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Supérieur à Steak et à Rubber, ses deux précédents films aux arguments trop minces pour tenir la route, Wrong, dont le titre (« faux » ou « tort » en français) dit tout, c’est Alice au pays des merveilles en mode déviant. Les rencontres absurdes que fait Dolph Springer le mettent en situation d’échec permanent et le poussent ainsi à se dépasser, à mûrir un peu. N’est-il pas ce gugusse qui continue d’aller bosser alors qu’il est au chômage depuis trois mois ? Ce gringalet incapable de retenir une femme ? Cette chochotte pour qui la disparition d’un chien signifie la fin du monde ? Créateur passionnant car déroutant, Dupieux s’avère également un directeur d’acteurs inspiré. De la révélation Jack Plotnick (clone de David Arquette) au solide William Fichtner, en passant par l’inénarrable Éric Judor, le casting est tout entier au service de la vision barrée du réalisateur.
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Après la route dans Rubber, Quentin Dupieux explore une autre mythologie du cinéma US dans Wrong, celle de la banlieue résidentielle aux pelouses bien taillées et aux habitants trop polis pour être honnêtes. Un territoire délimité par David Lynch il y a plus de vingt ans dans Blue Velvet et Twin Peaks, et dont il reprend les grands motifs : traitement graphique hyperréaliste, brouillage des frontières entre la norme et le bizarre, lente dérive vers l’absurde... Film après film, Dupieux continue de chercher le point de jonction entre le rêve américain et son envers cauchemardesque, entre le sublime et le grotesque, entre le grand n’importe quoi (aidé d’un gourou, un type tente de communiquer par télépathie avec son chien) et le premier degré (Wrong vibre d’un amour sincère pour la gent canine). Le problème, ici, c’est que le nonsense n’est jamais drôle ou angoissant, juste embarrassant, et que les gimmicks visuels (le réveil indiquant 7 h 60, les employés bossant sous une pluie torrentielle...), belles trouvailles « clippesques », ne s’incarnent jamais en idées de cinéma. Esthète surdoué, Dupieux s’enferme dans son soliloque, une pose arty égotiste dont il ne sort que pour violenter son spectateur (le film, interminable, est très crispant). Il a depuis donné de meilleures nouvelles de sa santé artistique avec le court métrage azimuté Wrong Cops (présenté au dernier Festival de Cannes). Mais, sur ce coup-là, il a tort sur toute la ligne. Wrong, définitivement.
Toutes les critiques de Wrong
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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par Caroline Vié
Quentin Dupieux (alias Mr Oizo) entretient des rapports contrastés avec l'Amérique. Entre amour et haine, entre fascination et répulsion, il nous entraîne dans une valse-hésitation envoûtante aux côtés de seconds rôles épatants interprétés par Eric Judor et William Fichtner.
L’humour singulier de Dupieux est toujours là mais cette fois-ci, au service d’un vrai propos, qui rend le récit presque aussi attachant que drôle.
Ce film qui ne ressemble qu'à lui même, nous entraine dans un univers loufoque (...) un objet filmique non identifié qui ne demande qu'à être regardé.
Une réflexion existentielle, à la manière d'un petit tableau accroché dans un boudoir, qui inviterait celui qui le regarde à la réflexion.
Voici un autre cinéma, drôle et émouvant en son genre, de la part d'un réalisateur qui, en cinq ans, a développé un art à part, hautement sophistiqué.
Souvent Quentin Dupieux frôle le néant, le simple gag, tandis que le film effectue une opération étrange, souterraine : il nous manipule et nous surprend, nous bouleverse au premier degré.
Avec "Wrong", il enfonce le clou, et son sens de l'absurde prend une passionnante tournure existentielle (...) on reste tendus jusqu'à la dernière image, superbe.
s’il n’est pas son meilleur film, Wrong est peut-être le plus drôle, le plus joyeusement désengagé, et a le mérite d’enfoncer l’un des clous les plus radicaux qu’on puisse se mettre sous les yeux. Si Quentin Dupieux est une énigme, on ne veut pas la résoudre.
"Wrong", malgré son relatif enlisement scénaristique (mais plus abouti que "Rubber") nous donne envie de goûter au prochain titre de Quentin Dupieux.
"Wrong" est en somme au cinéma ce que le sample est à la musique : l'absorption et la transformation par un artiste des oeuvres d'autrui. (...) Mais à force de prendre des chemins de traverse, le film s'égare, révélant à la longue plus de creux que de pleins.
Scénario, cadre (il est son propre chef op), réalisation, montage, Dupieux fait tout lui-même. Il a plein d’idées de plans, sa loufoquerie arty n’est jamais prise en défaut, mais, pour le coup, on a aussi l’impression qu’il se fait plaisir ou qu’il prend une drogue qu’on n’a pas eu la bonne idée de nous distribuer à l’entrée de la projo. Et puis, défoncé ou pas, la séduction du film s’arrête vite pour peu qu’on déteste les chiens…
Les films du très haut perché Quentin Dupieux se suivent et se ressemblent. Même étirement de scènes, même propension au non-sens bunuelo-monthypythonien, même volonté d'abolir la frontière entre étrangeté et normalité (...) Respect à Dupieux (...) même s'il convient d'avouer (...) qu'il finit par tourner en rond.
Si l'absurde et le surréalisme sont encore au rendez-vous, il eut été plus judicieux de les mettre au service d'un propos et non d'un grand n'importe quoi, au bout du compte franchement pénible.
La machine tourne à vide, bien que très bruyamment. Ne nous laissons pas embobiner et appelons un chat un chat : "Wrong", c'est du toc et rien d'autre.
Le petit univers absurde de Quentin Dupieux aurait-il déjà atteint ses limites ? C’est le sentiment que l’on a à la vision de « Wrong » où son surréalisme arty, son humour stagnant et son esthétique américanophile, si ludiques et iconoclastes dans « Steak » et « Rubber », tournent terriblement à vide.