Tu mérites un amour signé par cette muse d’Abdel Kechiche se révèle un rayon de soleil dans la sélection cannoise
Une jeune femme qui peine à se remettre de l’infidélité de son petit ami… Sur le papier, l’originalité ne semble guère étouffer le premier long métrage réalisé par Hafsia Herzi (aussi présente à Cannes dans le deuxième volet de Mektoub my love d’Abdel Kechiche, le réalisateur qui l’avait révélé en 2007 avec La Graine et le mulet). Mais il faut toujours se méfier des apparences. Car c’est dans la manière dont elle s’empare de ce sujet qu’on croit donc usé jusqu’à la corde qu’Hafsia Herzi réussit une entrée en matière des plus réjouissantes
Présenté à la Semaine de la Critique, son film se vit au rythme des montagnes russes émotionnelles de son héroïne incapable de faire le deuil de cet amant toxique (Jérémie Laheurte, autre révélation de Kechiche dans le Palmé La Vie d’Adèle) et prête à tous les subterfuges – même et surtout les plus barrés et iconoclastes (faire appel à un marabout… soi- disant ami de Carla Bruni !) – pour que ce serial lover revienne. Entre rage, désespoir et éclats de rire salvateurs. Tu mérites un amour n’a aucune autre prétention que cette justesse- là des sentiments. Soit une sacrée belle ambition… dont Hafsia Herzi se montre à la hauteur. A la manière de son mentor Kechiche, elle laisse la vie – d’autant plus naturelle qu’elle y est travaillée, recréée… sans jamais rien y paraître - envahir l’écran. Elle fait la part belle à la tchatche, à ces monologues et dialogues gourmands des mots et du phrasé d’aujourd’hui. Elle peuple son histoire de seconds rôles aux petits oignons. Grande gueule extravertie (Djanis Bouzyani, une révélation) ou petite boule de sensibilité introvertie (Anthony Bajon qui confirme son immense talent révélé dans La Prière), chacun donne à ce récit les couleurs arc en ciel qui l’accompagnent mais aussi ses ruptures de rythme jusqu’à une conclusion étonnamment brusque.
Mais la meilleure idée qu’a eu ici Hafsia Herzi est de s’offrir le rôle central de son film. Car sa réalisation, les dialogues qu’elle écrit pour elle comme pour les autres ressemblent à sa manière de jouer, à ses choix de carrière, à cette manière de ne jamais surgir où on l’attend, avec une liberté qui empêche à tout moment de deviner si le plan qui suit se conclura par un cri de rage, un fou rire ou une pluie de larmes. Tu mérites un amour complète l’artiste singulière qu’elle est sans l’enfermer. « Fille de » Kechiche, oui évidemment. Mais surtout enfant du septième art qui entend lui rendre au cinéma le bonheur qu’il lui offre depuis plus de 10 ans. Une joie de jouer et de filmer qui traverse l’écran
Commentaires