Première
Si les films de folk horror se reposent parfois uniquement sur une culture et des pratiques inconnues du personnage principal pour faire surgir le réel, Enys Men se distingue radicalement par son recours quasi exclusif à la nature, libérée de toute communauté. Sur une île dans les Cornouailles, une femme observe et étudie une plante, au jour le jour, et écrit dans un précieux carnet son état, stable : « no change ». Il est difficile de ne pas penser à la Jeanne Dielman de Chantal Akerman tant cette femme, seule, répète chaque jour les mêmes gestes dans le même ordre, et lutte contre un dérèglement de son quotidien dont elle ne comprend l’origine. Peu à peu, la nature de l’île semble reprendre ses droits, et il suffit d’un raccord ou d’un indice sonore pour la découvrir sous un autre jour, hostile. Sur cette fleur que l’on pensait immuable, se mirent à pousser les fleurs du mal.
Nicolas Moreno