Le deuxième volet de la saga a eu un énorme succès. Décryptage.
Mise à jour du 29 mai 2017 : TMC diffusera ce soir à 21h Le Secret du coffre maudit, deuxième épisode des Pirates des Caraïbes et plus gros succès de la saga. Durant l'été 2015, nous l'avions analysé dans le cadre de notre dossier 40 ans de blockbusters. Depuis, un nouvel épisode est sorti (le n°5 : La Vengeance de Salazar) et un reboot est à l'étude chez Disney, sans Jack Sparrow/Johnny Depp.
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Actualité du 20 août 2015 : Un peu comme la saga Shrek chez Dreamworks, Pirates des Caraïbes a connu un grand succès, mais c'est sa suite directe qui a battu tous les records. Le Secret du coffre maudit, sorti en 2006, trois ans après La Malédiction du Black Pearl, est le premier film produit par Disney à avoir passé la barre symbolique du milliard de dollars dans le monde. Depuis, le quatrième épisode de la franchise a renouvelé l'exploit, tout comme Alice au Pays des Merveilles avec Johnny Depp en 2010, Avengers, sa suite et Iron Man 3 côté super-héros ou encore La Reine des Neiges et Toy Story 3 en animation. La firme a eu tellement de cartons énormes ces derniers temps qu'on a du mal à croire qu'il y a 9 ans, Pirates des Caraïbes 2 était le premier du groupe à atteindre un tel niveau (il fut un temps le troisième plus gros succès de tous les temps derrière Titanic et Le Retour du Roi).
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"Soit c'est du génie, soit c'est de la folie"
Pour bien parler de ce deuxième épisode, il faut bien sûr partir de l'original. On sait que sa gestation a été plutôt compliquée : au début des années 2000, Disney veut décliner l'une de ses attractions en long-métrage. Deux sont choisies : les Pirates des Caraïbes, qui existe depuis 1967 au Disneyland de Californie, et la Maison Hantée (un film sorti en 2004 avec Eddie Murphy a fait un flop). Le problème des pirates, c'est que s'ils fascinent les réalisateurs depuis le début de l'histoire du cinéma, ils font généralement peu recette. En plus, le studio souhaite en tirer un long-métrage qui soit pour toute la famille, tout en reprenant les thèmes incontournables de la piraterie. Qui sont tout sauf enfantins !
Jerry Bruckheimer, connu pour ses productions explosives de blockbusters de Michael Bay (notre analyse d'Armageddon est là) arrive assez rapidement sur le projet, tout comme les deux scénaristes chargés de s'inspirer de l'attraction pour imaginer une histoire tenant la route, Terry Rossio et Ted Elliott, qui ont avant cela travaillé sur Shrek, tiens tiens. Mais aussi sur Aladdin et Le Masque de Zorro. Approché pour jouer Jack Sparrow après Michael Keaton ou Jim Carrey, Johnny Depp adore le rôle. Disney grince des dents, car avoir pour héros un pirate alcoolique, menteur, voleur, tricheur et goujat avec les femmes, ce n'est pas vraiment dans le style de la maison. Surtout que l'équipe doit être dotée d'un budget conséquent si elle veut que le résultat à l'écran soit à la hauteur.
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Le tournage démarre tout de même en fin d'année 2002 en République Dominicaine, puis à Hollywood. Gore Verbinski, auréolé du succès de son remake américain The Ring, peut réaliser son rêve : tourner une grosse production qui rend hommage aux films d'aventure d'antan. Peu de monde y croit pourtant, notamment à cause de son interdiction américaine : PG-13, soit déconseillé aux moins de 13 ans non accompagnés d'un adulte. Une première pour Disney !
Pour respecter l'univers de l'attraction, il fallait en effet créer une histoire autour de pirates transformés en squelettes. Sans être véritablement terrifiant, le film proposé par Verbinski n'est pas pour les jeunes enfants, ce qui transforme La Malédiction du Black Pearl en véritable pari pour la firme. Durant l'été 2003, pourtant, le public fait le déplacement : Pirates des Caraïbes rapporte plus de 650 millions de dollars dans le monde, ce qui est le quatrième plus gros carton de l'année derrière Le Retour du Roi (Orlando Bloom, est alors en pleine gloire, qu'il soit un Elfe ou un apprenti-corsaire), Le Monde de Nemo et Matrix Reloaded. Il faut dire que le long-métrage est original et rempli de batailles savamment orchestrées. Son histoire est maligne, ses répliques croustillantes, et surtout, Gore Verbinski se montre excellent pour tourner des scènes visuellement mémorables, comme l'arrivée de Jack sur son bateau qui coule, par exemple :
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Ce premier épisode se déroule à un rythme fou. Son trio est savoureux, ce qui ne gâche rien. Depp a l'occasion de se lâcher comme jamais dans la peau du Captain Jack, tandis que les deux jeunes Keira Knightley et Orlando Bloom sont le contrepoids idéal à son excentricité. En plus de cela, sa musique est excellente. Elle est signée Klaus Badelt mais en partie composée par Hans Zimmer. Retenu sur Le Dernier Samouraï, il travaillera en revanche entièrement sur les deux suites, renouvelant toujours avec brio le thème principal, tout en ajoutant à chaque fois des musiques inédites.
Suite à ce carton aussi bien critique que public, Pirates des Caraïbes 2 est immédiatement lancé. Tout le monde revient, à commencer par les deux scénaristes qui doivent trouver un moyen de transformer ce coup d'essai en franchise. Il faudra tout de même attendre un an et demi entre la sortie du Black Pearl et le tournage du Coffre Maudit, puis encore un an et demi avant sa sortie. Le budget double presque, passant de 140 à 250 millions de dollars sans compter sa promo. Il passe en partie dans les effets-spéciaux novateurs utilisés pour créer l'équipage de pirates maudits s'étant transformés peu à peu en créatures marines. Comme Gollum dans Le Seigneur des Anneaux, le Davy Jones et ses compères sont animés en performance capture, à partir des mouvements des acteurs et de leurs expressions. Celui "joué" par Bill Nighy est le plus impressionnant, visuellement, avec ses tentacules visqueuses et son regard cruel.
Une réussite technique qui contrebalance par contre des soucis scénaristiques. Sans être aussi décousu que le troisième volet qui sortira en 2007, Le Secret du coffre maudit a une construction bancale. Si l'on retrouve avec plaisir Jack Sparrow, Elizabeth Swann, Will Turner et tous les seconds rôles qu'on aimait dans le premier épisode, ils sont ici plongés dans une aventure qui contient de belles scènes (le combat d'épées sur la roue et le Kraken, notamment), mais qui met du temps à s'installer. Entre le mariage raté d'Elizabeth et Will et la virée chez les cannibales qui ont choisi Jack comme chef, le film met une bonne heure à entrer dans son histoire principale. Si le Davy Jones est impressionnant, il apparaît finalement tard, et assez peu. Sans compter que les héros n'évoluent pas de manière très sympathique. La jeune fille doit trahir Jack, ce qui fait d'elle une pirate aux yeux de Sparrow qui s'est fait avoir à son propre jeu, pendant que Will se perd dans une histoire familiale pas vraiment captivante.
Surtout, le film est frustrant par sa construction même, puisque c'est un épisode d'entre deux, un avant goût de la bataille finale. Ses dernières minutes, avec le retour de Barbossa (Geoffrey Rush), marquent à la fois une bonne surprise pour les spectateurs, et une certaine frustration, puisqu'il faudra attendre un an avant la sortie de la suite.
"Je suis le Capitaine Jack Sparrow"
Restée très lucrative, la saga Pirates des Caraïbes ne compte finalement qu'un premier épisode génial et des suites de moins en moins bien construites. Devenu une énorme star grâce au rôle de Jack Sparrow, Depp a d'ailleurs reconnu avant la sortie du quatrième opus qu'il n'avait pas vu Le Secret du coffre maudit, ni sa suite Jusqu'au bout du monde. Pire, il expliquait en 2011 que lui non plus n'avait pas compris grand-chose aux enjeux de ces deux épisodes : "Les scénaristes ont dû inventer une trilogie à partir de rien. L'histoire était dense et compliquée. Je me souviens d'avoir discuté avec Gore (Verbinski, le réalisateur) à plusieurs reprises lors du tournage du second et du troisième volet, et de lui avoir dit : 'Je ne comprends pas vraiment tout ce que cela signifie.' Il m'a répondu : 'Moi non plus, mais on doit le tourner'. En fait CE mec est le père de CELUI-CI, et CELUI-LA est amoureux de CETTE géante. Et moi, je me demandais : 'QUOI ?'."
De Port Royal à Tortuga, le public semble cependant attaché au personnage de Jack, puisque chaque épisode a fait un carton, contrairement à Lone Ranger, qui a marqué le retour de Depp devant la caméra de Verbinski en 2013. Il était présenté comme "le western de l'équipe derrière Pirates des Caraïbes" (c'est discutable, mais c'est bien ainsi que le vendait le studio) et n'a pas connu la moitié du succès du premier épisode des Pirates, en récoltant moins de 300 millions de dollars sur la planète. Jack Sparrow conserve son capital sympathie, mais pour combien de temps ? C'est difficile à (pré)dire. La semaine dernière par exemple, les spectateurs présents au D23, le salon organisé tous les ans par Disney pour présenter ses futurs projets, ont accueilli Johnny Depp avec des cris de joie quand il est monté sur scène déguisé en Sparrow, et ils ont une nouvelle fois hurlé d'excitation lorsqu'Orlando Bloom, absent de Pirates des Caraïbes 4, a été confirmé au casting du prochain épisode, Dead Men Tell No Tells, prévu pour 2017. Prêts pour un cinquième tour ?
Elodie Bardinet (@Eb_prem)
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