Avec la fougue de sa jeunesse, Izïa Higelin compose une Camille Claudel loin des stéréotypes dans Rodin.
Vous tournez peu. Qu’est-ce qui vous pousse à accepter un projet ?
Vous voulez dire à part le scénario, le réalisateur, les acteurs, le rôle, tout ça ? (rires) Tout le monde a l’impression que je fais d’excellents choix mais c’est parce qu’on m’en offre la possibilité. Jouer Camille Claudel dans un film sur Rodin par Doillon ne se refuse pas, en l’occurrence.
Vous recevez de tout ?
Particulièrement du cinéma d’auteur car c’est ce qui me plaît. J’adorerais jouer dans une comédie populaire car j’ai une nature super drôle ! (rires) Je n’en ai pas encore lu qui me fasse envie. Peut-être que je l’écrirai un jour. Une comédie d’aventures, tiens.
Avez-vous passé un casting pour Rodin ?
Jacques m’a appelé pour me rencontrer. Il a commencé par me parler de Rodin et de Camille, de leur passion… Durant trois heures, j’ai bu ses paroles… A la fin de l’entretien, il m’a dit qu’il m’enverrait le scénario si j’étais d’accord. Très bien, chanmé, allons-y !
Comment vous a-t-il parlé de Camille ?
Je précise que je n’ai pas vu le Camille Claudel de Bruno Nuytten avec Adjani ni celui de Bruno Dumont avec Binoche.
Et pas vus depuis ?
Non.
Pourquoi ?
Ca ne sert à rien de se faire « polluer » par ça. J’attends que la promo et la sortie soient derrière moi pour les regarder. Je n’ai pas envie de me retrouver à comparer ma prestation avec celle d’Adjani. Pour moi, incarner un personnage historique, c’est incarner un personnage tout court, chacun en a sa vision. Les gens du Musée Rodin m’ont déclaré qu’ils étaient contents de ma Camille. Ils l’ont trouvée ancrée dans la terre et solaire. C’était une femme extrêmement moderne qui collectionnait par exemple les revues de mode. En général, je ne compose jamais de personnages trop loin de moi.
Doillon vous poussait vers ça ?
Oui. Il trouvait ça très bien que je n’ai pas vu Adjani et Binoche qui ont incarné la Camille souffrante. Il voulait une Camille vivante tout en ayant en tête ce qu’elle allait devenir. J’ai lu beaucoup sa correspondance pour m’en inspirer.
Prendre une rockeuse, par essence extravertie et remuante, pour jouer une sculptrice, c’est amusant.
La scène, pour moi, est la meilleure école qui soit. Tenir un concert pendant trois heures, ça te donne de la force. Je me sens invincible sur scène. Cette confiance m’aide sur un plateau où, là, au contraire, je suis en fragilité. Pour jouer Camille, c’était important : c’est quand même quelqu’un qui a réussi à impressionner Rodin. Elle avait une aura et une assurance incomparables. Il fallait lui donner cette dimension-là.
C’est une créature qui bouillonne à l’intérieur, qui est en retenue. Bref, c’est un vrai travail de composition.
Jouer avec un corset, ça aide d’emblée à avoir une contenance. Mes bras étaient comme encombrés, ma gestuelle en était modifiée.
Comment on fait passer la sensualité dans ce cadre très strict ?
Dans le regard. Dans l’intensité. Pour moi, il y aura un avant et un après Rodin. Je n’ai plus le même rapport à mon métier de comédienne.
Pourquoi cela ?
Avant, j’avais l’impression désagréable que mon travail m’échappait. Quand tu es musicienne, tout t’appartient, tu es maître de ton œuvre. Au cinéma, c’est dur de s’abandonner et de donner les clés à quelqu’un d’autre. Avec Rodin, j’accepte enfin cette part d’abandon. Je suis fière du travail accompli. Et ravie d’aller à Cannes pour la première fois !
Vous allez pousser la chansonnette pour fêter ça ?
Non, trop de choses à faire ! Le film sort le même jour que la présentation à Cannes, donc on aura la soirée chiffres sur place… Je sais que les Naive New Beaters, avec qui j’ai fait un duo, se produisent lors d’une fête, je passerai peut-être une tête.
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