On mentirait en disant qu’on s’y attendait. Bien sûr, à l’annonce des nominations le 28 janvier dernier, où il figurait dans le trio de tête des films les plus cités, Timbuktu avait aussitôt revêtu l’habit de l’outsider qu’il était déjà à Cannes – d’où il était reparti presque bredouille, un Prix du Jury Œcuménique en guise de consolation. Bien sûr, on sentait bien que, le soufflet de l’émotion n’étant pas retombé suite aux ignobles attentats du 7 janvier, il pourrait incarner aux yeux des votants un acte de résistance contre la barbarie. Cette fois-ci, ce réquisitoire contre l'intégrisme prenait un autre sens. Mais de là à récolter les César majeurs (photo, scénario, film, réalisateur), il y avait un pas que le critique n’aurait pas franchi.
Loin de nous l’idée de remettre en cause les qualités de Timbuktu, drame imparable sur les dérives du djihadisme en Afrique Noire que Sissako aborde sur un mode tantôt poétique tantôt symbolique qui fait sa force tranquille. Ce film est une oeuvre forte, intelligente, courageuse. Et son immense succès en France (760 000 entrées à ce jour, peut-être à terme le million grâce à « l’effet César ») prouve par ailleurs qu’il véhicule des idées humanistes universelles et fédératrices que Sissako a réactivé dans ses vibrants remerciements qui célébrèrent la France, "ce pays magnifique capable de se dresser contre l'horreur". Timbuktu n’a objectivement volé aucun César.
Mais les votants ne se sont-ils pas aveuglés ? La question est posée, surtout lorsqu’on voit le niveau de la concurrence : si Les Combattants s’en est bien sorti (trois César, dont ceux du meilleur premier film et de la meilleure actrice), Saint Laurent et Hippocrate méritaient mieux qu’un accessit chacun. Une forme de conscience politique s’est d'abord exprimée dans les votes, jusqu'au prix de l'excellent Reda Kateb, primé pour son rôle dans Hippocrate où il incarne la lutte contre la discrimination et la voix des exclus.
Jeunesse et vitalité
Pour le reste, on retiendra le triomphe de la jeunesse. Celle de Dolan qui emporte le César du meilleur film étranger avec Mommy. Et surtout celle mise en avant par Pierre Niney dans son très beau discours de remerciement. L’acteur d’Yves Saint Laurent et Adèle Haenel (Les Combattants), tous deux distingués dans la catégorie interprétation, représentent l’avenir d’un cinéma français qui ne s’est jamais aussi bien porté. Sa vitalité et sa diversité, son attractivité et son prestige (voir l’émotion de Kristen Stewart, auréolée du César du meilleur second rôle qu’elle tient dans Sils Maria…) n’ont échappé à personne, surtout pas à l’inévitable Abderrahmane Sissako ni au vénérable Volker Schlondorff qui ont redit tout ce qu’ils doivent à nos techniciens et à nos producteurs.
Christophe Narbonne (@chris_narbonne)
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