-
Téhéran, de nos jours. Un groupe de préadolescentes voilées marchent dans la rue en se chamaillant, les yeux rivés sur leurs portables, quand soudain un attroupement les détourne des préoccupations de leur âge (mecs et « likes ») ; elles s’approchent et découvrent, horrifiées, une tête coupée sur le trottoir, portant sur le front l’inscription « cochon » en persan. Claquant la porte au réalisme social iranien, Mani Haghighi (huit films à son actif) choisit le cadre de la comédie sanglante pour dérouter d’un même geste les censeurs et nos attentes. À notre connaissance, Pig est le premier film à s’attaquer aussi frontalement au système, avec cette histoire de tueur en série qui élimine les cinéastes, à l’exception de ceux qui sont blacklistés. Ne pas être dans son viseur, c’est le drame existentiel qui ronge Hasan Kasmai (Hasan Ma’juni), artiste en mauvaise posture, obligé de tourner sous contrôle des pubs absurdes, lâché par son actrice fétiche, attaqué sur les réseaux sociaux et dépassé par son ennemi juré au sein de l’intelligentsia. À travers cet antihéros aussi charismatique qu’imbuvable, dont l’ego est inlassablement brusqué (avec une ferveur qu’on qualifierait presque de « latine »), c’est l’hypocrisie de tous qui est pointée d’un doigt sarcastique. Pires que l’État et ses sbires (dont un vieux flic impassible à fort potentiel comique), il y a les trolls d’internet et les auteurs mégalos qui se drapent dans leur aura de martyrs. Le sarcasme est brutal, la provocation cinglante, et on ne regardera plus le cinéma iranien du même œil.