avait l’intelligence du rôle et une fois qu’on a trouvé le stylisme et qu’on a senti qu’il avait le personnage on venait le voir tout le temps sur le plateau pour rajouter des choses (rires). Et là c’est un vrai plaisir de comédie."
Ils expliquent ensuite que cette volonté d'engager des acteurs plus reconnus trouve racine dans un sentiment d'illégitimité, une sorte de syndrome de l'imposteur cinématographique. Comment être reconnu, quand on a fait des vannes à la télé ?
Un questionnement qui dominait dans Max et Léon, mais qui a trouvé sa réponse avec Les Vedettes : "Contrairement à Max et Léon où il y avait vraiment beaucoup de guests. On avait peur de ne pas se sentir légitimes, donc on s’est entourés de plein de gens reconnus pour avoir l’impression de "faire partie de la famille" quelque part. Et donc dans Les Vedettes on s’est vraiment dit qu’on devait raconter une histoire véritable et ne pas prendre de gens qui risquaient de faire sortir du film. Tout comme les films de Veber sont des films auxquels on croit parce qu’on est centré sur ces deux personnages et qu’il n’y a pas un gros acteur qui va venir un peu parasiter cet échange entre les deux. D’où l’importance de l’écriture du duo. Il fallait qu’on soit suffisamment fort à deux et qu’on n’ait pas besoin de s’entourer de noms comiques."
Une question de reconnaissance
Enfin, la première différence qui saute aux yeux dès que le film commence : l'univers du film et de son intrigue. Tandis que Max et Léon se passait en pleine Seconde Guerre Mondiale, donc dans un univers très marqué avec énormément de codes à suivre, Les Vedettes se déroule à notre époque dans une Z.A.C, sur des plateaux télé, dans des résidences pavillonnaires. Un univers marqué par la télévision et le besoin de reconnaissance, là où Max et Léon voulait plutôt se faire oublier.
"On aime beaucoup la parodie, et donc la télévision, reconnaissent-ils, mais on trouvait que c’était intéressant notamment avec le travail de Jonathan de réussir à séparer le côté fiction et jeu télé. Il fallait qu’on lui donne une dimension un peu pop, que Jonathan a bien bossé. Et même au-delà de ça, on s’est dit que si nous on avait quelque chose à raconter, et qu’en plus on en a rigolé à l’écriture… Je me rappelle avec David que la scène du Prix à Tout Prix, c’est la scène qu’on a écrit en une journée, on s’est marrés à la faire, elle a presque été un moteur, cette séquence de jeu. La différence entre ce qu’on fait à la télévision, où on parodie directement ce qu’on fait, c’est qu’on voulait raconter une histoire d’amitié dans le film. On l’a placée dans ce decorum, parce que ça nous parle, et on avait le besoin de reconnaissance comme axe pour ce film. En cela, la télévision se prête totalement à ces situations. C’est un sujet qui nous parle beaucoup en ce moment, et on voulait raconter ça : deux types un peu en marge, qui cherchent à s’intégrer un peu dans un système qui pousse de plus en plus à la reconnaissance. Aujourd’hui on s’isole de plus en plus dans la société et on cherche donc la reconnaissance à travers les notations dans le travail, les employés du mois, les réseaux sociaux - trouver un commentaire, un bon mot, pour avoir des likes. Tout est noté et jugé. On finit par éliminer des gens. Au final c’est très violent. Ce qu’on voulait raconter, c’est vraiment cet axe sur la reconnaissance, avec des personnages qui n’ont pas de recul et foncent tête baissée dans ce diktat, pour s’intégrer, qui vont y être broyés, mais qui vont quand même finir par se trouver. Parce qu’ils sont finalement pareils, et que c’est ce qu’ils cherchaient : un lien social."
La bande-annonce des Vedettes, à revoir ce soir à la télévision :
Les Vedettes : "On a appris de Quentin Dupieux sur Mandibules"
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