Dune, de David Lynch (1985)
AMLF
Jodorowsky's Dune, documentaire sorti en 2016
Sony Pictures Classics
Dune, de Denis Villeneuve (2020)
Warner/Chiabella James
Dune, de David Lynch (1985)
AMLF
Première Classics n°6 : Dune, le film jamais tourné d'Alejandro Jodorowsky
Première
Dune, de Denis Villeneuve (2020)
Warner/Chiabella James
Jodorowsky's Dune, documentaire sorti en 2016
Nour Films
Dune, de Denis Villeneuve (2020)
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Dune, de David Lynch (1985)
Jodorowsky's Dune, documentaire sorti en 2016
Dune, de Denis Villeneuve (2020)
Dune, de David Lynch (1985)
Première Classics n°6 : Dune, le film jamais tourné d'Alejandro Jodorowsky
Dune, de Denis Villeneuve (2020)
Jodorowsky's Dune, documentaire sorti en 2016
Dune, de Denis Villeneuve (2020)

Dune, de David Lynch (1985)

Jodorowsky's Dune, documentaire sorti en 2016

Dune, de Denis Villeneuve (2020)

Dune, de David Lynch (1985)

Première Classics n°6 : Dune, le film jamais tourné d'Alejandro Jodorowsky

Première Classics n°6 : Dune, le film jamais tourné d'Alejandro Jodorowsky

Dune, de Denis Villeneuve (2020)

Jodorowsky's Dune, documentaire sorti en 2016

Dune, de Denis Villeneuve (2020)

Alejandro Jodorowsky et David Lynch ont essayé, et à présent, c'est Denis Villeneuve qui s'y colle...

Alors que la version de Dune de David Lynch reviendra dimanche soir sur Arte, suivi du captivant documentaire Jodorowsky's Dune, et que l'on attend celle de Denis Villeneuve (Premier contact, Blade Runner 2049) pour cet hiver, retour sur la folle histoire de ses tentatives d'adaptations au cinéma. Ou comment l'adaptation mort-née d'un roman de science-fiction génial par un artiste chilien surréaliste et ésotérique a impliqué Salvador Dali, Orson Welles, Mick Jagger, les Pink Floyd et Moebius. Et a enfanté par sa mort la franchise Alien, la saga des Métabarons, et deux films de David Lynch : un ratage et un chef-d'oeuvre. Tout ça ?

Par Sylvestre Picard

Un large aperçu du Dune de Denis Villeneuve avec 8 photos inédites

Dune Quichotte

C’est l’histoire d’un gourou dont la secte se plante. En 1970, le chilien Alejandro Jodorowsky connaît son premier grand succès avec son deuxième long-métrage, le western initiatique El Topo(« La Taupe ») Dans un univers de western-spaghetti, l’odyssée ésotérique d’un pistolero, incarné par le cinéaste lui-même, qui affronte « les maîtres du revolver » avant de se transformer en Jésus défenseur d’une bande de monstres cachés dans une grotte. C’est en voyant le film à New York que Michel Seydoux décide de le distribuer en France, avec succès. Jodo enchaîne avec La Montagne sacrée en 1973. Le film, trip coloré sur une bande d'explorateurs partis à la recherche d'une montagne magique, vendra 344 674 billets en France. Seydoux propose alors à Jodo de produire son prochain film. N'importe lequel. Jodorowsky choisit alors l'un des best-sellers de l'époque : le roman Dune de Frank Herbert. « Je n’avais pas lu Dune. J’aurais pu choisir n’importe quel roman, j’aurais pu dire Don Quichotte… » Quand il raconte, dans le documentaire Jodorowsky's Dune, comment il a choisi d’adapter « le plus grand roman de SF de tous les temps » (ou du moins l'un des plus sérieux prétendants au titre), Alejandro rigole franchement, mais il n’aurait pas pu choisir meilleur symbole. Adapter le Quichotte -cette odyssée picaresque où l’on s’en va affronter des moulins à vent, et qui raconte en fin de compte la mort des idéaux chevaleresques face au monde moderne, soit le combat de l'idéalisme et du réalisme- a brisé aussi bien Orson Welles que Terry Gilliam. Histoire de signifier que, dès le départ, Dune ne verrait jamais le jour ? Petit retour en arrière. Le roman de Frank Herbert, publié en 1965 et traduit en France dans la fameuse collection « Ailleurs et demain » dirigée par Gérard Klein, est le best-seller de SF emblématique des 60’s. Situé dix mille ans (à quelques siècles près) dans l'avenir, le livre raconte l'histoire de Paul, héritier de la maison noble des Atréides, et de sa bataille politico-militaire pour garder le contrôle d'Arrakis, une planète désertique où rôdent des vers titanesques, la seule planète où se trouve l'Epice, une drogue permettant de voir l'avenir et de voyager dans l'espace. Maisons féodales gouvernant des planètes, complots, politique, réflexion mystique sur la religion séculaire et la foi intérieure... Dune est un vrai classique de la SF et de la littérature tout court. Même avec son succès en librairie, une adaptation cinéma restait un pari risqué, même si l'industrie avait vu cartonner sur grand écran 2001, L’Oydssée de l’espace, donnant à la SF de cinéma son premier chef-d'oeuvre « respectable », les producteurs sentaient bien que ce n'était pas le genre de film évident à reproduire. Et le Star Wars de George Lucas ne sortirait pas avant 1977 pour ressusciter le space opera populaire. Mais le producteur Arthur P. Jacobs, qui avait transformé le roman La Planète des singes en grand film d'aventures (et de SF pulp) à succès en 1968, mit une option sur les droits d'adaptation cinéma de Dune en 1971, espérant en tirer un film signé David Lean (la totalité de son Lawrence d'Arabie, y compris les yeux bleus de Peter O'Toole, est l'une des principales sources d'inspiration d'Herbert pour Dune). Mais Lean refusa et Jacobs se tourna vers Charles Jarrott, habitué des films à costume (Anne des mille jours, Mary Stuart, reine d'Ecosse). Mais Jacobs, trop occupé à diriger les suites de La Planète des singes, n'accorda pas à l'adaptation de Dune toute l'attention nécessaire. Le producteur mourut en juin 1973, au moment de la sortie de La Bataille de la Planète des singes, le cinquième et dernier film de la franchise avant le vingt-et-unième siècle. Les droits de Dune arrivèrent en 1975 en France, achetés par Jean-Paul Gibon et Michel Seydoux, ce dernier se lançant dans le cinéma en produisant Lily aime-moi, deuxième film de Maurice Dugowson avec Patrick Dewaere. Et Jodo tape dans l'oeil de Syedoux avec El Topo puis La Montagne sacrée. Le producteur donne carte blanche au réalisateur. Il va en profiter au-delà de toute raison.

Moebius, Pink Floyd, Mick Jagger, Orson Welles

« Je ne voulais pas respecter le roman, je voulais le recréer. Pour moi Dune n'appartenait pas à Herbert ainsi que Don Quijote n'appartenait pas à Cervantès », écrira jodorowsky dans le magazine Métal Hurlant en 1985 pour raconter sa vision avortée de Dune. « Il y a un artiste, un seul au milieu de millions d'autres artistes, qui une seule fois dans sa vie, par une espèce de grâce divine, reçoit un thème immortel, un MYTHE... Je dis « reçoit » et non « crée » parce que les oeuvres d'art son reçues dans un état de médiumnité directement de l'inconscient collectif. L'oeuvre dépasse l'artiste et en quelque sorte, elle le tue parce que l'humanité, en recevant l'impact du Mythe, a un besoin profond d'effacer l'individu qui l'a reçu et transmis : sa personnalité individuelle gêne, tache la pureté du message qui, à sa base, demande à être anonyme... Nous ne savons pas qui a créé la cathédrale Notre-Dame, ni le calendrier solaire aztèque, ni le tarot de Marseille, ni le mythe de Don Juan, etc. » Jodorowsky réunit en France une dream team de trois dessinateurs pour donner vie à son projet Dune. L'Anglais Chris Foss sera chargé de créer les vaisseaux spatiaux, tandis que le Suisse aux visions morbides et organiques H.R. Giger s'occupe de l'univers sombre des méchants Harkonnen, et un certain Moebius développe les costumes et le storyboard du film. La fusion entre Moebius et Jodo est totale : le Chilien raconte, et Moebius dessine aussitôt les paroles du réalisateur. Jodorowsky réécrit littéralement tout le roman Dune pour mieux coller à ses visions mystiques et prophétiques de l'Art avec un grand (non-)A. Chez Jodo, le duc Leto Atréides est castré par un taureau et féconde sa femme à l’aide d’une goutte de sang issue de son doigt (la caméra devait filmer la rencontre entre la goutte et l'ovule) ; et à la fin du film le grand bad guy Harkonnen tue Paul Atréides mais son esprit messianique illumine alors toute la Galaxie, menant l'univers dans un nouvel âge d'or. Pour la musique, Jodo veut faire appel à Pink Floyd et au groupe psyché Magma. Evidemment, Frank Herbert est prié de se soumettre à la vision du réalisateur. « Le Christ n'appartient pas à Marc, ni à Luc, ni à Mathieu, ni à Jean... Il y a bien d'autres évangiles dits apocryphes et il y a autant de vie de Christ qu'il y a de croyants. Chacun de nous à son histoire de Dune , sa Jessica, son Paul... Je me sentais en admiration fervente envers Herbert et à la fois en conflit (je pense que la même chose lui est arrivée)... Il me gênait... Je ne le voulais pas comme conseiller technique... J'ai fait tout pour l'éloigner du projet... J'avais reçu une version de Dune et je voulais la transmettre : le Mythe devait abandonner la forme littéraire et devenir Image... », se souviendra Jodorowsky en 1985. Toujours dans le même style illuminé, il refusera de bosser avec le visionnaire responsable des effets visuels de 2001, L'Odyssée de l'espace, Douglas Trumbull (« ce n’était pas une personne spirituelle », d'après Jodo). Le réalisateur engage alors un certain Dan O’Bannon pour les SFX après avoir vu le nettement plus cheap Dark Star de John Carpenter. Dan accepte de participer au projet après avoir rencontré Jodorowsky autour d’un joint de « marijuana spéciale ». Au casting, Jodo entraîne son fils Brontis pour jouer Paul, et veut David Carradine pour jouer Leto son père, sans oublier Mick Jagger pour jouer Feyd-Rautha, le malsain neveu du Baron Harkonne. Charlotte Rampling refuse de jouer Jessica, mais Jodo parvient au moins à convaincre Salvador Dali de jouer l’Empereur fou de la Galaxie à l'aide d'une carte de Tarot (et surtout en lui promettant un salaire de 100 000 dollars par heure de travail : l'astuce étant de ne le faire tourner qu'une seule heure), tandis qu'Orson Welles doit jouer le Grand méchant, le Baron Harkonnen à l’obésité morbide. « J’étais comme un prophète, j’étais illuminé ! » se rappelle Jodorowsky. « C’était un vrai gourou, il était totalement inspirant », dit Chris Foss, tout joyeux de se rappeler cette période de sa vie : « Dune aurait été encore plus gros que 2001 ». Le budget du film, bien évidemment, explose. Deux ans et demi plus tard, deux millions de dollars de l’époque ont été claqués en pré-production. Pas une image n'a été tournée, mais l'équipe de Jodorowsky a créé une « Bible » de leur film Dune, un épais libre au format à l'italienne comprenant les dessins préparatoires et le story-board de Moebius. Fin 1975, Seydoux et Jodorowsky font le tour des gros studios hollywoodiens avec La Bible, épaisse comme un bottin, comme cadeau de Noël. Une Bible qui contient tout le film, avec son impressionnant plan-séquence d'ouverture qui nous fait traverser toute la Galaxie dans un mouvement incroyable. Evidemment, le projet effraye les gros studios américains qui refusent de financer un projet aussi dingo, cher et risqué. Star Wars n'est pas encore sorti et le space opera ne fait pas encore recettes. Sans financement, le projet est mort. Le gourou illuminé a perdu face à la réalité de la production. Tout exaltant qu'il était, le Dune version Jodorowsky était bel et bien infilmable.


Jodorowsky's Dune : histoire d'un film maudit

Alien, Lynch et l'Incal

 

Mais tout comme la mort de Paul le Messie dans la version de Jodo illumine l'univers, l'échec de Dune va faire éclore d'autres projets. En 1976, le mogul italien Dino De Laurentiis vient de s'installer à Hollywood : il récupère les droits de Dune auprès de Seydoux pour quatre millions de dollars et s'attelle à en faire un film avec l'aide de sa fille Raffaella. Partenaire des premiers films de Fellini (La Strada, Les Nuits de Cabiria), Dino avait déjà réussi à produire La Bataille des Ardennes (Ken Annakin, 1965), La Bible (John Huston,1966) ou Barbarella (Roger Vadim, 1968) : ce n'allait pas être un petit roman de science-fiction qui allait lui faire peur. En 1979, De Laurentiis trouve le réalisateur idéal pour tourner Dune : Ridley Scott, tout frais auréolé du succès d'Alien, le huitième passager. Ça tombe bien, puisque Alien est né de Dune. Son script a été écrit dans la douleur par Dan O'Bannon alors qu'il souffrait sur le Dune de Jodorowsky, et les designs d'Alien sont signés Chris Foss, H.R. Giger et Moebius... De Laurentiis charge Frank Herbert d'écrire un scénario, mais le résultat ne le convaint pas. Le producteur recrute alors Rudolph Wurlitzer, scénariste de Macadam à deux voies (Monte Hellman, 1971) et Pat Garrett et Billy the Kid (Sam Peckinpah, 1973) pour écrire un nouveau script. Le principal changement apporté par Wurlitzer est une relation incestueuse et oedipienne entre Paul et sa mère Jessica, qui donne naissance à Alia, une petite fille aux pouvoirs monstrueux. Herbert et De Laurentiis n'apprécient guère la référence à Oedipe et Wurlitzer doit supprimer son idée. H.R. Giger est de nouveau chargé de concevoir les Harkonnen et se met au travail, mais Ridley Scott devra quitter le projet, affecté par la mort soudaine de son frère aîné Frank. De Laurentiis ne perd pas espoir, d'autant que le carton phénoménal de Star Wars en 1977 donne à toute l'industrie des envies de partir pour l'espace. Le producteur se tourne alors vers David Lynch. Un choix pas si surprenant : le triomphe de son deuxième film Elephant Man (huit nominations aux Oscars) en 1980 faisait de lui un réalisateur de tout premier plan. George Lucas lui avait même proposé de tourner Le Retour du Jedi dans la foulée du succès d'Elephant Man : Lucas, amoureux du cinéma expérimental, voyait en l'auteur d'Eraserhead une âme-soeur, d'autant plus que Lynch n'avait pas réussi à monter son précédent projet (Ronnie Rocket ou l'histoire d'un héros capable de manier l'éléctricté dans un monde-décharge) au sein du studio Zoetrope de Francis Ford Coppola, où Lucas avait achevé dans la douleur son THX 1138 de 1971. En tous cas, Lynch déclina l'offre de Lucas (Star Wars « n'est pas ma tasse de thé », dira Lynch) et signe avec De Laurentiis un contrat pour trois films avec le producteur. Dune devait être le premier. « Dino aimait le cinéma, mais pas mon cinéma, et donc je lui posais un problème », se souvient Lynch. « Il disait : « ce mec a fait Elephant Man, que j'adore, et Eraserhead, que j'adore ». Il voulait le réalisateur d'Elephant Man. »

 

David Lynch : "Je suis fier de tout ce que j’ai fait, sauf de Dune"

Dino Lynch

L'une des premières choses que fait Lynch est de virer Giger, dont il n'aime pas le travail sur Dune, et se met au boulot sur le script avec les auteurs d'Elephant Man, Christopher De Vore et Eric Bergren. Ce ne sera qu'au bout de la sixième version du scénario que Lynch sera satisfait... « L'histoire de Dune, c'est celle de la quête de l'illumination, et c'est pour ça que j'ai dit oui », résume Lynch. «  Mais je savais aussi que je m'embarquais pour quelque chose qui devait être pour une certaine raison. Et quelle que soit la raison, j'étais désormais dedans. » Le début de la production de Dune est endeuillé par la mort dans un accident d'avion de Federico, fils de Dino qui travaillait sur le film. Et pendant ce temps, en 1980, Jodo et Moebius recyclent toutes les idées de leur Dune dans la bande dessinée Les Aventures de John Difool (ou comment un minable détective privé du futur devient le sauveur de la Galaxie dans une grand guerre mystique entre Ténèbre et Lumière) retitrée ensuite L'Incal. Son succès permettra à Jodo de créer une véritable franchise de science-fiction adulte et délirante déclinée en dix séries différentes de BD (plus un jeu de rôle), encore fertile de nos jours : dans le premier tome du spin-off La Caste des Méta-barons, un grand guerrier castré féconde sa femme à l'aide d'une goutte de sang au bout de son doigt. De leur côté, Lynch et De Laurentiis père et fille ne chôment pas : Lynch engage dans le rôle de Paul le jeune acteur Kyle MacLachlan, déniché par la directrice de casting alors qu'il jouait en 1982 sur scène Tartuffe de Molière. Ce sera son premier rôle au cinéma. Doté d'un budget faramineux de 40 millions de dollars de l'époque (l'équivalent du budget du Retour du Jedi), Dune se tourne enfin en mars 1983 au Nouveau-Mexique. Dans l'équipe de trouvent des grands noms comme Carlo Rambaldi (E.T. L'Extra-terrestre) aux effets visuels et Anthony Masters (production designer de 2001, L'Odyssée de l'espace). Côté casting, Dune réunit de grands noms venus des quatre coins du globe comme dans un péplum des années 60 : l'Italienne Silvana Mangano, le Suédois Max Von Sydow, l'Allemand Jürgen Prochnow, le Portoricain José Ferrer, et même l'Anglais Sting, le chanteur du groupe Police. Pour l'ambiance visuelle de son Dune, Lynch s'inspire aussi bien de la Renaissance italienne que de Métropolis de Fritz Lang. Le tournage s'achève en septembre 1983, et le montage durera six mois, commençant en février 1984. Alors que son ultime script avait une durée estimée à trois heures, Lynch livrera un premier montage de cinq heures, qui sera projeté une unique fois au Mexique. Finalement, le film projeté en salles durera deux heures et dix-sept minutes. « On a complètement détruit le film dans la salle de montage », admettra Dino De Laurentiis, détenteur du final cut sur Dune, en 2001. « Si David avait eu le final cut, le film aurait été nettement mieux », concèdera Raffaella de son côté. Dans tous les cas, le film sort en salles américaines en décembre 1984 et se fera démolir par la critique. Il terminera sa carrière à 30,9 millions de dollars de recettes, soit le vingt-huitième plus gros succès de l'année 84, une année om Le Flic de Beverly Hills et S.O.S Fantômes dépassèrent la barre des 200 millions sur le sol américain. Trop long, trop adulte, trop mystique, trop laid, trop statique par rapport aux autres divertissements de fantasy sortis la même année (1984 est aussi l'année d'Indiana Jones et le Temple maudit), Dune disparaît dans les sables d'Arrakis.

 

Dune Velvet

Mais la relation entre Lynch et la famille De Laurentiis restera très forte, avec des conséquences parfois étranges : Raffaela De Laurentiis a raconté qu'elle devait subir une hystérectomie (ablation de l'utérus) peu de temps après la sortie de Dune, et que Lynch -toujours ce bizarre artiste au fond de lui- lui demanda si il pouvait récupérer ses organes après l'opération. Si elle n'y voyait pas d'objection, l'hôpital refusa et Raffaela envoya à Lynch un utérus de truie récupéré chez le boucher et placé dans du formol avec son bracelet d'hôpital en tant que preuve d'authenticité. Pour en revenir au cinéma, la version télé américaine de Dune, qui dure quatre heures avec les pubs et des scènes rallongées très dispensables, mettra Lynch en colère : elle sera créditée à un certain Alan Smithee, qui n'existe pas : il s'agit du pseudonyme des réalisateurs qui ne souhaitent pas signer un film. Et le scénario de cette version rallongée à l'absurde est attribué à un certain « Judas Booth », nom construit à partir de Judas Iscariote et de John Wilkes Booth. Soit un mélange de celui qui a livré Jésus et de l'assassin d'Abraham Lincoln. Et pour la petite histoire, Frank Booth est également le nom du méchant joué par Dennis Hopper dans Blue Velvet, le film suivant de David Lynch où il retrouve Kyle MacLachlan. Un film qui fut refusé par Warner à cause de son étrangeté : mais Dino De Laurentiis avait toujours confiance en Lynch et racheta Blue Velvet à Warner, permettant à Lynch de le réaliser sans aucune entrave. « Ce film [Dune] m'a beaucoup coûté, dans beaucoup d'aspects, mais le cauchemar du tournage de Dune m'a permis de rencontrer Dino et sa famille. Et tout cela m'a amené vers Blue Velvet », résume Lynch. Résumons : le Dune de Jodorowsky aura donc engendré la BD L'Incal, Alien, le huitième passager et Blue Velvet. (sans oublier un peu Twin Peaks, avec MacLachlan et un autre acteur de Dune nommé Everett McGill). Pas mal. Et quarante ans plus tard, après deux mini-séries de bonne qualité (Dune en 2000 et Les Enfants de Dune en 2003 avec un jeune James McAvoy), le studio Paramount décida en 2008 de rebooter Dune au cinéma. Un projet qui ne survécut pas à son principal problème : composer avec Brian Herbert, fils de Frank et gardien du temple de Dune, qui tient absolument à intégrer dans un futur film adapté de l'oeuvre de son père les éléments des romans prequels et spin offs (de qualité d'ailleurs très moyenne) qu’il publie avec régularité. Les candidats réalisateurs (et musclés) Peter Berg (Du sang et des larmes, Traque à Boston...) et Pierre Morel (Taken) s’y sont cassés les dents. Un voyage sans espoir ? Dune est-il encore trop maudit pour connapitre une adaptation à sa hauteur au cinéma ? Jusqu'à ce jour de décembre 2016, où l'on apprenait que c'est le canadien surdoué Denis Villeneuve qui réalisera le nouveau Dune. Dont le casting ne fait que commencer (Timothée Chalamet sera Paul Atréides). L'aventure aussi. Après avoir réussi l'impossible (donner avec Blade Runner 2049 une suite réussie au classique de Ridley Scott), Villeneuve embrassera-t-il son destin de Kwisatz Haderach ? Le mot de la fin revient à Frank Herbert. « Beaucoup de gens ont essayé de faire le film Dune », disait-il en 1986, peu de temps avant sa mort et deux ans après la sortie de la version mal-aimée de David Lynch. « Ils ont tous échoué. »


Dune : David Lynch ne regardera pas l’adaptation de Denis Villeneuve

Pour aller plus loin

Jodorowsky's Dune (2013), Frank Pavich, en DVD chez Blaq Out, 2016 et sur le site d'Arte

Room to Dream, David Lynch et Kristine McKenna, juin 2018 (traduction française L'Espace du rêve, JC Lattès, septembre 2018)

The Greatest Sci-Fi Movies Never Made, David Hughes, 2008