Barbie : la promo en fait-elle trop ?
Abaca

Le monde se teinte de rose, Margot Robbie est partout, les marques les plus insolites sont partenaires du blockbuster de la Warner Bros...

A moins de quinze jours de la sortie de Barbie et d'Oppenheimer, attendu comme le match le plus important du box-office de l'été, la Warner Bros met le paquet pour promouvoir son blockbuster de Greta Gerwig porté par Margot Robbie et Ryan Gosling. A l'inverse, si Christopher Nolan s'est montré bavard il y a quelques semaines dans la presse ciné, la publicité de son biopic du père de la Bombe atomique est aujourd'hui limitée aux diffusions traditionnelles de bandes-annonces et d'affiches. De qualité, certes, mais sans chercher l'originalité.

Margot Robbie et Greta Gerwig ont pris leur ticket pour Oppenheimer, Mission : Impossible 7 et Indiana Jones 5

"Barbenheimer"

Les deux projets sont souvent comparés pour leur ampleur : ce sont deux productions de 100 millions de dollars environ, réalisés par des cinéastes appréciés, portés par des comédiens très populaires et soutenus par des studios importants... Barbie et Oppenheimer sont aussi mis en parallèle pour leurs différences : le premier s'annonce aussi rose, 'girly' et queer que le second paraît sombre, masculin et sérieux. A moins qu'il n'y ait un twist ? Le teasing de Barbie promet aussi des réflexions féministes ou sur la vie et la mort qu'on n'attendait pas forcément dans un blockbuster familial. Quant au film de Nolan, adeptes des œuvres "high concepts", il est si étonnant de le voir s'attaquer à l'histoire vraie d'un scientifique connu de tous qu'on a du mal à croire qu'il n'y apportera pas un angle de réflexion inattendu...

Depuis quelques jours, les sites spécialisés dans le box-office annoncent un démarrage américain autour de 80 millions de dollars pour Barbie, contre environ la moitié pour Oppenheimer, ce qui n'est pas étonnant vu que le premier est estampillé PG-13 (déconseillé aux moins de 13 ans non accompagnés d'un adulte) et l'autre R-Rated (interdit aux moins de 17 ans). D'autres raisons expliquent aussi cet écart potentiel, et la promotion des deux films est l'un des éléments qui pèsera in fine dans leur box-office. D'où cette question : celle de Barbie en fait-elle trop ?

Barbie : la promo en fait-elle trop ?
Abaca

Un hôtel australien a été entièrement redécoré aux couleurs de Barbie pour y organiser la journée presse du film.

Depuis que la réalisatrice de Lady Bird a été engagée pour tirer un film des célèbres poupées de Mattel, la "hype" n'a cessé de grimper pour ce projet. Avant elle, Amy Schumer avait tenté de tourner un film sur Barbie, tout comme Anne Hathaway et Olivia Wilde (qui a finalement conçu Don't Worry Darling comme une sorte de cauchemar du monde parfait de Barbie d'une certaine manière). C'est finalement la reine des "coming of ages movies" qui s'y colle, épaulée au scénario par son conjoint Noah Baumbach. Après des photos de tournage estivales qui ont fait le tour du web, la promo maligne a véritablement commencé en fin d'année dernière, avec un teaser évoquant 2001, l'Odyssée de l'espace. Un film incontournable de Stanley Kubrick jusqu'ici revendiqué comme une source d'inspiration de Nolan (surtout pour Interstellar), mais qui était loin d'être associé à Barbie dans l'inconscient collectif.


Barbie - le film : un Matrix avec des paillettes ?

Particulièrement bien pensé, ce court montage mettant en avant Barbie comme LA poupée rêvée de toutes les petites filles a fait sensation. Rebelote quelques mois plus tard avec une autre bande-annonce, inspirée par un autre film de SF culte, cette fois : Matrix. Une référence tout aussi inattendue, mais intrigante à souhait.

Entre temps, on a appris qu'il y aura plusieurs incarnations de Barbie et Ken à l'écran, ce qui permettra d'offrir une diversité de rôles exceptionnelle en castant des stars de toutes nationalités, origines, âges et genres. Après les affiches personnages explicitant ce concept, une série de posters a présenté Barbie comme étant "tout", véritablement "LA" poupée au cœur de Barbieland, jusqu'au jour où elle se retrouve dans le monde réel et qu'elle découvre les travers de la vie d'une femme. Son partenaire joué par Ryan Gosling, en revanche, "c'est juste Ken". Un double sens qui a bien fait rire le public francophone, mais qui promet aussi une réflexion plus profonde sur les rapports entre l'un des "couples" les plus célèbres de l'histoire.


Barbie : l'allusion sexuelle de l'affiche française ne passe pas inaperçue

Pourquoi Barbie va-t-elle être propulsée dans le monde réel ? A quelques jours de la sortie du film, on ne connaît pas encore les détails de l'intrigue, et c'est certainement l'un des points forts de cette promo ! Malgré les nombreuses interviews de l'équipe, notamment de Ryan Gosling, qui tease un Ken original, très éloigné de l'image que le public peut s'en faire, ou de la réalisatrice, qui a explicité comment les looks ou décors de Barbie avaient aussi été pensés en fonction de l'histoire et que l'ensemble participerait à nourrir les réflexions du film, on sait finalement peu de choses concrètes sur son contenu. Comment Barbieland intéragit avec le monde réel ? Quels sont les rapports entre l'héroïne et Ken, au juste ? Qu'est-ce qui en fait une figure féminine si exceptionnelle ? Les teasers posent plus de questions qu'ils ne donnent de réponses, ce qui participe à donner envie de voir le film.

Autre élément positif : la promotion de Barbie s'est faite sans heurts, avec des comédiens très investis, tout comme son équipe technique : des créatrices des costumes à la chef déco en passant par les seconds rôles, tout le monde semble content de parler du film, sans se forcer. Et sans avoir à justifier d'un comportement problématique (à l'inverse de la promo récente de The Flash, par exemple).
Les quelques critiques essuyées par l'équipe (comme l'âge supposé trop élevé de Ryan Gosling pour jouer Ken) ont été balayées en les argumentant intelligemment, tuant toute "polémique" dans l'oeuf. La Warner Bros a également justifié publiquement un détail qui a poussé des pays d'Asie à boycotter le film : une ligne de démarcation sur une carte qui est au coeur d'un conflit géo-politique entre la Chine et le Vietnam !

Barbie : la promo en fait-elle trop ?
Abaca

Greta Gerwig et ses actrices America Ferrera et Margot Robbie présentent Barbie -et ses gâteaux assortis !- à Séoul.

Reste que sur la dernière ligne droite, les partenariats sont si nombreux et les avant-premières si médiatisées que Barbie est littéralement partout. La Warner Bros avait prévenu que la promotion serait exceptionnelle, avec location de villa de rêve, grosses avant-premières en présence des équipes à l'international , accords passés avec des marques pour vendre des objets de toutes sortes estampillés Barbie...

Le studio n'avait pas menti. Il y a d'abord eu tout un hôtel de Sydney redécoré à l'effigie de la poupée, des chambres jusqu'à la piscine. Puis Margot Robbie a quitté son pays d'origine pour l'avant-première géante organisée à Séoul, en Corée du Sud. En total look poupée et attitude calquée sur son modèle, elle s'est appropriée sa gestuelle, ainsi que ses accessoires : sac et lunettes de soleil en forme de coeur, talons aiguilles, robes sur mesure... Margot Robbie EST Barbie. Quant à Gosling, il a été lui aussi envoyé dans son pays d'origine, le "Kenada" pour défendre la "kenergie".

Pendant que les photos de ces événements faisaient le tour du web, un thread sur Twitter a recensé tous les deals passés entre la Warner et des enseignes de la mode, de la restauration ou des nouvelles technologies. Ces partenariats ciblent tellement toutes sortes de gammes de produits, des plus abordables aux plus luxueux, qu'on en oublierait presque que Barbie est à l'origine une poupée, un jouet destiné aux fillettes ! La liste est gigantesque, la Warner voulant visiblement toucher le plus grand nombre, pas seulement les enfants : il y a des manettes de consoles, des bouées pour la piscine, des vêtements, des boissons sucrées, du vernis, des valises, des rollers...

Mattel dévoile la poupée Barbie à l'effigie de Margot Robbie !

Barbie est elle même une marque, et son merchandising est au cœur de son concept, le but de Mattel étant logiquement de vendre un maximum de poupées et produits dérivés. Elle n'est évidemment pas la seule héroïne à avoir droit à ce genre de publicité, de déclinaisons chez Macdo ou autres enseignes mondialement célèbres, mais il est vrai que le dispositif mis en place sur ce film est impressionnant.

Quand il sortira sur grand écran, le public sera-t-il déjà exténué par cette overdose de rose et de paillettes ? Ou sera-t-il au rendez-vous pour savoir ce que c'est, exactement, qu'un film Barbie ? On en reparle dans quelques jours...

Pour Ncuti Gatwa, "Barbie est déjà un phénomène culturel, alors qu'il n'est même pas encore sorti"