- Fluctuat
C'est désormais une tradition. Chaque année arrive sur les écrans une nouvelle superproduction adaptée d'un comics Marvel. Après le très beau et mésestimé Hulk d'Ang Lee (grande tragédie pop), et en attendant le Spiderman 2 de Sam Raimi pour juillet, voici que revient l'un des plus antipathiques et donc admirables héros du catalogue Marvel : The Punisher.
Certains se souviennent peut-être. C'était à la fin des années 80, le mur de Berlin n'était pas loin de tomber, et la carrière flamboyante des stars body-buildées avec. On se souvient des heures de gloire de Stallone, Schwarzenegger, dont les noms associés à des titres comme Le contrat, Commando, Cobra, ou encore bien sûr Rambo II ont fait frémir d'excitation quelques kids nés avec la télévision et les jeux vidéos. Mais on se souvient déjà un peu moins d'un nom comme Dolph Lundgren, éternel second rôle de blockbusters médiocres (Universal Soldier, Rocky 4, inoubliable), et premier rôle récurrent de séries B bâclés le plus souvent édités directement en vidéo. On se souvient encore moins que le dit Dolph Lundgren avait déjà joué le rôle de Frank Castle, alias The punisher, dans une adaptation grise, faible et un peu fauchée de Mark Goldblatt en 89. A l'époque notre héros body-buildé avait même refusé de porter le costume à tête de mort culte et symbolique du anti-héros vengeur-punisseur. Et le film s'était royalement planté.Quinze ans plus tard, et avec le succès incontestable des adaptations Marvel, le sombre héros est de retour. Signé cette fois par Jonathan Hensleigh (scénariste à ses heures de "chefs d'oeuvres indiscutables" tels que le Armageddon de Michael Bay), ce Punisher, où l'homme a enfin enfilé son costume, tend à vouloir redorer son blason cinématographique.The punisher c'est avant tout l'histoire d'une vengeance. Frank Castle (Thomas Jane), super agent infiltré, tue le fils de Howard Saint (John Travolta, encore plus méchant que dans Opération Espadon), ponte de la mafia en Floride. Bien décidé à lui faire payer le prix de la mort de son fils, celui-ci commande à ses hommes d'aller l'assassiner. Mais, alors que les funérailles se terminent, c'est Livia (Laura Elena Harring), la femme de Saint, qui commande de décimer totalement la famille de Castle. Une famille posée d'emblée sous l'image indéfectible d'un amour idyllique, qui se voit réduit en morceaux lors d'une fête joyeuse et ensoleillée. Non sans rappeler Mad Max, femme et enfants meurent écrasés sous les roues d'un 4x4, et notre homme est blessé, brûlé, puis laissé pour mort. Sauvé par un improbable samaritain aux allures de Robinson Cruosé, Frank Castle revient et est bien décidé de réduire à néant ceux qui ont ruinés sa vie.La réelle curiosité de ce Punisher 2004 c'est justement son étrange retour aux fictions made in 80's. Nuls effets spéciaux, aucun combats stylisés influencés par Hong Kong, mais un constant souci d'exploiter une action musclée et virile. Les mafieux ont tous des gueules issues d'un Die Hard de Mac Tiernan, les règlements de compte se règlent aux poings ou aux flingues, lourdement, sans effets de style. Certains passages rappellent presque parfois Carpenter, comme cet interminable combat contre un colosse où Castle se fait réduire en miettes. Non sans une certaine fascination pour les armes forcées par le récit original, le film développe une ambiance volontairement martiale. Malheureusement, alors qu'on aurait vraiment aimer foncer dans la noirceur, les tourments et l'ambiguïté du Punisher, le héros se trouve affublé de trois paumés à demi freaks en guise de voisins de palier. L'un d'eux, la séduisante Joan (Rebecca Romjin Stamos), sert de présence féminine au film, une présence pas toujours très heureuse. Cette famille reconstituée et impossible désamorce complètement la nature profonde et possible de ce qu'aurait pu être le film. Elle détourne l'attention, se perd dans quelques circonvolutions sans intérêt, qui ne font qu'éloigner la grande ambition du projet, l'immersion dans le devenir de la psychologie déviante du Punisher. Là où Ang Lee avait réussi le pari hallucinant de synthétiser de la psychologie dans un immense projet formel inédit, le Punisher se contente de peu. Il simplifie régulièrement à outrance les ambiances (souvent il fait nuit, souvent le tonnerre gronde...) et l'attitude du personnage (qui se prend souvent la tête entre les mains, qui boit beaucoup de whisky...). Aussi, il ne peut s'empêcher de resituer notre regard. Sans cesse The Punisher use d'ironie, d'un second degré facile et très bâclé, voulant trop jouer sur un décalage des situations en tentant d'y mettre un peu d'humour. Banal et inutile.Malgré tout, le film garde un certain charme. Même s'il tarit trop souvent ce qui demandait à être un peu radicalisé, il n'hésite pas à jouer de nombreuses morts violentes et d'une morale simple, classique, mais toujours douteuse (le récurrent héros qui applique sa propre loi au détriment de la justice des hommes), donnant à voir un certain potentiel. Le film aurait demandé à être supporté par un comédien plus sombre et capable, mais le corps de Thomas Jane laisse quelques plans fonctionnant assez bien en rapport avec les illustrations du comic. Sans grande envergure, le film de Hensleigh vaut plus pour le plaisir de sa discrétion, ses appels aux grands moments musclés d'un cinéma dont les images se noient dans la case des souvenirs sans importance, que comme un quelconque renouveau ou une adaptation digne de ce nom. Ce qui n'est déjà pas si mal.The Punisher
Un film de Jonathan Hensleigh
Avec : John Travolta, Tomas Jane, Roy Scheider, Rebecca Romjin Stamos, Laura Elena Harring.
Sortie nationale le 9 juin 2004[Illustrations : DR Columbia Tristar Films]
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- Lire aussi la chronique du film Hulk
The Punisher