>> Le Hobbit, une sensation continue de jamais-vu">>>> Le Hobbit, une sensation continue de jamais-vuIl y a une scène géniale dans un épisode de The Office, version british. Tim Canterbury (le représentant des ventes joué par Martin Freeman) explique à l’équipe qui documente la vie du bureau que sa vie lui fait penser à un lancer de dé. « Ma situation, là, c’est un trois. Si je relance, je peux faire un 6 et basculer vers des trucs plus grands. Mais je peux aussi faire un 1. OK ? Donc qu’est-ce que je décide ? Eh bien, je me dis : ne touche pas au dé. » Il y a presque 15 ans, Martin Freeman est tombé sur un 6. Petit acteur de théâtre et second rôle de cinoche, il accédait à la célébrité grâce à la série mal élevée de Ricky Gervais. Sa tête rondouillarde de gentil petit chiot, son accent british impeccable et son vague air malicieux servaient de bouffée d’oxygène et de zeste d’humanité à un show démoniaque. En devenant le type d’à côté, Freeman entrait dans le patrimoine local.« Je n'apparais pas dans Harry Potter et ça continue de me faire chier »Quelques années plus tard, nouveau 6. En prêtant sa tête de droopy au Watson nouvelle génération face au Sherlock de Benedict Cumberbacht, il s’imposait comme un nouveau résidu de l’Empire, une armoire insulaire vivante, avec une classe qui manque souvent aux autres comédiens du cru : l’élégance mod, la prestance discrète, la rapidité d’éxécution doublée d’une maîtrise inouie du timing, sans oublier un self-understatement irrésistible. Pas une star (c’était Cumberbatch), mais pas loin… Presque. Et puis, vint le double 6. « Hmmmm. Pas comme ça, pas aussi facilement, non. J’ai fait une audition, mais comme tous les acteurs anglais. Je pensais que ça ne marcherait jamais. J’étais en concurrence avec tous les mecs de ma génération ; j’avais l’impression de revivre le casting de Harry Potter. Je suis l’un des rares à ne pas apparaître dans Harry Potter d’ailleurs et ça continue de me faire chier » dit-il dans un sourire mi sérieux mi amusé. Un coup de fil avec Guillermo Del Toro et Peter Jackson et un vol Londres-Wellington plus tard et il sent que sa vie est sur le point de basculer. Il y a 3 ans, sur le tournage du Hobbit, Freeman avait beaucoup de mal à contenir son angoisse « Je ne ferai pas de plus gros films que ceux-ci, expliquait-il dans le costume de Bilbo. Jamais. C’est énorme. Le Hobbit sera vu dans le monde entier et cette pensée est à la fois hyper excitante et totalement paralysante. » Comme tout le monde, il pensait alors que ce rôle serait soncareer defining moment, cet instant où l’on cesse d’exercer son métier en ombre chinoise pour crever l’écran, où l’on passe de la valeur refuge à l’étalon or.>> Ian McKellen : "Gandalf, c'est l'ONU de la Terre du Milieu">>>> Ian McKellen : "Gandalf, c'est l'ONU de la Terre du Milieu3 ans et (presque) 3 films plus tard… les choses n’ont pas beaucoup changé. Dans un hôtel londonien, c’est le junket du Hobbit 3. Les journalistes et les attachés de presse ne parlent que d’Orlando (Bloom) ou de Gandalf (le Blanc). Freeman lui, est bien présent. Mais en terme de staritude, il n’est ni Legolas ni Aragorn. C’est frappant de voir à quel point il ressemble à son personnage. Le tournage est fini depuis deux ans, mais ses doigts courent sur son menton comme quand Bilbo réfléchit ou s’interroge. Pendant la conversation, quand il se sent coincé, il a le regard de son héros, celui d’un suricate pris dans les phares d’une voiture. On le lui fait remarquer « C’est fou. Je n’arrive pas à savoir si c’est Bilbo qui m’a contaminé ou si c’est ce que je lui donné de moi. » Un élément de réponse : tout cela, le Tim de The Office et le Watson de Sherlock le faisaient aussi. Calé dans son fauteuil, ce qu’on voit surtout, c’est bel et bien cette ordinarité extraordinaire qui lui colle à la peau et qui ne sera jamais tout à fait compatible avec l’image d’une star. « Pffff » évacue-t-il d’un revers de la main avant d’assumer la fatalité de son destin d'acteur : « C’est un peu lourd, cette idée du common man qu’on me ressort tout le temps. Tim a marqué les esprits. Et quand on a marqué les esprits en jouant un rôle, il est très difficile d'en sortir. Depuis The Office, certains me renvoient encore et encore à ça, à ces personnages de Monsieur tout le monde. Je sais que c’est ce qui avait aussi séduit Peter et Guillermo. Cet aspect hyper britannique et ce côté cosy que je dégage, un peu reclus, old school ». Dans un Hollywood qui préfère l’excentricité (calculée), on ne s’étonnera pas que Viggo (le poète beat aux pieds nus) ou Gandalf (l’immense warrior gay) ait davantage percé que le petit passe-muraille anglais.« Je veux une piscine et mon nom en gros sur l'affiche »Mais ça n’explique pas tout. Comment a-t-il su porter cette trilogie monstre sur ces épaules et rester à ce point sous le radar ? « Au moment où j’ai tourné le film H2G2, je me souviens m’être dit : “putain, est-ce que tout va vraiment changer ?” et la réponse fut non. C’est vrai que je flippais un peu sur le set du Hobbit, mais je crois sincèrement que ta vie ne change que quand tu décides que tu veux qu’elle change. Je ne me demande pas tous les matins comment je pourrais booster ma carrière. Si ça avait été le cas, je serais à Hollywood plutôt que de trainer à Piccadilly. Mais c’est probablement la raison pour laquelle des gens du milieu me disent parfois des trucs comme : “tu es rafraichissant tellement tu n’a pas d’ambition!” C’est faux ! Mon but c’est d’être le meilleur dans ce que je fais. Le MEILLEUR ! J’essaie de ne pas foirer ce que la chance a mis sur mon chemin. Je veux une piscine et mon nom en gros sur l’affiche. Mais tu sais quoi : à certaines conditions. Les miennes. »  >> Orlando Bloom : "Je dois tout à Legolas"">>>> Orlando Bloom : "Je dois tout à Legolas"Le refus de la célébrité à tout prix, faire profil bas, « même si j’aime les lettres coquines des fans ». OK, tout cela en dit long sur Freeman, acteur surdoué, mais pas calibré, droopy britton tendre et hilarant, mais qu’est ce que ça nous apprend sur la seconde saga de PJ ? Dès sa sortie  Le Seigneur des Anneauxs’est imposé comme un marqueur de son époque modelant l’imaginaire des années 2000 et redéfinissant l’entertainment de masse. Malgré ses résultats tout aussi monstrueux que LOTR, Le Hobbit (deux milliards pour les deux premiers volets) n’a pas su reproduire ça. Le manque de notoriété de Freeman en est l’un des signes les plus clairs, qui révèle l’ADN de la série. La star du film, c’est Tolkien pas ce nain veule, jouet des puissants, du destin et des caprices d’un anneau. Un nain qui n’était qu’un personnage secondaire du Seigneur et qui chez Tolkien n’était au fond que le héros d’une mini coda à son magnus opus. « C’est pas faux. En tout cas, il est sûr que Tolkien ne fabrique pas des héros de blockbuster. Et j’ai moi-même travaillé Bilbo comme le mec qui ne sera jamais au centre de la pièce. Ce n’est pas un mâle alpha – je n’aurais jamais pu jouer ça de toute façon. J’ai insisté sur sa timidité, son côté un peu pompeux aussi. Il est valeureux, mais d’une manière finalement trèsordinaire– oh non ! cette fois c’est moi qui l’ai dit  ahaha !! ». On en revient toujours à ça finalement, l’homme de la rue, le gars comme les autres ? « Ouais… peut-être, le type d’à côté mais dans un monde fou et dangereux alors. » Au moment où il boucle la saga, son charme comfy, son regard triste suggèrent quelque chose de plus douloureux et de plus profond et son Bilbo va peut-être même finir par s’énerver. Alors, double 6, le Hobbit ? « Ah aha !! Vous verrez bien avec celui-là, mais laissez moi vous dire une chose. Là-dessus, je ne suis pas comme Tim, ça c’est sûr. Moi, je relance les dés. »Gaël GolhenLe Hobbit : La Bataille des Cinq Armées de Peter Jackson avec Martin Freeman, Ian McKellen, Evangeline Lilly, Orlando Bloom... sort le 10 décembre dans les salles Lire aussi>>> Le Hobbit 3 : une sensation de jamais vu>>> Ian McKellen : "Gandalf c'est l'ONU de la terre du milieu">> Orlando Bloom : "Je dois tout à Legolas"">>>> Orlando Bloom : "Je dois tout à Legolas"