Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
JURASSIC WORLD : RENAISSANCE ★★★☆☆
De Gareth Edwards
L’essentiel
Renouant avec l’esprit originel d’une saga qui s’était vue plus grosse que le bœuf, cette Renaissance est bien partie pour être le blockbuster le plus cool de l’été.
Park, World, perdu, déchu, Fallen, 1, 2, 3, 4, 5, 6 et … 7. Il fallait tout ça pour une renaissance. Avec cette fois Gareth Edwards aux manettes (The Creator, Godzilla mais surtout Rogue one, le plus bel opus de la saga Star Wars). L’intrigue de ce septième volet se situe sept ans après l’épisode précédent (Le Monde d'après). Les dinos inadaptés à nos écosystèmes occidentaux vivent le long de la ligne de l’équateur propice à une existence paisible loin des humains. Pas pour longtemps puisqu’une expédition de scientifiques part en mission pour prélever le sang des plus grands spécimens pour fabriquer des médicaments censés prévenir des crises. Et en en parallèle de cette aventure qui propulse les aventuriers sur l’île où tout a commencé, nous suivons les malheurs d’un père embarqué avec ses deux filles et son gendre mal élevé sur un voilier qui ne va pas tarder à rencontrer un monstre marin paléolithique (séquences assez jouissives). Tout ce petit monde perdu va devoir, on s’en doute, fusionner et batailler ferme contre beaucoup plus grand que lui. Le scénario jamais dupe de lui-même déroule sa partition classique pépère. Mais la gestion des effets spéciaux évite l’orgie numérique en cherchant à privilégier une sensation organique (moment suspendu d’un câlin entre deux Brachiosaures) et hisse Renaissance largement au- dessus de la moyenne de la saga.
Thomas Baurez
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
LA TRILOGIE D’OSLO- RÊVES ★★★★☆
De Dag Johan Haugerud
Rêves ouvre cette Trilogie d’Oslo pensée comme une variation autour du sentiment amoureux. Et de ces trois films qui peuvent se regarder indépendamment et dans n’importe quel ordre, l’Ours d’Or 2025 est indéniablement le meilleur. On y suit le premier coup de foudre de sa vie d’une ado de 16 ans, Johanne pour sa prof. Un amour interdit raconté à travers plusieurs prismes, différents et complémentaires car faisant dialoguer le ressenti, les fantasmes et la réalité. Celui du carnet intime de Johanne qui va devenir objet littéraire, sa voix off qui commente ce qu’on voit à l’écran, les réactions de sa grand- mère et de sa mère à la découverte de ce qu’elle a couché sur le papier et celui de l’enseignante que vient confronter la mère de l’ado. D’une fluidité impressionnante, ce récit explore brillamment les mille et une ramifications qui font une histoire d’amour à travers des personnages féminins passionnants de complexité et de paradoxes.
Thierry Cheze
PREMIÈRE A AIME
L’ACCIDENT DE PIANO ★★★☆☆
De Quentin Dupieux
Un pitch accrocheur, un premier quart d’heure irrésistible, des acteurs géniaux… et puis la machine qui se grippe et donne la sensation de tirer à la ligne. L’Accident de piano coche toutes les cases de l’ADN du cinéma de Dupieux. Mais un Dupieux assez emballant, le meilleur des quatre films qu’il vient de consacrer à la question de la célébrité après Yannick, Daaaaaali ! et Le Deuxième acte. D’abord grâce à Adèle Exarchopoulos et sa composition démente du personnage central du film : une star d’Internet insensible à la douleur dont les vidéos spectaculaires font des millions de vue et qui se retrouve la cible d’un chantage après un accident sur un tournage. Ensuite parce qu’en ne sauvant quasiment aucun de ses personnages – au choix : égoïste, veule, débile… – Dupieux signe son film le plus ouvertement misanthrope. Une comédie cruelle à la Ruben Östlund qui fait un bras d’honneur à son époque mais sans jamais paraître réac’.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéL’AVENTURA ★★★☆☆
De Sophie Letourneur
L’été, la Sardaigne, la chaleur, un road trip à l’intuition, des visites, trop de bagages, des engueulades, des enfants qui crient, des imprévus en pagaille… Sophie Letourneur prolonge ici son dispositif entamé avec Voyages en Italie : à partir d’enregistrements audios de ses propres vacances, elle rejoue ces instants avec des acteurs, dans une mise en scène à la fois brute et méta. On suit donc Sophie et Jean-Phi (Philippe Katerine), accompagnés de leurs enfants, Raoul (3 ans) et Claudine (11 ans). Ils tentent de reconstituer leurs souvenirs des jours précédents via des enregistrements iPhone, et ce au sein même des dialogues et du montage. De l’expérimentation narrative à l’état pur et un joyeux bordel (dés)organisé, où pointe un épuisement généralisé de Sophie, mère multitâche malgré elle. La structure chaotique du film prend ainsi la forme de son esprit fatigué, pendant que Jean-Phi, fantomatique, aspire surtout à profiter de chaque seconde de calme qu’il pourrait s’offrir en loucedé. Introspection : on n’a jamais ressemblé à ça en vacances, hein ? Bien sûr que non.
François Léger
Lire la critique en intégralitéRAPACES ★★★☆☆
De Peter Dourountzis
Dans un palace de la Côte d’Azur, un vieil espion se demande si ses anciens ennemis jurés ne sont pas de nouveau à ses trousses. Pour les contrer, il replonge dans le souvenir de ses anciens exploits… Reflet dans un diamant mort est le quatrième film du duo Hélène Cattet - Bruno Forzani, explorateurs fétichistes des formes les plus excitantes de l’âge d’or du cinéma populaire des années 60 et 70. Après le giallo (dans Amer et L’Etrange couleur des larmes de ton corps) et le polar revu à la sauce spaghetti (Laissez bronzer les cadavres), ils sondent ici la mémoire des films d’espionnage sixties, de James Bond au Danger : Diabolik ! de Mario Bava. Prenant la forme d’un kaléidoscope, nourri de références à l’Op Art, le film questionne les principes d’hypnose et d’illusion inhérents au cinéma. Au-delà du plaisir d’esthète, il s’agit, aussi, de se demander ce que ce genre qui envoûta les foules recelait de violence machiste, de soumission à un hédonisme mortifère. A la fois amoureux et critique, expérimental et ironique (en gros, c’est comme si Satoshi Kon avait réalisé un OSS 117), le film vibre d’une extraordinaire pulsion de vie cinéphile.
Gaël Golhen
ISLANDS ★★★☆☆
De Jan- Ole Gerster
Comment subvertir les codes du thriller psychologique en se débarrassant de tout sensationnalisme ? C’est un peu la question posée par le film de Jan-Ole Gerster (Oh boy). Sam Riley incarne Tom, un coach de tennis lessivé, échoué aux Canaries. Il a une nonchalance magnétique et un je-m’en-foutisme caractérisé qui défient clairement les clichés du héros en quête de rédemption. C’est un loser, et il l’assume. Mais l'arrivée d'Anne (Stacy Martin) et de son fils va bouleverse sa tranquille dérive existentielle… Tout cela, on le comprendra à travers un récit qui avance façon puzzle. Gerster refuse l'exposition classique et préfère distiller les révélations comme des miettes, transformant le mystère de la disparition du mari en une méditation sur l'aliénation moderne. Le scope (magnifique) accentue l'isolement des personnages dans ces paysages volcaniques, mais cette métaphore visuelle n’est jamais dupe d’elle-même. Si on accepte de rentrer dans ce jeu, alors Islands devient un néo-noir contemplatif idéal pour la période estivale.
Gaël Golhen
MAMIE- SITTING ★★★☆☆
De Darren Thornton
Tout commence par une situation à la limite du burlesque : des homosexuels déboussolés accompagnent à reculons leurs mères âgées à l’église et rêvent de ne plus avoir à se soucier d’elles. L’un d’eux, Edward, un romancier irlandais sur le point de débuter la promotion de son livre, se retrouve pourtant contraint de s'occuper des trois autres mamies lorsque ses amis partent du jour au lendemain en Espagne sans le prévenir. Si Mamie-sitting nous fait souvent sourire par le laxisme de son protagoniste – paralysé par son anxiété et sa peur du changement – le film nous émeut davantage par sa représentation de la vieillesse. Qu’elle soit douce ou affligée, elle demeure éloignée du misérabilisme habituel : ici, les vieilles en jettent et ne se laissent pas abattre. Et lorsqu’Edward se surprend à avoir davantage besoin d’elles que l’inverse, Mamie-sitting prend alors tout son sens.
Lucie Chiquer
LA GUITARRA FLAMENCA ★★★☆☆
De Antón Álvarez
Avec ce magnifique documentaire, Antón Álvarez signe son premier long métrage et nous propose une plongée intimiste au cœur de la vie d’un guitariste de flamenco, Yerai Cortes. L’histoire d’un musicien racontée à travers son vécu : de la séparation de ses parents à la révélation d’un lourd secret de famille. Rythmé par des notes de musique andalouses, La Guitarra flamenca regorge de sensations fortes. Le guitariste se dévoile avec une sincérité puissante à travers un projet d’album singulier. Ses proches défilent à l’écran, les uns après les autres, à la vitesse des souvenirs qu’ils déterrent après des années de silence. Chaque confession résonne avec les paroles écrites par Yerai Cortes créant une véritable explosion d’émotions sublimée par la voix d’une chanteuse de flamenco. Dans ce documentaire - à la frontière de la fiction - le cinéma s’accorde parfaitement à la musique, devenant presque indissociables pour raconter avec justesse les inspirations créatives du guitariste.
Marie Janeyriat
BEING BO WIDERBERG ★★★☆☆
De Jon Asp et Matthias Nohrborg
« Je trouvais le cinéma suédois nul ! » dit Bo Widerberg (1930 - 1997) avec la fougue de sa jeunesse au mitan des années 60. Issu d’un milieu modeste, le cinéaste avance à la fois contre (la figure tutélaire et écrasante d’Ingmar Bergman donc des institutions) et pour (la vitalité de l’inédit, la classe ouvrière…) Immédiatement repéré par les têtes chercheuses cinéphiles, Widerberg devient jusqu’aux seventies une star du cinéma d’auteur international cumulant prix cannois, berlinois et des nominations aux Oscars. Pour autant son nom reste aujourd’hui trop méconnu. En France, on doit à la société Malavida Films un travail au long cours pour la plaine reconnaissance de ce cinéaste tempétueux et iconoclaste qui aimait pourtant les belles choses (voir ou revoir Adalen 31, Elvira Madigan ou Joe Hill). Ce documentaire chronologique augmenté de nombreux témoignages parvient à dessiner un portrait sensible de cet auteur pourtant insaisissable. Ce film inédit accompagne une grande rétrospective de son œuvre.
Thomas Baurez
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
FALCON EXPRESS ★★☆☆☆
De Jean- Christophe Tassy et Benoît Daffis
Une ribambelle d’animaux de compagnie piégés dans un train sans conducteur lancé à toute allure vers un crash inévitable par un blaireau aussi rancunier que machiavélique en quête de vengeance. Il y a tout à la fois du Runaway Train, du Speed et du Bullet train dans cette nouvelle production du studio d’animation toulousain TAT (Les As de la jungle) qui marque les débuts à la réalisation du duo Jean- Christophe Tassy- Benoît Daffis. Mais en prenant le parti de multiplier les personnages avec un budget forcément restreint par rapport aux productions hollywoodiennes du même genre, le tandem a pris des risques. Celui de devoir faire des choix drastiques. De se retrouver dans l’obligation de couper au final certains de ces personnages prévus. Et celui plus dommageable de ne pas avoir le temps de développer des sous- intrigues amusantes avec chacune de ces petites et grosses bêtes pour ne pas reposer uniquement sur le côté spectaculaire des scènes d’action autour des sauvetages successifs de ce train de la mort. Bien qu’efficace, le résultat se révèle donc hélas bien trop sage pour convaincre pleinement.
Thierry Cheze
THE UGLY STEPSISTER ★★☆☆☆
De Emilie Blichfeldt
Le conte de Cendrillon, mais en comédie d’horreur commentant le monde réel. Voilà l’amusante idée déployée par The Ugly Stepsister, qui se déroule dans un royaume où la beauté règne en maître. Le coeur du prince est bien sûr à prendre et la jeune Elvira, vilain petit canard de la famille car supposément moche comme un pou, espère le charmer malgré la concurrence de sa sublime demi-soeur. Et pour parvenir à ses fins dans cette course au physique parfait, Elvira ne va reculer devant aucune méthode extrême… La réalisatrice norvégienne Emilie Blichfeldt signe un tout petit film, vraiment rigolo à ses heures (impayable scène de chirurgie esthétique au burin et sans anesthésie), mais qui manque cruellement de mise en scène pour enrober la blague. Sauvons cependant la prestation de Lea Myren (actrice et également mannequin !) qui apporte un décalage salvateur au personnage de l’ingénue Elvira.
François Léger
LE BONHEUR EST UNE BÊTE SAUVAGE ★★☆☆☆
De Bertrand Guerry
Pour son deuxième long métrage intitulé Le bonheur est une bête sauvage, Bertrand Guerry (Mes frères) est de retour sur l'île d’Yeu. Sa caméra s’immisce dans un nouveau huis clos familial et explore, à travers l’objectif, l'intimité d’un quotidien en souffrance. On y rencontre Jeanne (Sophie Davout), veuve et recluse dans une caravane, prisonnière du manque de son défunt mari. Sur une temporalité d’une semaine, le cinéaste passe au peigne fin les dérives d’un deuil impossible, comme si le temps s’était arrêté. Mais il raconte aussi les histoires de Tom (Sacha Guerry), son neveu, qui rêve de devenir comédien à Paris ou de Jan (Chris Walder) qui redécouvre l’amour. Avec des personnages hauts en couleurs, presque étranges, cette comédie frôle l’absurde pour raconter avec légèreté le deuil et la résilience. Bertrand Guerry dévoile la face cachée d’une communauté qui rêve d’ailleurs dans un récit allégorique intriguant. Hélas malgré la beauté de sa photographie, une colorimétrie particulière et un scénario décalé, le film s'essouffle et le jeu des acteurs peine à convaincre.
Marie Janeyriat
LES AMANTS ASTRONAUTES ★★☆☆☆
De Marco Berger
Des corps, la chaleur de l’été, une maison dans la pampa argentine, la jeunesse triomphante même lorsqu’elle laisse traîner le réveil jusqu’au premières heures de l’après-midi. Entre Pedro et Maxi, ça commence sur le ton de l’amitié pour avancer doucement vers un rapprochement plus physique. Sauf que Maxi affiche son hétérosexualité, non comme un étendard mais une façon de protéger ses désirs. Le film assume le sur-place avec des tourtereaux qui n’en finissent pas de se tourner autour. On regarde ça comme on tiendrait la chandelle. Ici et un peu ailleurs.
Thomas Baurez
PREMIÈRE N’A PAS AIME
MATERIALISTS ★☆☆☆☆
De Céline Song
La réception de Past Lives, le premier long- de Celine Song, tenait du conte de fées : accueil critique dithyrambique, nominations aux Oscars, écho « générationnel » instantané… Parmi les qualités du film, il y avait cette manière de parler du couple de façon nouvelle, en partie désenchantée, qui prenait en compte les facteurs culturels et socio-économiques qui président à toute histoire d’amour. Cette approche très prosaïque est au cœur de Materialists, qui s’empare d’un schéma de rom-com plus archétypal. Soit Lucy (Dakota Johnson), une « matchmakeuse » new-yorkaise qui organise des rencontres amoureuses pour des clients très friqués, et dont le cœur va bientôt se retrouver à balancer entre un BG richissime (Pedro Pascal) et son ancien ex (Chris Evans), acteur galérien qu’elle avait quitté quelques années plus tôt car elle en avait marre qu’il ne puisse jamais l’inviter dans des restaus de luxe. Le ton d’abord un peu froid, détaché, du film, qui donne l’impression d’adhérer aux valeurs de ce monde cynique et ultra-matérialiste, déstabilise avant de se diluer au fil de scènes ternes, sans rythme ni humour, utilisant des gimmicks essorés pour un résultat prétentieux et conformiste.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéLa reprise Les Roseaux sauvages, de André Téchiné







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