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Pour Gianni di Gregorio, la vie (de cinéaste) a vraiment commencé à 60 ans ! L’âge où celui qui avait déjà fait l’acteur (Ospiti, Estate romane) pour Matteo Garrone et co- écrit avec lui l’adaptation du Gomorra de Roberto Saviano, a fait ses premiers pas de réalisateur. Sacré prix du meilleur film à la Mostra de Venise 2008, Le Déjeuner du 15 août allait directement l’imposer comme le digne héritier de l’âge d’or de la comédie italienne, celle des Scola, Risi, Comencini entre humour et grincements de dents, tendresse et autodérision. Avec ce personnage de Gianni, un Romain nonchalant et hédoniste qu’il incarnait de toute sa classe malicieuse et qu’il allait faire vivre et vieillir par la suite à l’écran le temps de trois autres longs métrages Gianni et les femmes (en 2011, Bons à rien (en 2015) et Citoyens du monde (en 2019), où cet irréductible inadapté social affrontait les tracas d’un quotidien qui le dépassait de plus en plus avec ce ton doux- amer toujours aussi irrésistible et une manière pertinente de raconter le monde sans jamais se faire donneur de leçons
Seconde jeunesse marque une rupture dans la continuité. Car s’il en tient toujours le rôle central dans une atmosphère de fantaisie bienveillante, pour la première fois le personnage ne s’appelle plus par son prénom mais Astolfo et l’action quitte Rome pour se faire campagnarde au coeur d’un petit village. Celui de ses ancêtres où ce professeur à la retraite désargenté s’installe après avoir été expulsé de son appartement romain, à l’intérieur du « palais familial » qui a perdu de sa splendeur jusqu’à devenir quasi inhabitable au moment où il débarque. De ce point de départ, Gianni Di Gregorio aurait pu tirer un film poignant sur la précarité du troisième âge et la solitude qui en découle. Mais fidèle à ce qu’il est et ce qu’il aime – et comme l’indique le titre de son cinquième long – il a choisi de raconter précisément l’inverse : l’histoire d’une renaissance. Celle de cet homme qui, accueilli plutôt fraîchement par son voisin – le curé dont l’Eglise jouxte sa maison et qui va continuer à utiliser abusivement des espaces lui appartenant – et un maire très arrogant va terrasser la solitude en se faisant une bande de copains particulièrement haut en couleurs (le marginal qui squatte sa maison depuis des années, un cuisinier à la retraite, un jeune homme sans emploi) mais aussi et surtout en retrouvant l’amour et ces moments qu’il croyait à jamais inscrits dans son seul passé des premiers rendez- vous qu’on aborde avec le cœur tremblant et timide de l’adolescence. Ces scènes face à un personnage de septuagénaire aspirant elle aussi à retrouver une seconde jeunesse et ne plus vivre seulement comme la grand- mère de ses petits enfants constituent un bonheur d’autant plus pur que Di Gregorio a eu la belle idée de faire appel pour ce rôle à Stefania Sandrelli, l’inoubliable héroïne du Conformiste et de Nous nous sommes tant aimés. Ce choix ne doit rien au hasard car l’ombre du cinéma italien de ces années- là (et parfois même de Don Camillo) plane sur Seconde jeunesse mais sans jamais l’écraser car le récit ne regarde, lui, jamais dans le rétroviseur. Fantasque, joyeux mais capable de vous mettre les larmes aux yeux sans que vous n’ayez rien vu venir, il se vit à travers le regarde de son héros qui n’a pour seul boussole que le désir d’un avenir radieux. Pour Gianni di Gregorio comme pour Astolfo, la vie ne fait que commencer à 70 ans !