Le réalisateur de Heat détaille les intentions de son portrait d’Enzo Ferrari, visible sur Prime Video.
En septembre dernier, Michael Mann célébrait son retour au cinéma, huit ans après l’échec commercial d’Hacker, avec la projection en compétition de Ferrari à la Mostra de Venise. Dans la foulée, face à une poignée de journalistes internationaux, il revenait rapidement sur le tournage et les ambitions de ce portrait du constructeur automobile, un film qui l’aura obsédé pendant trois décennies, sorti en salles aux Etats-Unis fin 2023, mais visible en France uniquement sur Prime Video. Morceaux choisis.
Tourner en Italie
"Nous avons toujours ambitionné de tourner Ferrari à Modène, sur les lieux même où vivait Enzo Ferrari. Filmer sur place apporte une vraie richesse au film. Il y a par exemple cette scène où on voit Enzo se rendre chez le barbier : eh bien, c’est le barbier où Enzo se rendait tous les matins. Et la personne qui rase Adam Driver, c’est le fils du barbier d’Enzo ! On a redécoré la boutique pour qu’elle retrouve son design des années 50. Quand vous sortez de cette boutique, vous faites 20 mètres, vous tournez à gauche, et vous voilà devant chez Enzo Ferrari. Tous les lieux sont les vrais : l’opéra, l’hôtel où il buvait un verre le soir… Quand vous êtes sur les lieux même, ces lieux vous parlent. Pour les acteurs, le gain est inestimable. Ça leur permet de rendre les choses plus vivantes. Adam Driver marchait littéralement dans les pas d’Enzo, il voyait de ses yeux ce qu’Enzo voyait tous les matins. Nous avions également la chance d’être en contact avec des gens qui l’ont connu, à commencer par Piero, son fils, qui vit non loin de là, à Castelvetro."
Mann & Le Mans
"J’aime le mouvement, j’aime la vitesse. A 11 ans, comme sans doute beaucoup d’enfants, je rêvais de voler. J’aime les voitures mais ce n’est pas la raison pour laquelle je fais un film sur Ferrari. Si j’aime les voitures, je vais m’acheter une voiture ! Il faut une bonne histoire pour me pousser à réaliser un film. Je suis également passionné par l’histoire de la Russie entre 1905 et la fin des années 1920, mais je ne tire pas un film de chacune de mes obsessions ! Il faut une histoire. Les films tournés uniquement dans le but de montrer des belles voitures de course plutôt que de raconter une histoire ne marchent tout simplement pas sur le plan dramaturgique. C’est le cas de Grand Prix ou de Le Mans."
Michael Mann revient sur les 30 ans de fabrication de FerrariLe cauchemar biopic
"La raison pour laquelle j’ai fait ce film, c’est le brillant scénario écrit par Troy Kennedy Martin (également auteur de L’Or se barre et de la mini-série Edge of Darkness – ndlr). Troy est mort en 2009, je le connaissais depuis les années 70. Le projet a pris sens quand Troy et moi avons compris que toutes les lignes de la vie d’Enzo Ferrari se nouaient autour d’une seule année, une date charnière, 1957. Ce qui permettait ce portrait rayonnant à la fois dans son passé et dans son futur. Sans cela, sans cette idée, je n’aurais jamais fait ce film. Tourner un biopic linéaire ? A mes yeux, c’est un cauchemar ! Jamais je ne ferai ça."
Les USA et la F1
"L’une des raisons pour laquelle le projet Ferrari a mis si longtemps à aboutir, c’est que les Américains ne comprenaient pas jusqu’à une date très récente ce que Ferrari signifiait dans le reste du monde. En 2015, quand nous avons commencé à essayer de monter ce film, les préventes étaient très nombreuses à l’étranger, mais ne déclenchaient pas vraiment de passion aux Etats-Unis. Ce n’est que depuis quatre ou cinq ans que ça a changé. La série de Netflix Formula 1 : pilotes de leur destin (Formula 1 : drive to survive) a joué un rôle. Les audiences de la F1 sont énormes désormais aux Etats-Unis. Le nombre de femmes de moins de trente ans qui suivent les grands prix a augmenté de 38% en 2022. Et ce nouveau public n’est pas forcément passionné par les voitures elles-même : c’est la dramaturgie de ce sport qui les fascine."
Le Caravage et couleur primaire
"Je n’avais pas franchement de références cinématographiques pour Ferrari. Ma véritable référence, en termes de lumière, c’était Le Caravage. La stratégie du film, c’était une direction artistique monochrome. Regardez la chambre d’Enzo : tout y a presque le même ton. Dans les scènes de dialogues, je voulais que la caméra soit statique. Et les conflits qui s’expriment dans les scènes de dialogues, d’une certaine façon, sont résolus dans les courses. En conséquence, je souhaitais que les courses soient stylistiquement à l’opposé des scènes de dialogue : une caméra portée, agitée, des couleurs rouges primaires qui zèbrent l’écran… Comme une forme de contrepoint."
Les acteurs
"C’est mon métier de savoir comment les acteurs jouent, pensent, travaillent. Al Pacino ne travaille pas comme Robert De Niro, et Adam Driver ne travaille pas comme Daniel Day-Lewis. Mais dans tous les cas, une part essentielle du travail se fait en amont du tournage. Je veux que les acteurs soient autant investis que moi dans la compréhension du personnage. Si un acteur hésite pendant les répétitions et me dit : « On trouvera pendant le tournage », alors ce n’est pas quelqu’un avec qui j’ai envie de travailler. Adam a effectué un travail extraordinaire dans ce film. Sa préparation était phénoménale et ce qu’il accompli à chaque instant du film l’est aussi. Son souffle, son regard… Au cours du travail, un lien très fort s’est noué entre nous. Comme ça a très souvent été le cas avec les acteurs avec qui j’ai collaboré."
On a lu Heat 2 de Michael Mann, et maintenant on veut voir le filmAprès Ferrari, Heat 2 ?
"On y travaille. Il faut bien comprendre que Heat est une marque très importante pour la Warner. Le titre est resté dans le top 20 de leur catalogue home video pendant 20 ans. Lors de sa publication en 2022, le roman Heat 2 (co-écrit par Mann et Meg Gardiner – ndlr) a instantanément rejoint la liste des best-sellers établie par le New York Times. Si on avait besoin d’une preuve que ce film reste populaire, la voici."
Ferrari, de Michael Mann, avec Adam Driver, Penélope Cruz, Shailene Woodley… Sur Prime Video.
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