Fin 2008, Première rencontrait la star pour parler de Mensonges d'Etat, à revoir ce week-end à la télé. Mais pas seulement : Leo discutait aussi d'autres films marquants de sa carrière.
Dimanche soir, Arte proposera un thriller de guerre très efficace, réalisé par Ridley Scott. A sa sortie au cinéma, fin 2008, Première avait beaucoup aimé Mensonges d'état, notamment pour les performances de Russell Crowe, et Leonardo DiCaprio.
La rédaction avait d'ailleurs pu rencontrer la star pour parler de cette expérience, et pas seulement : Leo revenait aussi sur ses collaborations avec Martin Scorsese (ils avaient déjà tourné ensemble Gangs of New York, Aviator et Les Infiltrés à l'époque), sur ses retrouvailles avec Crowe plusieurs années après leur western Mort ou vif ou sur son envie de travailler avec un certain Alejandro Gonzalez Inarritu... Le cinéaste grâce à qui il a reçu l'Oscar du meilleur acteur en 2016 pour The Revenant ! Nous repartageons cette longue interview ci-dessous, pour patienter jusqu'à la rediffusion du film.
Mensonges d'état : Leonardo DiCaprio, au top de sa forme et de son jeu pour Ridley Scott [critique]Beverly Hills. Fin du mois septembre. C’est là, dans un palace ultra chic, qu’on doit rencontrer Leonardo DiCaprio, à l’affiche du très excitant Mensonges d’état. Dans ce film d’espionnage explosif, la star joue un agent américain embarqué dans une opération d’infiltration d’un réseau terroriste. Al Qaeda, la morale et les mensonges sont au cœur d’une intrigue bourrée de rebondissements. Avec ce film, DiCaprio confirme son statut de super star et rajoute à son palmarès le cinéaste Ridley Scott (après Scorsese et Spielberg). Surtout, il se frotte à Russell Crowe, acteur brut et épais. On attendait le face à face du siècle, mais le script et l’action font de Leo le grand vainqueur…
Dans l’hôtel, on comprend que Leo est dans les parages lorsqu’on calcule rapidement qu’il y a plus d’attaché de presse, d’agents et de gardes du corps que de journalistes (4 en tout). Confortablement vautré dans un canapé de la suite 106, en train de regarder d’une oreille égarée le show d’Ellen de Generes et un épisode de la nouvelle version de Beverly Hills, on voit surgir Leo, aussi cool et séduisant que dans ses films. Ca peut commencer…
Par Gaël Golhen
Après Mort ou Vif, c’est la deuxième fois que vous jouez avec Russell Crowe… Comment se sont passées vos retrouvailles ?
Leonardo DiCaprio : L’expérience est totalement différente. Sur Mort ou vif on était tous les deux des débutants… Il s’agissait de notre premier grand rôle dans un vrai film de studio. Si je me souviens bien, Russell sortait tout juste de Romper Stomper et moi … Moi… ça devait être Gilbert Grape ? Sharon Stone avaient vu nos deux films et voulait travailler avec nous. En tout cas, ce film nous a lancé tous les deux dans le business. Depuis, on a parcouru un bon bout de chemin. Et se réunir ainsi, même brièvement, était génial. J’ai tourné quelques scènes à Washington et au Maroc avec Russell… Honnêtement, c’est l’un des acteurs les plus brillants de sa génération ; c’est un type qui a une véritable éthique de son métier et qui t’oblige à donner le meilleur de toi même. Et face à Ridley Scott, tu as intérêt à assurer…
Vous parlez de Ridley Scott et Russel Crowe. Ils forment un couple de cinéma qui évoque celui que vous aviez avec Scorsese…
L.D : Leur relation est en fait totalement différente.
Denzel Washington a pourtant expliqué qu’il avait été très intimidé quand il était arrivé sur le plateau d’American Gangster…
L.D : Denzel a dit qu’il était timide ? (rires)
Oui.
L.D : Denzel ? Timide ? OK, excuse moi…
Bref il évoquait sa « timidité » quand il est arrivé sur le plateau d’American Gangster face au couple Crowe/Scott qui fonctionnait déjà comme une machine de guerre.
L.D : Je ne dirais pas intimidé. Plutôt très excité. Avec l’idée d’un défi supplémentaire à relever. Ridley Scott et Russell Crowe ont un rapport privilégié, presque fusionnel. Ils se comprennent immédiatement et ont une complicité qui les font avancer très vite sur un projet. Sur le plateau, Ridley marmonne un truc à Russell et d’un seul coup, là où tu avais trois scènes dans le script, il n’y en a plus qu’une. Tu as intérêt à suivre, sinon, t’es largué. C’est épuisant, mais dès que tu t’es mis au diapason, ça te booste. Ceci dit, la relation que j’ai avec Scorsese n’a rien à voir et Ridley et Marty sont des cinéastes complètement différents.
Qu’est-ce qui les différencie ?
L.D : Ca n’a rien à voir. Ridley Scott est très méticuleux, alors que Marty est… Marty est obsédé. Ridley planifie tout avant le tournage ce qui lui permet presque de pouvoir faire le montage d’une scène sur le plateau. Il peut faire tourner 6 caméras en même temps et organiser la scène dans sa tête…. C’est un cinéaste instinctif, qui a beaucoup de flair et qui crée dans l’urgence du tournage. Travailler avec Marty est plus prenant sur la durée. Plus intense. Il prend son temps, n’hésite pas à refaire des scènes, pense pendant des jours à son plan. Les deux méthodes ont leurs avantages, mais sur le tournage de Mensonges d’Etat, je me suis rendu compte que jouer dans l’urgence procurait un shoot d’adrénaline extraordinaire. Quand on tourne pour Ridley Scott, on a intérêt à connaître son texte sur le bout des doigts : les caméras vous filment sous tous les angles et il peut renverser une scène à chaque instant. Il adore surprendre ses acteurs.
C’est pour lui que vous avez accepté le projet ?
L.D : En partie. J’ai fait Mensonges d’Etat pour trois raisons : Scott, le sujet et le personnage. J’avais envie de travailler avec Ridley Scott depuis des années. Mais j’aimais surtout l’idée qu’il s’agisse d’un film pertinent. Un film qui reflète la réalité de notre monde en guerre contre le terrorisme et qui parle également de la manière dont les US sont perçus à l’extérieur. Mensonges d’Etat parle de la façon dont on conduit notre lutte contre Al Qaeda, avec une énorme différence par rapport aux autres films du genre : on ne prend pas parti. Ridley se contente de présenter la réalité aux spectateurs ; il leur laisse la liberté d’extrapoler ce qu’ils veulent… Certains y verront un film positif, d’autres un film négatif sur les US, mais, au fond, le film est d’abord authentique.
Et le personnage ?
L.D : Roger Ferris est un type passionnant. C’est un agent qui essaie d’avoir une ambition morale très haute dans un monde en plein chaos… Il y avait un vrai défi à jouer ce type qui est constamment sur le fil, qui est rempli de doutes, tiraillé entre son devoir pour son pays et sa propre morale.
Est-ce que la dimension polémique a joué dans votre décision de tourner Mensonges d’Etat ? Ce que je veux dire, c’est que après Blood Diamond, ce film risque de provoquer un nouveau débat… Est-ce que c’est un critère quand vous choisissez vos films ?
L.D : Oui… et non. Non, parce que a) ces films sont difficiles à trouver, b) un projet polémique ne signifie pas automatiquement une bonne histoire ou un bon divertissement et c) ça ne veut pas dire non plus qu’un réalisateur avec qui je rêve de travailler voudra le tourner. C’est difficile de trouver une histoire qui puisse combiner l’ensemble de ces critères. Je fais des films très différents, mais à chaque fois, la question que je me pose ce n’est pas est-ce que ça provoquera le débat, mais est-ce que ce sera un bon film ? Est-ce que les gens auront envie de le voir ? Parce que, à la fin de la journée, tu peux enchaîner film politique sur film politique ; polémique sur polémique, si ce sont des merdes, personne n’ira les voir.
Vous parliez des réalisateurs qui vous font rêver…
L.D : Ils sont nombreux : Ang Lee, P.T. Anderson et toute la nouvelle vague qui vient d’Amérique du Sud. Inarritu, Walter Salles, Meirelles… Mais encore une fois, tout dépend du script et du personnage.
Pour revenir au film, quelle préparation avez vous suivi pour vous glisser dans la peau de cet agent ?
L.D : J’ai travaillé avec d’anciens chefs de la CIA. Et David Ignatius, l’auteur du roman, connaît bien le problème des agents infiltrés. Son livre était déjà très bien documenté sur les services du moyen orient et basé sur des opérations qui ont réellement eues lieu… Il a été d’une aide précieuse sur le tournage.
Qu’est-ce que vous en avez retiré ?
L.D : Que le Moyen-Orient est un beau bordel (rires). Plus sérieusement, on pense toujours que la CIA est une société uber-stratégique, qui contrôle tout… En réalité, obtenir des informations sur ces terroristes revient à chercher une aiguille dans une botte de foin. La CIA cherche un début d’information qui pourrait les mener à une autre piste et ainsi de suite. C’est un travail de fourmi qui, souvent, n’aboutit à rien. C’est impressionnant et souvent frustrant.
Titanic (3D) vient de fêter ses 10 ans ; vous refaites équipe avec Kate Winslet dans Revolutionary Road ; quand vous regardez votre filmographie dans le rétroviseur, comment analysez-vous votre carrière post-Titanic ?
L.D : Ca n’a jamais été envisagé de manière claire. A aucun moment, je ne me suis dit qu’il fallait éviter d’avoir une « étiquette » Titanic. J’ai choisi les rôles que j’avais envie de faire et aujourd’hui, je peux choisir mes rôles avec encore plus de liberté. Ma carrière reflète mes goûts et ce sont les films dans lesquels je rêvais de tourner ado. Je n’ai honte de rien et ma filmo donne une bonne idée de ce que je voulais faire gamin. C’est assez simple finalement : je suis un mec, qui aime les films d’action.
On sait que vous êtes engagé : pour l’écologie, pour les démocrates… Que pensez-vous de l’Amérique aujourd’hui, à quelques jours des élections ?
L.D : Ce n’est un secret pour personne. J’adorerais voir Barack Obama à la Maison Blanche. Mais au-delà des personnes et des courants, je rêve que les jeunes américains se prennent en main et aillent voter ; qu’ils expriment lors des prochaines élections ce qu’est réellement l’Amérique d’aujourd’hui. Ce sont eux qui seront les premiers affectés par le résultat de cette élection. C’est à eux de décider et je fais tout ce que je peux pour les sensibiliser !
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