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Emmené par le poids lourd Depardieu (magnifiquement touchant en vieux lion bouffi dont la crinière blonde ondulée évoque le Mickey Rourke de The Wrestler) et la diva Adjani (énigmatique apparition buñuelienne d’une mort annoncée),
Mammuth confirme l’aura grandissante des deux cinéastes « grolandais », qui ne se renient pas pour autant : chez ces porte-parole de la « France d’en bas », ces chantres de l’anti-« blingbling », les patrons, les femmes fatales et les brutes épaisses sont détrônés par les médiocres au coeur tendre, les fantômes de jeunesse et les handicapés rêveurs. Avec leur sens de l’observation décalé, Kervern et Delépine brossent des portraits rabelaisiens de laissés-pourcompte et filment quelques morceaux de bravoure, tel cet hommage dingo à 1900 de Bertolucci, instantanément culte. Mais Mammuth (titre qui fait référence à une moto allemande mythique, la Münch Mammut 1972, équipée d’un moteur de voiture et que pilote Serge Pilardosse) ne se réduit cependant pas à des vignettes trash et à une critique en règle du capitalisme. Preuve de la maturité du duo, l’émotion et la poésie paraissent moins plaquées et artificielles que d’ordinaire.
Toutes les critiques de Mammuth
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Le film franchement bouleversant, est porté par un extraordinaire Depardieu, que l'on a rarement vu aller aussi loin. Aux côtés de la géniale Yolande Moreau, il s'impose, avec beaucoup de tendresse, dans la peu de ce "géant tout doux à l'intérieur".
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La vision de la société par les deux cinéastes est, comme toujours, d'une acuité terrible. Pour autant, ils n'oublient pas l'utopie (thème récurrent de leurs films) et une autre forme de lutte contre la précarité: l'ouverture aux autres et l'enrichissement culturel. Quand Mammuth découvre l'art, le film bascule dans la fable allégorique.
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Dans Mammuth, la simplicité du pitch (un boucher part sur les routes à la recherche de papiers lui assurant la retraite), des personnages (leur nature : jamais ils ne réfléchissent), l’ajustement de la mise en scène concourent à faire monter une incrédulité de fond et un comique sans appel.
Le danger de la monotonie est contré par l’arrivée de la fatalité, de la tendresse et du tragique, qui tous trois ont des visages de femmes : Anna Mouglalis, Yolande Moreau, Isabelle Adjani, icônes de ce monde à l’ancienne où les hommes mi-gourds, mi-hallucinés, les pieds dans la boue et la tête dans les cieux, pratiquent une forme de saint-sulpicianisme trivial. La rédemption est dans le boudin, pourquoi pas ? -
Cocktail énergisant d'humour grolandais, de réalisme social et de surréalisme narratif, cette comédie poétique, saupoudrée d'un zeste de mélancolie amère et de désillusion fataliste, offre à un Gérard Depardieu, métamorphosé en avatar flamboyant de Mickey Rourke dans The Wrestler, un rôle colossalement humain. Unique dans le paysage cinématographique français, ce film vous promet une virée mémorable, parsemée de trouvailles.
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"Maintenant que t'es à la maison 24 heures sur 24, t'as prévu quoi?" demande l'épuse à son néo-retraité de mari. C'est cruel, mais le couple Yolande Moreau/Gérard Depardieu a quelque chose d'infiniment poétique. Par les transfuges de Groland, un film bizarroïde, drolatique, réussi.
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La mort, ultime station des bikers et des retraités, est le point de fuite de ce Mammuth qui, s'il ne dégraisse pas le système social français, est la preuve la plus évidente que Benoît Delépine et Gustave Kervern sont des cinéastes avec lesquels il faudra compter.
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Filmée en super-16, format souvent réservé au documentaire et permettant de tourner en équipe légère, cette fantaisie oscille entre drôlerie et gravité notamment grâce à ses personnages féminins. Yolande Moreau, venue de la troupe des Deschiens, est en état de grâce et Isabelle Adjani, méconnaissable en victime d'un accident du passé.
La force du film vient cependant de Depardieu lui-même, qu'on n'avait pas vu aussi bon depuis bien longtemps. -
Un «Mammuth» en liberté, ça ne ressemble à rien de connu dans le cinéma français. Pour obtenir cette image à gros grain, délavée, Delépine et Kervern, les fous furieux de «Groland» (Canal+), sont allés pêcher une pellicule improbable, utilisée dans les JT il y a quarante ans... Pour le reste, on commence à les connaître : un petit budget (2 millions d'€), un tournage qui laisse la place à l'aventure, des dialogues aux petits oignons, des vrais acteurs et des vrais gens. La merveilleuse Yolande Moreau joue la femme de Depardieu, Isabelle Adjani fait une apparition en fantôme de son premier amour, Benoît Poelvoorde, Bouli Lanners, Anna Mouglalis en sont également, sans oublier l'étonnante Miss Ming, autiste et poétesse.
Drôle, dingue, engagé, généreux, trash et mélancolique, «Mammuth» a été taillé sur mesure pour Gérard Depardieu. Qu'il s'engueule avec un vendeur de jambon ou se pique d'exposer sa nudité au soleil, le géant déborde de force et de douceur mêlées et nous prouve, si besoin, quel interprète sublime il demeure. Apparemment, l'intéressé s'est bien amusé : ça lui a rappelé «Les Valseuses»... -
Les annotations judicieuses sur l'état de la société contemporaine, le laminage de la culture ouvrière et de la culture tout court, la ruine de la solidarité et de la dignité de classe, le désamour du travail bien fait, la tristesse du paysage contemporain, la dématérialisation informatisée du monde, tout cela est parfait.
Le film va pourtant plus loin. En affublant Pilardosse de la présence à ses côtés du fantôme d'un amour de jeunesse (Isabelle Adjani), il reconstitue en creux le couple d'acteurs de Barocco (1976), d'André Téchiné, et se transforme en une émouvante méditation mélancolique sur le temps qui passe, sur la dépossession du monde, sur le cinéma comme enregistrement poétique de la mort au -travail.
Sous la trivialité pachydermique de cette balade, Gérard Depardieu se révèle comme ce qu'il n'a jamais cessé d'être : un immense acteur romantique, en mal d'amour et de tendresse. -
A l’instar de leur personnage, ils [les réalisateurs] remontent le temps pour offrir au grand Gérard une seconde jeunesse. Ils partent de la caricature symbolique peu flatteuse qui associe l’acteur à la figure porcine en sachant bien que le comportement « rustique » et les prestations télévisuelles avinées de l’acteur font partie de l’inconscient collectif. Cette image vole ensuite en éclats pour nous prouver que, oui, Depardieu a encore beaucoup de choses à nous apporter. Son interprétation de ce personnage qui s’ouvre sur le monde, naïf sans être idiot et ayant gardé une part enfantine salutaire, est tout bonnement magistrale. Il honore un rôle en or, celui d’un homme inadapté à son environnement, que le travail a peu à peu déconnecté du monde, et qui refait enfin ses premiers pas avec la maladresse touchante d’un « mammouth » dans un magasin de porcelaine.
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Mammuth n'est pas un chef-d'oeuvre. Il y a des scories, de petites âneries même, comme il y a des coups de force incroyables - une scène de masturbation entre cousins sexagénaires, à la recherche de leurs joies adolescentes : on dirait le remake tout cabossé d'une séquence de 1900, de Bertolucci, avec De Niro et Depardieu, déjà... Mais la grande réussite de Delépine et Kervern, c'est de redonner à un mythe vivant, souvent égaré toutes ces dernières années, un monde de cinéma qui lui convient absolument et auquel il fait, en retour, don absolu de lui-même. Mammuth est l'un de ces films, finalement rares, qui font, au sens plein du terme, aimer un acteur.
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Humour surréaliste et cynique des créateurs de Groland pour une fable qui dénonce l’hypocrisie sociale et la bêtise humaine. On rit beaucoup des rapports de couple détonants entre Gérard Depardieu et sa femme, Yolande Moreau, comme des apparitions burlesques de Benoît Poelvoorde en chercheur de métaux ou d’Anna Mouglalis en arnaqueuse boiteuse. Mais l’émotion prend vite le pas dans ce road-movie aux envolées poétiques (avec Isabelle Adjani en fantôme du passé). Grâce à Depardieu, d’une légèreté infinie malgré sa silhouette massive. Sobre, il dégage une formidable humanité dans la peau d’un homme simple, qui réapprend à vivre en renouant le dialogue avec les autres.
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On peut bien sûr déplorer un récit un peu décousu, des scènes sans queue ni tête, mais il n'est pas un moment sans surprise, sans rire, ou qui ne soit porteur d'une certaine beauté.
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Potache, poétique et politique, ce road-movie des points retraite croque l’absurdité du monde du travail, éructe son amour pour les vieux et les laissés-pour-compte dans une France où rôdent les jeunes aux dents longues, et réinvente Depardieu, tignasse de Viking façon Mickey Rourke dans "The Wrestler", avec pastis mais sans pathos.
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Si le début du film est parfois drôle, il s'effondre quand Serge enfourche sa moto, une "Mammuth", pour faire la tournée de ses anciens employeurs et compléter son dossier de retraite. (...) Il y a quelque chose d'une imposture dans la manière dont Kervern et Delépine s'affirment en derniers aventuriers libertaires, posant drapés dans leur certitude de faire de la poésie seuls contre tous, seuls contre les cons.
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(...) le plus agaçant n'est pas là, résidant au cœur de cette prétention à la « poésie » crade, affichée à chaque plan : image granuleuse en 8mm, onirisme de pacotille en couleurs délavées, jump-cuts et freaks à tous les étages, formant alors un véritable bréviaire du borderline pour les nuls.
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Pas de doute, le cinéma semble ici une affaire trop sérieuse et trop noble pour être tournée en dérision. D'ailleurs, à l'instar de Depardieu, historiquement plus anar que ses cinéastes, les stars grouillent dans le film comme un troupeau de vaches sacrées. On ne les compte plus : Poelvoorde, Siné, Anna Mouglalis, clairement là pour marteler la pellicule de leur présence. Sommet, Adjani en figure de l'amour éternel de Depardieu, dans un exercice de pure célébration compassée, pas loin, dans l'esprit d'un hommage aux Césars. De quoi s'assurer de l'intention première de Mammuth, cure d'encanaillement pour people, pass VIP pour comiques télé ivres de reconnaissance.