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L’interview controversée de Joaquin Guzman pour Rolling Stone pourrait suivre l’acteur pendant un bout de temps.

Organisée par le biais de l’actrice Kate Del Castillo le 2 octobre 2015, l’entrevue de Sean Penn et de Joaquín Guzman alias El Chapo, publiée samedi dernier sur le site de Rolling Stone, aurait aidé le gouvernement mexicain à capturer le baron de la drogue vendredi 8 janvier 2016. Il était alors en cavale depuis 6 mois après son évasion de prison en juillet dernier.

Le prétexte de cette rencontre improbable ? Le cinéma. Les autorités mexicaines ne s’étalent pas beaucoup sur l’arrestation de Guzman, mais selon le site mexicain Sin Embargo“la capture d’El Chapo a été possible grâce aux contacts qu’il avait établis pour réaliser un film autobiographique”. Visiblement en quête de gloire, le narcotrafiquant le plus recherché du monde précise au début de son interview que celle-ci est "exclusivement réservé à Kate Del Castillo est à Sean Penn" et pense que cette rencontre servira plus à un projet de biopic à son sujet qu’à sa chute.

Ceci étant dit, Sean Penn pourrait néanmoins être confronté à quelques soucis judiciaires. Si Floyd Abrams, l’un des plus grands avocats du droit de la presse interrogé dimanche dernier par l’AFP, affirmait exclure toute possibilité de poursuite pénale contre l’acteur hollywoodien et activiste de gauche, les médias ne sont pas aussi formels. D’après La Jornada, un quotidien de Mexico (via Variety), le procureur général aurait lancé une enquête pour savoir si Sean Penn et Del Castillo (star de télénovela très populaire au Mexique) ont commis une faute en rencontrant le fugitif sans vraiment en avertir le gouvernement. Les deux acteurs n’ayant pas le statut de journaliste, le droit de protéger leurs sources pourrait être remis en question. Le New York Post affirme d’ailleurs que les procureurs new-yorkais cherchent déjà de quoi pouvoir fouiller le portable de l’acteur oscarisé afin de pouvoir remonter à ses échanges de messages avec Guzman.

Toujours selon Variety, même s’il se défend en faisant valoir qu’il a rencontré le criminel dans le cadre d’une enquête pour Rolling Stone (donc en tant que journaliste), Sean Penn ne serait pas complétement à l’abri d’une citation à comparaître, dans l’hypothèse où Guzman serait extradé aux Etats-Unis. Dimanche dernier, le ministère de la Justice mexicain a lancé le processus d’extradition du baron de la drogue, mais selon la procureure mexicaine Arely Gomez, la procédure sera longue, entre "au moins un an et cela pourrait aller jusqu’à cinq ans".

Largement controversée, l’affaire soulève bien d’autres questions d’un point de vue éthique, à commencer par la déontologie de l’interview, soumise à El Chapo pour validation avant sa publication sur Rolling Stone (précisé en haut de l’article). Un peu simplet, le style littéraire utilisé par l'acteur dans son récit est, lui aussi, montré du doigt par la presse internationale ("El Chapo a fait le pari qu’il pouvait nous faire confiance sans se faire baiser'" ou encore "A ce moment, alors qu’El Chapo me salue, je lâche un petit gaz"). Le Washington Post qualifie l’interview d’ "insulte épique" tandis que le Dallas Morning News compare la rencontre entre l’acteur et le baron de la drogue à du "divertissement hollywoodien". Moins nuancé, El Universal va jusqu’à accuser l’acteur de faire "l’apologie d’un criminel"