Toutes les critiques de Tardes de soledad

Les critiques de Première

  1. Première
    par Thomas Baurez

    Un visage insondable presque mutique contredit par tout un corps quasi nu qui se contorsionne devant une glace façon statue grecque. Par ses torsions, les muscles renvoient une énergie palpable, sondent l’idée même d’une perfection à la Michel-Ange. Le torero star Andrés Roca Rey, 28 ans, baigne dans un monde ritualisé, sculpté où le simulacre se voit constamment opposé à une force animale propre à le décharner. Tout ce qui précède l’entrée en scène (l’arène) répond ainsi à une mise en condition religieuse où le corps souverain aurait à la fois conscience de sa transcendance et de sa fragilité. Chaque blessure aura l’allure d’un stigmate christique. Albert Serra (Pacifiction) signe ici son premier documentaire et isole cet être prisonnier d’une bulle où s’affaire tout un monde prêt à se sacrifier pour lui. Le hors-champ est immense, rendu non seulement pas un cadrage très resserré mais surtout une spatialisation déroutante par le son. Là où le récent Gladiator 2 de Ridley Scott faisait de l’arène un lieu de surenchère, Serra tout à son sujet nous plonge par immersion et soustraction au plus près d’une tension extrême. Il saisit les mystères d’une chorégraphie entre l’homme et un taureau où la beauté que d’aucuns diront sacrilège, est souillée par ceux-là même qui entendent la façonner. Le public exclu du cadre ne renvoie donc rien du spectacle laissant au spectateur la seule prise en charge du regard. D’où ces plans vertigineux de proximité dans la voiture qui ramènent le torero loin de la foule déchainée. Impressionnant.