La Dame en noir n’est pas seulement le premier film post Harry de Daniel Radcliffe. C’est aussi (surtout ?) le nouveau film de James Watkins, réalisateur du très efficace Eden Lake. Sur le thème de la maison hantée, son film perpétue la tradition du film d’angoisse britannique avec fauteuil qui bouge, porte qui claque et apparitions dans le miroir. James Watkins revient pour nous sur ses références, sa vision du cinéma de frousse et... les lunettes d’Harry Potter !James, vous étiez fan de la Hammer ? Oui, même si la plupart ont pris un coup de vieux. Ceci dit, quand vous prenez les  Terrence Fisher ou certains  Freddie Francis, c’étaient des films qui étaient plastiquement inouïs et qui réussissaient à foutre la trouille. On peut encore faire peur comme ça au cinéma ? Oui, en jouant sur l’intensité ! C’était notre grande question quand on a commencé le film. Et on a tout de suite compris qu’il fallait jouer sur l’ambiance, la tonalité pour plonger le spectateur dans une sorte d’état second. Je préfère jouer avec l’imagination plutôt qu’imposer des images provoc' ou violentes. Au fond, c’est pour ça que je préfère les histoires de fantôme au film d’horreur. Aujourd’hui, l’horreur est dans une logique de surenchère. De gore, de nu, de violence... Ce n’est pas péjoratif, mais ce n’est pas ce que je veux faire. Je voulais faire un film d’effroi, revenir au film de trouille britannique, façon Les Innocents, L’Orphelinat... ce qui est complètement différent. D’où les fantômesC’est une peur primale, comme la peur de l’eau ou la peur du noir - ce qui joue un grand rôle dans le film par ailleurs. Pour un metteur en scène c’est génial : tout est question de subtilité, de dosage. C’est un bord de cadre qui bouge, une ombre qui glisse dans le noir... Visuellement, c’est ça qu’on voulait vraiment travailler.Comme le son ? Evidemment ! L’idée c’était de jouer sur l’économie. Less is more comme on dit. Je voulais challenger le spectateur; qu’il soit constamment avec le héros. Qu’on entende sa respiration, le bruit de ses pas. Je ne voulais pas noyer les gens sous un déluge de sons et d’images - comme c’est le cas aujourd’hui dans les blockbusters américains. C’est un film très tenu, très laid back, pour l’atmosphère. Dépouillé. Le sound design était du coup essentiel pour la construction de la tension : les gens devaient tendre l’oreille, s’approcher de l’écran presque physiquement, pour pénétrer dans l’histoire; qu’ils fouillent l’obscurité des plans pour... BOUM que je puisse les surprendre quand il faut !Vous aviez des références précises ? On parlait des Innocents...Comme disent les philosophes, “On est ce qu’on mange” et c’est évident que, inconsciemment, j’ai dû faire références à des films qui m’ont marqué. Je connais le genre, et on parlait des Innocents de Clayton : il y a des techniques auxquelles on ne peut pas échapper...  C’était la référence absolue ? Oui et non. Les techniques de frousse sont différentes aujourd’hui : on ne pourrait plus faire un film au rythme aussi lent; les gens s’ennuieraient ! La Dame en noir a peut-être un rythme lent comparé aux standards contemporains, mais il n’est pas aussi lent que les films des 60’s. Et puis la grande différence, c’est que je tenais à jouer sur les couleurs, la saturation des noirs et la profondeur des contrastes. Je voulais que les dominantes soient des couleurs de mort et de destruction. Si on regarde les classiques du genre, on se rend compte que la plupart sont monochromes et évacuent très vite le problème des couleurs. Au contraire : parce que c’était un film Hammer, je voulais me rapprocher de la palette de Terence Fisher, son technicolor soyeux et claquant ! Ou certains films 70’s de  Dario Argento. Trouver l’équilibre juste fut très compliqué. Et vous n’avez jamais eu peur que Radcliffe détruise cet équilibre ? Parce que, un acteur de ce calibre, de cette notoriété et avec son histoire emmenait forcément le film dans une autre dimension Evidemment, et ce serait mentir de dire que je n’y ai pas pensé ! Je ne pouvais pas faire l’impasse sur le rapport que les gens ont établi avec Dan pendant ses 10 ans de Potter... Mais au fond, pour un casting, l’équation est simple : c’est un rôle, un acteur. Et la question à se poser c’est : est-ce que ça matche ? Quand j’ai rencontré Dan j’ai vu que c’était pour lui : il est malin, déterminé, et il voulait changer de registre, surprendre les gens. Quand on a parlé du rôle, on s’est rendu compte qu’on y voyait la même chose : il avait compris le sentiment de deuil, de chagrin, qu’il devrait trimballer. On a beaucoup travailler sur son look, je voulais qu’il ait l’air différent de son image Potter, qu’il amène quelque chose de neuf...C’est pour ça qu’il n’a plus de lunettes ? Ah ah ah. C’est un peu ça ! Mais sérieusement, je voulais qu’il amène un sens de la maturité et de gravité qu’il n’avait pas encore fouillé à l’écran. Et je suis très fier de ce qu’il a donné ! La Pottermania sera toujours là, mais si tu réfléchis en terme d’acting, alors il est parfait.Propos recueillis par Pierre LunnLa bande-annonce de La Dame en Noir qui sort en France le 14 mars prochain :