Martin Scorsese réalisera peut-être encore un ou deux films

Le cinéaste évoque sa passion et sa propre mortalité dans un portrait captivant de GQ.

"Il faut sauver le cinéma !", s'emballe Martin Scorsese, interrogé une nouvelle fois sur les super-productions de Marvel par GQ. "Le danger de ces films, c'est ce qu'ils font à notre culture, poursuit-il. Parce qu'il va y avoir des générations maintenant qui penseront que les films ne sont que ça, que c'est cela un film. Ils le pensent déjà, en fait ! Cela signifie que nous devons riposter plus fort. Et cela doit venir de l'intérieur. Cela doit venir des cinéastes eux-mêmes. Et là vous verrez les frères Safdie, et vous aurez Chris Nolan etc... Vous voyez ce que je veux dire ? Il faut attaquer de tous les côtés. Frappez de tous les côtés et n’abandonnez pas. Voyons voir ce que vous avez dans le ventre. Allez-y. Faites-le. Allez réinventer le cinéma. Ne vous contentez pas de vous plaindre ! Parce que c’est vrai, il faut sauver le cinéma !"

A bientôt 81 ans, et juste avant de dévoiler son thriller historique Killers of the Flower Moon au public, le réalisateur des Affranchis se montre toujours aussi passionné par le 7e art. Il explique au cours de ce long portrait à quel point le cinéma l'a aidé dans sa vie personnelle. A surmonter la maladie (il souffrait de crises d'asthme enfant), à dépasser sa solitude (pour communiquer avec ses acteurs, son équipe technique...), mais aussi à réfléchir au monde qui l'entoure, à créer et à apprendre à lâcher prise. Ce qui l'amène à parler de son âge, du fait de vieillir en tant qu'artiste, créateur.

Très conscient de sa disparition prochaine, Martin Scorsese explique qu'il aimerait encore réaliser un film ou deux : "Si j'en ai encore l'énergie, si Dieu le veut, j'aimerais en faire encore deux. Peut-être un, et ce sera fini, ok ? C'est tout ce que je peux faire. Continuer jusqu'à ce que je n'en sois plus capable."

Evoquant la fabrication de Killers of the Flower Moon, un film qui lui a demandé de longs mois de tournage, puis de post-production, notamment aux cotés de sa monteuse Thelma Schoonmaker, qui a travaillé sur ses oeuvres les plus acclamées, il raconte de façon touchante avoir vu le résultat final comme un simple spectateur. Et l'avoir apprécié.

"J'ai un certain âge, à présent, comme ils disent. Et donc je pense à ma famille, à plein de trucs. Et j'ai dû voir le film en entier (soit 206 minutes, ndlr), car je devais vérifier son mixage. Je savais que ça allait prendre du temps. Avant de le lancer, je me demandais : 'Comment je vais faire ? Est-ce que je vais réussir à rester concentré ?' Puis ça a commencé et... je l'ai regardé. Je ne sais pas comment c'est arrivé, mais... Vous savez, ça faisait six ans que je vivais avec ce projet, depuis 2017. Je le portais depuis tout ce temps. Et il y a quelque chose de ce film... Tout simplement... Je l'ai aimé."

Des propos qui rappellent ce qu'il disait de Silence, déjà une fresque historique remplie de thématiques fortes et de violence, qu'il avait tenté de tourner pendant des années avant de pouvoir enfin le mettre en scène, en 2016.

Il raconte aussi ici avoir claqué la porte de la Warner Bros en 2006, déçu qu'un producteur du studio lui demande de décliner son film Les Infiltrés en saga ou en série. Quand il a été question de modifier l'histoire pour pouvoir tourner un autre film dans la même veine avec Leonardo DiCaprio ou Mark Wahlberg, il a refusé.

"Le fait de gagner un Oscar pour ce film (même deux : meilleur long métrage et meilleur réalisateur, le premier de sa carrière, ndlr) m'a encouragé à faire un autre film de studio, regrette-t-il ensuite. C'était Shutter Island, produit par la Paramount, cette fois. "En fait, j'aurais mieux fait de ne pas le tourner pour faire Silence à la place", ajoute-t-il.

Shutter Island est pourtant loin d'être un échec : il a été apprécié par les lecteurs du livre de Dennis Lehane, ainsi que par un public amateur de thrillers en général et par les fans de Leonardo DiCaprio. Mais l'on comprend qu'en vieillissant, Martin Scorsese ne veut plus se consacrer qu'à des projets essentiels, des films qui comptent pour lui.

Quelles pourraient être ses deux dernières réalisations ? Il a récemment évoqué l'idée d'un nouveau film sur Jésus, et là, il révèle avoir commencé à travailler sur Home, l'adaptation d'un roman de Marilynne Robinson, avec Todd Field, le réalisateur de Tar. Mais c'était avant que la grève des scénaristes n'éclate. "Combien de temps vais-je pouvoir tourner par moi-même ?, se demande-t-il alors. Je vais avoir 81 ans."

Killers of the Flower Moon sortira le 18 octobre au cinéma. Voici sa bande-annonce :