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Peter Dourountzis a de la suite dans les idées. D’abord parce que le personnage central de son premier long, Djé, était déjà celui de son court Errance en 1994 : un tueur en série inspiré de Guy Georges dont l’aspect affable cache un monstre sans foi ni loi. Mais aussi car, plus tôt encore, il avait travaillé au Samu social pour connaître en détails le quotidien d’un de ces squats où Djé s’installe au cœur de Limoges. Ce travail de longue haleine constitue le socle de Vaurien. Car cette part solidement documentée dans la description du quotidien de ce SDF squattant d’appart’ en appart’ aide à faire monter la pression, à garder au maximum le mystère autour de lui. Même si, dès la première scène, on est sous tension. Dans un train, Djé y aborde une jeune femme assise. Et sans jamais se départir de son sourire, se fait de plus en plus insistant puis flippant, au point de faire fuir de panique sa « proie ». C’est ainsi que Dourountzis ne cessera de raconter Djé : en insistant sur son charme, en fonctionnant par ellipses au moment de ses crimes. Et pour cela, il s’appuie sur un impressionnant Pierre Deladonchamps. Jamais même dans Les Chatouilles où il jouait un pédophile, un cinéaste n’avait à ce point saisi son ambivalence pour en faire le cœur d’un film. Face à lui, Ophélie Bau (Mektoub my love) prouve qu’elle ne sera pas l’actrice d’un seul metteur en scène dans un rôle de proie qui n’a aucune idée de qui est vraiment celui dont elle est tombée amoureuse. Alors certes, dans sa dernière ligne droite, Vaurien perd un peu en fludidité. Mais il révèle un auteur à suivre.