Première
par Sylvestre Picard
Si Avengers ne s’adresse heureusement pas aux puristes des comics, il risque d’être difficile à suivre pour celui qui n’a pas vu tous les films Marvel « classieux », de Iron Man (2008) à Thor (2011). Si vous avez raté le début, tant pis pour vous. Avengers est un épisode de serial. Le film n’a pas vraiment d’existence propre, ne prend son sens que dans la série des films Marvel. Il ne constitue même pas un achèvement, mais plutôt un carrefour au milieu du line-up Marvel, qui court officiellement jusqu’en avril 2014 avec les sorties à six mois d’intervalle d’Iron Man 3 (mai 2013), Thor 2 (automne 2013) et Captain America 2 (avril 2014, donc). En fait, le film retrouve l’ADN du cinéma populaire et addictif des antiques serials, des feuilletons muets de Louis Feuillade à ceux des années 30-50 de Republic Pictures (The Adventures Of Captain Marvel), un ADN qu’on pensait définitivement passé du côté des séries télé. Avengers ajoute 250 millions à cet ADN. Le résultat est là.
Loin d’être une simple « caution geek », le choix de Joss Whedon pour réaliser le film prend tout son sens : déjà Buffy contre les vampires synthétisait et légitimait trente ans de culture geek, Avengers est la synthèse de l’art du blockbuster US propre, net et carré. La première de ses ambitions est d’assurer un spectacle au service d’un storytelling clair. Ce qui est déjà beaucoup : on pense à Mission : Impossible - Protocole fantôme, qui retrouvait aussi en décembre dernier les recettes qu’on pensait perdues des gros films d’entertainment familiaux, à la différence des expérimentations agressives de l’ère Michael Bay/Jerry Bruckheimer. Et à la différence également de l’autre gros super-concurrent de chez DC Comics, la franchise Batman de Nolan, qui se veut sombre et « réaliste », Avengers se voulant pop et coloré, flirtant sans cesse avec le nanar sans jamais tomber dedans. Ce qui est, en soi, un exploit, au même niveau que ses prouesses super-héroïques et autres scènes de bastons monumentales - la scène entre Thor, Loki, Captain America et Iron Man donne des frissons rien qu’à l’écrire - qui ponctuent le métrage jusqu’à l’orgasme. La débauche technique n’étant évidemment rien sans un casting solide et éprouvé depuis quatre ans : outre le retour des bons clients (difficile de foirer les scènes avec Downey Jr.), et l’arrivée de nouveaux (Mark Ruffalo s’impose sans difficulté), c’est Chris Evans qui impressionne le plus, confirmant tout le talent qu’il déployait dans Captain America - First Avenger , par exemple dans la scène où il s’inquiète de son uniforme de Captain America (« n’est-il pas trop nostalgique ? »).
De très rares scories (le score purement illustratif d’Alan Silvestri, le script in fine on ne peut plus classique) n’empêche pas le film d’être un divertissement quasi chimiquement pur, sans doute la plus grosse tranche de fun qu’on ait récemment vu sur grand écran. « Les gens ont besoin de nostalgie », répond l’agent Coulson à l’inquiet Captain America. Mais Avengers, qui porte haut et fort la bannière d’un cinoche populaire international de grande classe, est tout sauf nostalgique.