- Fluctuat
Les fans de Lou Ferrigno pourront aller se rhabiller. Pour aimer le Hulk de Ang Lee, il vaut mieux avoir lu les oeuvres complètes de Jean Piaget que d'avoir suivi pas à pas la carrière feuilletonesque du Géant Vert.
Le réalisateur de Tigre et Dragon a en effet privilégié, pour son premier film américain (merci le pool de scénaristes), une approche complètement originale des aventures du docteur Banner, celle d'un héros qui n'aurait pas franchi le stade bien connu de la fusion de l'enfant et de sa mère. Donc de la fusion entre lui et le monde. Aussi, nous livre-t-il, en lieu et place d'un Hulk en colère contre la société, qui avait donné les meilleurs moments du feuilleton, un Hulk infantile, gaga et capricieux mais aussi décomplexé, jouissif et sans retenue. Alors que le Banner du feuilleton craquait le jean à la moindre contrariété et s'imposait comme l'incarnation de ce qu'à peu près n'importe quel être social rêverait de faire (saccager son bureau en représailles contre un patron débile, exploser la voiture d'un chauffard qui nous fait une queue de poisson, ou arracher la tête d'un mec qui nous double dans la fille d'attente de chez Décathlon), celui de Ang Lee ne se met vraiment en rogne que lorsqu'on essaie de le priver de sa maman (ou de sa petite copine, ce qui revient au même ici, tant l'une et l'autre se ressemblent et sont dénuées de tout sex-appeal) ou de lui faire comprendre qu'il n'est pas seul au monde.Orphelin de père et de mère au début du film, le jeune chercheur Bruce Banner découvre, en mettant bout à bout ses cauchemars, qu'il a été modifié génétiquement par son paternel (l'excellent Nick Nolte), lequel a pris la poudre d'escampette après avoir voulu faire la peau de son « petit monstre » (et tué sa môman par accident). Exposé à une dose qu'on nous dit impressionnante de nanotrucs nucléaires, le jeune homme se met à s'énerver tout vert quand on essaie de lui prendre son joujou (son laboratoire) et engage une course poursuite hallucinante pour échapper à son beau-père, un général d'armée impeccable dans sa personnification de la loi et de l'autorité. Son papounet, lui-même totalement immature et animé par le même désir de complétude avec la Mère Nourricière (il fusionnera successivement à la fin du film avec les 4 éléments), essaiera de buter sa copine avec des Caniches Cannibales avant de lui proposer un duel qui, s'il ne peut pas être un concours de bites (pour cause, ces deux-là n'en ont pas) ressemble à la compétition que se livreraient deux enfants en première année de maternelle pour une poitrine pleine de lait.Pour un blockbuster estival, Hulk manque totalement de pêche et de crédibilité mais jamais de ressort. Sa faiblesse (la psychologie difficile à gober des personnages enfants) est contrebalancée par sa description incroyable de l'état, jamais abordé à notre connaissance, d'un superhéros qui serait totalement satisfait par l'exercice de son « pouvoir » et dont la seule ambition serait de finir à genoux rikiki devant sa copine (ce qu'il parviendra à faire après une bonne séquence de baston à San Francisco). Hulk n'est jamais frustré, rarement contrarié, mais s'épanouit en faisant des bonds de cabri dans le désert, en cassant des tanks Majorette avec les fesses, en jouant avec ses gros orteils ou en courant dans un cirque rocheux en forme de piste d'athlé pour échapper à des roquettes d'hélicoptère. Le spectateur chanceux pourra, entre deux scènes molasses, chercher à retrouver cette joie lointaine où il ne se percevait pas comme sujet et où sa liberté était totale. Hulk est totalement régressif, bien aidé par des effets spéciaux grossiers, et sa couleur verte improbable. Il peut procurer un plaisir immense et un sentiment d'euphorie qu'il serait bête de laisser de côté, comme il pourra ennuyer mortellement ceux qui s'attendaient (légitimement) à un déluge d'outrages à la norme sociale.Histoire de ne pas mourir idiot, on conclura en précisant que notre thèse est corroborée par le fait que Hulk ne craque jamais son short (ce qui prouve bien que sa bite est la seule à ne pas enfler pendant la métamorphose - Hulk a forcément une petite queue, c'est une info) et que sa couleur vert fluo vient tout simplement d'un problème technique : les imprimeurs de chez Marvel n'arrivaient pas à rendre le gris poisseux qui était sa couleur originale, ce qui avait obligé son créateur, le divin Stan Lee, à en choisir une autre. Connerie pour connerie, son choix s'était porté sur ce vert (qui nous vaut un joli plan final et un possible HULK 2 en Amazonie) qu'il allait partager un peu plus tard avec le roi du Maïs.
Hulk vaut donc le coup à défaut d'en être un bon.Hulk (The Hulk)
Réal. : Ang Lee
Etats-Unis, 2h 20 mn, 2002
Avec Eric Bana, Jennifer Connelly, Nick Nolte, Sam Elliott, Josh Lucas...
Date de sortie : 02 Juillet 2003
- Le site officiel du film : www.thehulk.com.