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Abel et Gordon réagissent à notre liste de films à voir avant le leur.

Dans Paris pieds nus, fidèle à son style burlesque très graphique et physique, le couple belgo-canadien Abel et Gordon filme une étrangère (elle) à la recherche de sa vieille tante malade perdue dans Paris. En chemin, elle rencontre un SDF lunaire (lui). Avec, parmi les seconds rôles, la regrettée Emmanuelle Riva et le précieux Pierre Richard.

Le Soupirant (Pierre Etaix, 1963)

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A la demande de ses parents, un homme part en quête d’une femme et va de désillusions en désillusions. Le premier chef d’oeuvre de l’élève de Jacques Tati.Abel et Gordon : « A nos débuts, au théâtre, dans les années 80-90, nous expérimentions des choses avec des petites caméras vidéo mais ce n’était pas satisfaisant. On trouvait par ailleurs les captations théâtrales super moches. Bref, nous en avions conclu qu’il fallait écrire pour la caméra mais nous ne savions pas comment adapter notre univers coloré et clownesque à l’écran. Un ami réalisateur nous a alors suggéré de regarder Le Soupirant : ça a été le déclic. En voyant ce film, on a compris qu’il n’y avait pas de limites à se fixer. Ca nous a libérés. Pour des néophytes comme nous, le langage d’Etaix était plus accessible que celui de Tati. »

La ruée vers l’or (Charles Chaplin, 1925)

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Le clochard, la misère sociale, l’art du muet… E la fameuse danse des petits pains remise au goût du jour par Emmanuelle Riva et Pierre Richard, qui font swinguer leurs… pieds.
Abel et Gordon : « On s’est dit que nous pouvions désormais nous permettre des clins d’œil aux grands maîtres. La comparaison ne nous fait plus peur. On n’a pas eu le sentiment de copier mais de s’approprier : il y a toujours eu cette idée de transmission et d’actualisation chez les clowns depuis les débuts du music-hall qui puisait lui-même beaucoup dans le mime et la Commedia dell’arte. Chaplin est par ailleurs un monument au niveau du récit, difficile de ne pas s’en inspirer. »

Amour (Michael Haneke, 2012)

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Emmanuelle Riva dans son plus beau rôle, celui d’une vieille femme luttant contre la maladie. Même chose dansParis pieds nus mais en plus… joyeux.
Abel et Gordon : « La dépendance ou la maladie s’invitent dans nos vies à tous, surtout quand on a des parents âgés, ce qui est notre cas. C’est un choix difficile, voire cruel, de prendre en charge ou pas un proche. On trouve que celui qui a abordé cette question de la manière la plus touchante qui soit est Asghar Farhadi dans Une Séparation que nous avons revu pour l’occasion. Il paraît qu’il a écrit le film en pensant à son vieux père malade dont il s’occupait. » 

Zazie dans le métro (Louis Malle, 1960)

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La petite Zazie veut prendre le métro mais se perd dans Paris. Une patacomédie assez unique dans le cinéma français.
Abel et Gordon : « On l’a revu avant de tourner. Les couleurs, le mouvement, cette manière de filmer la Tour Eiffel… Il y a une vie et une vitesse incroyables dedans. Le voir nous a décidés à abandonner un peu les cadres fixes. La légèreté des caméras numériques, que nous utilisions pour la première fois, favorise la mobilité de toute façon. Nous avons attendu jusque-là car le matériel antérieur n’était pas assez satisfaisant au niveau du rendu des couleurs. »

L’Atalante (Jean Vigo, 1934)

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Le triomphe de l’esprit anar, du réalisme poétique et du cinéma. Au-delà de ça, un film au fil de l’eau tout comme Paris pieds nus, tourné principalement sur les quais de Paris.
« On adore ce film mais on ne l’avait pas vu depuis longtemps. Puis, en regardant le documentaire de Tavernier, Voyage à travers le cinéma français, qui contient un extrait de L’Atalante, on s’est rendus compte qu’on lui avait piqué inconsciemment une scène : celle où les deux amants font l’amour par rêves interposés. Nous l’avons cependant tournée différemment. Vigo a fait des surimpressions pour suggérer la chose tandis que nous avons recouru au split screen. »