Vincent Bouillon nous raconte son expérience inoubliable sur le plateau de Chad Stahelski : sa chute d'un escalier de Montmartre de 224 marches, la gentillesse légendaire de la star, leur préparation des cascades en duo...
John Wick Chapitre 4 marche fort en ce moment au cinéma. Acclamé pour ses nouvelles scènes d'action bien ficelées, ce nouveau chapitre toujours porté par Keanu Reeves et réalisé par Chad Stahelski fait sensation. Avec, au coeur de son concept, des cascades inédites à chaque fois plus impressionnantes que les précédentes.
Le metteur en scène et sa star détaillaient dans le dernier numéro de Première (à retrouver dans notre kiosque en ligne) comment celles-ci avaient été conçues, et aujourd'hui, c'est la doublure française de Keanu, Vincent Bouillon, qui nous en dit plus sur les combats et courses poursuites filmés à Berlin et à Paris. Car s'il effectue lui-même la majeure partie de ses cascades, Reeves a parfois besoin d'une doublure sur une telle production. Notamment le temps de l'une des scènes clés de ce 4e film, tournée à Montmartre, qui demandait de dévaler un immense escalier.
John Wick 4 : "Il n’y a pas à dire, Paris possède les extérieurs les plus dingues"Au coeur de l'action
"Je m'appelle Vincent Bouillon et je suis le cascadeur chargé de doubler Keanu Reeves dans John Wick - Chapitre 4. J'ai été choisi grâce à Laurent Demianoff, un Français qui est le chorégraphe de plusieurs séquences du film, ainsi que le stunt coordinator sur toute la partie française. Il travaillait donc étroitement avec le réalisateur, Chad Stahelski, et avec les autres coordinateurs, des Américains qui viennent de la 87eleven. Quand il a été question de rechercher une doublure, il a proposé mon profil. C'était un casting international, ils ont cherché dans le monde entier. Le temps que mon dossier soit accepté, je suis arrivé deux semaines après sur le projet en Allemagne. Ils avaient tous déjà commencé les répétitions depuis un mois et demi, et certains travaillaient même sur le film depuis déjà 8 mois. Moi, j'ai été plongé dans l'action tout de suite ! Et j'ai participé aux répétitions et au tournage durant six mois."
"Concrètement, mon travail consiste à collaborer avec Keanu Reeves, à répéter des chorégraphies de combat avec lui, à apprendre des mouvements très précis. Mon objectif, c'est d'être prévoyant, d'anticiper le moindre danger, ainsi que de savoir tout ce que sera capable de faire le comédien. De tout vérifier en répétitions pour que ça roule une fois sur le tournage. Je dois également être capable de le conseiller face à une situation particulière. S'il se retrouve face à un intervenant, je peux par exemple lui dire : 'Attention, frappe plutôt ici pour ne pas blesser le comédien'. Toute la préparation chorégraphique se fait entre cascadeurs, sans l'acteur, on teste plein de choses, on en enlève et une fois qu'on est d'accord sur tous les mouvements, Keanu entre en scène et on lui apprend ses chorégraphies. Il faut qu'il se sente à l'aise, donc l'idée c'est d'avoir évacué en amont tout mouvement qui pourraient être compliqué à mettre en place sur le tournage."
Vincent Bouillon partage des photos de cette expérience (ci-dessus avec Keanu Reeves, Scott Adkins et Donnie Yen) sur son site officiel et son compte Instagram.
Comment a été tournée la scène la plus impressionnante de John Wick - Chapitre 4 ?
"Depuis que le film est sorti, tout le monde parle de la séquence à Montmartre. Effectivement, il y avait dans le scénario une grosse séquence sur les marches, qui était éprouvante physiquement. Ce projet de chuter de 224 marches en roulé-boulé, en conditions réelles, c'est quelque chose de dangereux, alors on ne jette pas Keanu Reeves ! Donc j'ai eu cet honneur (rires).
En général quand on tourne une scène où on dégringole comme ça, on fait une dizaine de marches. Maximum 20. Ici, il y avait aussi des difficultés particulières liées au lieu : des barrières de chaque côté, un espace assez étroit, des zones à plat entre chaque bloc de marches. Il a fallu combler cela, s'entraîner pour que la chute soit la plus impressionnante possible à l'écran.
En tant que cascadeur, on apprend à se repérer dans l'espace et à tomber sans se blesser, on utilise nos corps pour se protéger. On évite de taper un os, par exemple, car ça peut casser, donc on apprend à amortir sur les muscles ou en rentrant une épaule... C'est quelque chose qui s'apprend, mais qui se joue aussi au feeling. C'est difficile d'anticiper à 100 % sur une chute, car ça va très vite. Sur le principe, on essaye de limiter le nombre de prises, mais dans les faits, on est forcés refaire la scène quelques fois, en fonction du nombre de plans demandés par le réalisateur et de la coordination avec la caméra, de la manière dont ça rend à l'écran."
Un réalisateur-cascadeur, ça fait la différence
"C'est assez exceptionnel et incroyable de pouvoir travailler avec un réalisateur qui a une telle connaissance de notre métier. Chad a un niveau d'excellence très élevé. Il a été la doublure de Keanu Reeves sur Matrix. Il est passé chorégraphe, coordinateur de cascades, réalisateur de seconde équipe, puis réalisateur. Il a une vraie connaissance de la cascade, de ce qu'on peut faire. Il a poussé le niveau très haut. Avec lui, on sait que ça va être mis en valeur, que les scènes d'action vont être super. D'un autre côté, on ne peut pas faire semblant avec un tel réalisateur. Impossible de se trouver des excuses, puisque lui-même est passé par là. Il a un niveau d'attentes très élevé."
La gentillesse légendaire de Keanu Reeves...
"Keanu Reeves est aussi excellent. Il a une façon de bouger qui lui est propre. Sa manière de se mouvoir, de se déplacer, c'est assez unique. Au passage, je peux confirmer tout ce qui se dit sur sa générosité exceptionnelle. Il m'a tout de suite accueilli en me demandant qui j'étais, ce que j'aimais dans la vie... Il prend énormément soin des gens qui sont autour de lui. Des cascadeurs, en particulier : il fait attention à ne pas nous blesser, demande comment on se sent après une prise... Il est comme ça avec le reste de l'équipe aussi. Par exemple, quand on est arrivés en France, il a tenu à se présenter à l'équipe française. Alors que c'est Keanu Reeves ! Tout le monde le connait. Mais il tenait à accueillir l'ensemble de l'équipe. A la fin, il nous a offert des petits cadeaux, des t-shirts du film, par exemple ou des kimonos. Il est exceptionnel. Toujours une petite attention. Vous voyez cette vidéo où il aide l'équipe technique à remonter tout le matos de tournage ? Il est tout le temps comme ça. Un autre exemple : il a demandé à sa diététicienne de concevoir des menus spéciaux pour les cascadeurs."
... et du reste de l'équipe !
"J'ai aussi eu un petit cadeau de Chad Stahelski : une jolie dédicace en filmant mon visage juste avant un combat. Comme je joue la doublure de Keanu, on ne me voit jamais vraiment. Alors vers la fin, quand on entend à la radio qu'on va devoir l'empêcher d'aller au Sacré Coeur, on voit plusieurs de ses adversaires dans une voiture, et il me filme en gros plan durant un instant.
Le gros cadeau de ce film, c'est aussi d'avoir rencontré d'autres pros des arts martiaux : Donnie Yen, Scott Adkins... ce sont des comédiens que j'admire, des artistes, même. C'était extraordinaire de travailler aux côtés de tels talents. Je suis resté en contact avec Scott, d'ailleurs."
Vincent Bouillon aux côtés de Chad Stahelski, Laurent Demianoff et Keanu Reeves lors de l'avant-première parisienne de John Wick - Chapitre 4.
L'avant et l'après John Wick
John Wick 5 : le réalisateur Chad Stahelski laisse lui aussi la porte ouverte"Avant d'être choisi pour John Wick 4, j'avais déjà eu quelques expériences de cascadeur, dont une importante pour Philippe Lacheau : après m'avoir engagé pour Alibi.com le temps d'une poignée de scènes, il m'a rappelé pour Super-héros malgré lui. Dès qu'il mettait le costume, c'était à moi de faire ses cascades. J'étais vraiment sa doublure. Philippe Lacheau, c'est comme Keanu Reeves, c'est un vrai gentil. Très attentionné envers ses cascadeurs. Il travaille avec un action director, Marc David. J'ai grandi avec lui, c'est un génie de l'action en caméra. Depuis qu'ils se connaissent, c'est lui qui le conseille pour toutes ses cascades et chorégraphies."
"Récemment, j'ai bossé sur un film d'action avec John Cena et Alison Brie (Freelance, de Pierre Morel, ndlr), qu'on a tourné en Amérique du Sud, et j'étais aussi la deuxième doublure d'Adam Sandler sur Murder Mystery (qui vient de sortir sur Netflix). Il avait en avait une principale, mais qui a été malade quelques jours, alors j'ai pris le relais. Le fait d'avoir travaillé sur John Wick 4, surtout en tant que doublure de Keanu Reeves, ça me donne une certaine crédibilité. Je me sens validé dans le métier. Ça donne confiance, et dans ce job, c'est très important. Surtout quand on bosse en tant que chorégraphe et coordinateur de cascades, tout n'est que question de confiance avec le comédien."
"Cascadeur, c'est un métier de l'ombre à la base, mais qui est davantage mis en avant aujourd'hui, notamment grâce aux gros films comme John Wick. La cascade, c'est très important dans le cinéma. Dès les bandes-annonces de blockbusters, on vend de l'action. Et l'action, elle est faite par les cascadeurs. C'est super d'avoir enfin de la reconnaissance. Il y a même des gens de notre discipline qui se battent pour qu'on soit récompensés aux Oscars !"
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