Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
JOHN WICK : CHAPITRE 4 ★★★★☆
De Chad Stahelski
L’essentiel
La saga portée par Keanu Reeves, plus christique que jamais, arrive encore à se surpasser.
Neuf ans après, John Wick est toujours là. On lui a tiré dessus des centaines de fois, on l’a frappé, planté, percuté en voiture, mais rien n’y fait, il est increvable. Il a même survécu à sa chute du toit de l’hôtel Continental, à la fin du 3e Chapitre. Et on le retrouve d’ailleurs totalement requinqué au début de John Wick: Chapitre 4, où Baba Yaga poursuit son insatiable quête de vengeance, désormais dirigée contre la Grande Table, celle qui contrôle tout et est la cause de ses soucis.
Passé un préliminaire de 30 minutes, on revient aux bases de la saga, avec une orgie d’action et de violence de plus de 2h passant par le Japon, Berlin et Paris. John Wick poursuit son génocide méthodique, massacrant tous les adversaires sur son passage. Comme d’habitude ? Oui. Mais comme pour Mission : Impossible, l’aspect répétitif de John Wick n’est pas un problème tant que chaque nouveau film surpasse le précédent. Et encore une fois, de ce point de vue le pari est tenu. Toujours plus de combats, toujours plus de headshots, des nouvelles idées de mise en scène…
Evidemment, John Wick a ses limites. Personnage à la psychologie aussi réduite que ses dialogues, dont la catchphrase consiste à répondre "Yeah" à quasiment toutes les questions, il n’est sauvé que par sa mythologie. Mais on ne peut que s’incliner face à l’énergie de Keanu Reeves, plus christique que jamais, qui lutte comme Tom Cruise contre l’épreuve du temps pour faire vivre le cinéma d’action à un niveau rarement vu et nous donner envie d’aller au cinéma. Et d’y retourner.
Edouard Orozco
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
SAULES AVEUGLES, FEMME ENDORMIE ★★★★☆
De Pierre Földes
L’œuvre du japonais Haruki Murakami allie l’ordinaire et l’extraordinaire, réalisme et fantastique. Il est ainsi souvent question de personnages solitaires, invisibles au monde, qui vont se révéler à eux-mêmes et aux autres en arpentant des rives insoupçonnées. C’est ce qui a intéressé Pierre Földes qui, avec cette libre adaptation de plusieurs de ses nouvelles signe un premier long-métrage d’une puissance poétique rare. On croise ici un chat perdu et une grenouille géante, annonciateurs d’une catastrophe naturelle qui va bouleverser l’équilibre du Japon. Des hommes et des femmes, à priori insignifiants qui vont devoir s’employer pour sauver ce qui peut l’être. Földes, également auteur de la musique, parvient à faire de ces croisements d’histoires un labyrinthe mental et pénètre l’intime de chaque être sans jamais les trahir. Sa mise en scène d’une grâce et d’une pureté absolues, étreint le spectateur pour ne plus le lâcher. Un miracle.
Thomas Baurez
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
LE BLEU DU CAFTAN ★★★☆☆
De Maryam Touzani
Doublement primé à Angoulême, le deuxième film de Maryam Touzani confirme la belle impression laissée par son premier long Adam. La réalisatrice dépeint cette fois- ci un triangle d’amours contrariées et impossibles à vivre en pleine lumière. Halim (Saleh Bakri, bouleversant) est marié depuis longtemps à Mina et ils sont les propriétaires d’une boutique de caftans à Salé au Maroc. Halim aime Mina mais son désir le porte ailleurs, vers les hommes. Et l’arrivée d’un jeune apprenti dans leur magasin va forcément modifier cet équilibre précaire, déjà mis à mal par le cancer de Mina. Maryam Touzani filme le désir rentré, l’amour impossible avec une sensualité fascinante. Dans son cinéma, les regards, les corps, les gestes empêchés comptent plus que les mots. Tout est subtil et d’autant plus bouleversant que rien n’est ici jamais forcé.
Thierry Cheze
CHILI 1976 ★★★☆☆
De Manuela Martelli
Pour son premier long, Manuela Martelli remonte le temps jusqu’en 1976, année considérée comme l’une des plus sombres du régime de Pinochet alors au pouvoir depuis trois ans. Et c’est ce pan douloureux de l’histoire de son pays qu’elle explore avec superbe dans les pas d’une héroïne presque malgré elle, l’épouse d’un médecin qui, en acceptant d’aider en secret un jeune révolutionnaire, à la demande d’un prêtre, va se retrouver bien loin de sa vie bourgeoise paisible, sous la menace permanente de voir son secret découvert. Et par la justesse de sa mise en scène – un remarquable travail sur les valeurs du plan, un usage modéré et très subtil de la caméra à l’épaule – et une bande son oppressante, la cinéaste sait tout à la fois créer de la tension et la faire grandir sans jamais forcer le trait avec une maîtrise jamais prise en défaut jusqu’à l’ultime plan. Des débuts emballants
Thierry Cheze
DALVA ★★★☆☆
De Emmanuelle Nicot
Ce fut l’un des chocs de la Semaine de la Critique 2022. Un premier long signé Emmanuelle Nicot qui embrasse le thème de l’inceste à travers une enfant de 12 ans (Zelda Samson, exceptionnelle), trop maquillée et court vêtue pour son âge, soudain retirée du domicile paternel… contre son gré et sans qu’elle en comprenne la raison. Un premier long qui vous prend aux tripes, raconté à la hauteur de sa jeune héroïne. Et qui, grâce à ce positionnement, n’enfonce jamais les portes ouvertes mais va gratter là où ça fait mal, comme dans ces moments où Dalva défend ce père qui l’a abusée et qu’elle continue à aimer inconditionnellement. C’est aussi à travers son regard qu’on vit son long chemin vers une deuxième vie, celle d’une gamine de son âge, grâce à des éducateurs lui faisant découvrir ce monde de l’enfance qu’au fond, elle ne connait pas. Le portrait d’une renaissance, sans misérabilisme.
Thierry Cheze
DE GRANDES ESPERANCES ★★★☆☆
De Sylvain Desclous
Changer la vie. En course pour l’ENA, Madeleine et Antoine, en couple, en ont l’envie chevillée au corps, avant qu’une altercation qui tourne au drame sur une route corse avec un habitant du cru vienne briser leur irrésistible ascension. Desclous (La Campagne de France) connaît la politique et ses coulisses. Il le confirme dans sa manière de camper les situations, de trouver des échos dans l’histoire récente de la gauche, de ne pas faire l’économie du jargon. Mais De Grandes espérances transcende le cadre du film politique. A travers le personnage passionnant de Madeleine (Rebecca Marder, encore impériale) qui rêve de mettre à mal le capitalisme par des marqueurs de gauche puissants, il raconte comment, passé un certain seuil, tous les coups peuvent être permis pour faire passer ses idées. Et quelques rebondissements trop capillotractés n’abiment jamais la tension qui le domine.
Thierry Cheze
VALENTINA ★★★☆☆
De Chelo Loureiro
« C’est bien d’être différent » : Valentina, petite fille trisomique, rêve de faire du trapèze mais croit que sa différence l’empêche d’être normale… Plus que son discours sur la tension entre norme et différence, finalement assez classique, ce qui fonctionne surtout dans ce chouette film d’animation espagnol, c’est son idée fondatrice super bien trouvée : toute l’action se déroule dans la chambre de l’héroïne, qui devient un portail vers divers mondes imaginaires peuplés d’êtres farfelus (et de bonnes chansons -un art qui se perd dans les films animés). Un high concept très high qui n’aurait pas détonné dans une production Pixar de la grande époque, et qui fait de Valentina une sympathique petite cousine de Monstres et Compagnie. Les créatifs du studio d’Emeryville seraient bien inspirés de le voir pour prendre des notes.
Sylvestre Picard
ATLANTIC BAR ★★★☆☆
De Fanny Molins
Sorte de cousin français du récent et formidable 143 rue du désert qui racontait le quotidien d’une buvette perdue sur une petite route en plein désert algérien, ce documentaire met en scène d’un bistrot d’Arles, menacé de fermeture après la décision de son propriétaire de vendre les murs. Le portrait joyeux d’un monde qui se meurt au fil d’échanges avec Nathalie, sa patronne toute en gouaille et ses fidèles clients hauts en couleur que Fanny Molins mène avec une empathie jamais mièvre et sans céder à la facilité du pittoresque. Un bonheur.
Thierry Cheze
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
ETERNAL DAUGHTER ★★☆☆☆
De Joanna Hogg
Un an après la découverte enthousiasmante de son travail avec The Souvenir, on attendait avec impatience le nouveau Joanna Hogg. Passé par la compétition vénitienne, il met en scène une artiste et sa mère âgée retournant pour un court séjour dans leur ancienne demeure familiale, transformée depuis en hôtel, où les souvenirs du passé vont bien évidemment ressurgir. La cinéaste britannique confirme son talent à créer des atmosphères envoûtantes, en s’aventurant ici sur le terrain du genre horrifique. Mais cette fois- ci, le scénario et ses effets de surprise trop vite éventées convainquent moins, donnant à l’ensemble un côté plus fabriqué, à l’image de l’idée de confier les deux rôles à Tilda Swinton, certes impeccable mais dans un numéro parfois trop artificiel. Dans la même famille de film et d’ambiance, le récent She will a su se montrer plus saillant.
Thierry Cheze
L’EDEN ★★☆☆☆
De Andres Ramirez Puldo
Découvert à la Semaine de la Critique, ce premier long métrage colombien suit les pas d’un jeune garçon de la campagne incarcéré, après un crime qu’ils ont commis, avec son meilleur ami dans un centre expérimental pour mineurs. Il y règne certes une tension qui ne se démentira jamais ou presque. Mais une fois passée son entame mystérieuse à souhait, cette variation autour de la fabrique virile de la violence peine à trouver sa singularité face aux récents films sud- américains qui ont traité de ce sujet, avec plus de puissance tant dans leur mise en scène que dans la gestion du récit. L’ombre du Monos de son compatriote colombien Alejandro Landes se révèle particulièrement écrasante.
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIME
SUR LES CHEMINS NOIRS ★☆☆☆☆
De Denis Imbert
Les rôles tragiques de Jean Dujardin sont toujours un peu hantés par ses faits d’armes en comédie. Après OSS dans Novembre, ici c’est Le Daim qui nous encombre la tête, à le voir arpenter la montagne en solitaire, consignant son journal, les sourcils froncés. Sauf qu’ici pas de folie : on se prend très au sérieux. Dans la peau de Sylvain Tesson, traversant la France après avoir miraculeusement survécu à une défenestration alcoolisée, Dujardin en fait des tonnes sur le mode de “l’écrivain-aventurier” hemingwayen à cigares et regards noyés dans l’horizon, s’abandonne à des aphorismes de haute volée (“je pouvais enfin retrouver la seule fiancée qui ne déçoit jamais : la liberté”), cite Thoreau au coin du feu, éconduit poliment des bergères émoustillées par son érudition virile, bref, se la joue. Bonne nouvelle : on rit limite autant qu’avant.
Théo Ribeton
JE M'ABANDONNE A TOI ★☆☆☆☆
De Cheyenne Carron
Quelque part entre le Journal d’un Curé de Campagne de Bresson et un téléfilm TF1 mal fagoté, Je m’abandonne à toi nous plonge dans le quotidien d’un homme mi- prêtre, mi- légionnaire au gré des visites qu’il effectue auprès de ses fidèles. En utilisant son film comme un confessionnel pour son personnage, Cheyenne Caron enferme le spectateur dans un entrelacs superficiel de séquences, rythmées par l’omniprésente Sonate n°20 de Schubert, qui vient continuellement surplomber l’ensemble. Dans un style documentaire très marqué, la narration s’articule autour de séquences sans début, ni fin qui tendent à analyser aussi bien les différences inter-religieuses que la guerre en Ukraine, placées ici et là afin de remplir un cahier des charges qui a pour ambition d’attirer le plus de spectateurs à sa cause. Sans y réussir.
Yohan Haddad
Et aussi
Cœur de père, de Andres Garrigo
Holy Emy, de Araceli Lemos
Louis Tomlinson : All of those voices, de Charlie Lightening
We are coming, chronique d’une révélation féministe, de Nina Faure
Reprise
Distant voices, de Terence Davies
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