Après Le Dernier Mercenaire, le réalisateur David Charhon remet en selle "the muscles from brussels". Retour sur une star pas comme les autres.
Après le succès du Dernier Mercenaire, David Charhon retrouve Jean-Claude Van Damme pour une nouvelle comédie d'action, Le Jardinier. Le cinéaste français, qui s'est fait connaître avec De l'autre côté du périph poursuit son exploration du buddy movie avec cette histoire d'un homme politique (Michael Youn) menacé par un dangereux commando. Pour assurer sa protection, il peut compter sur son mystérieux jardinier, incarné par Van Damme. Dans cette interview, Charhon revient sur sa collaboration avec la star belge. L'occasion de découvrir comment il a su tirer le meilleur de cet "ovni" du cinéma d'action, tout en respectant ce qui a fait sa légende.
Commençons par ta rencontre avec Jean-Claude sur Le dernier mercenaire ?
David Charhon : Dès le départ, quand j'ai écrit ce film, j'avais envie de faire un véritable hommage à tout ce cinéma d’action des années 90. C’est le genre avec lequel j’ai grandi et pour lequel j’ai une vraie passion. Et tout de suite, j'ai pensé à Jean-Claude. Ça s'est fait de manière assez marrante parce que moi, je ne connaissais absolument personne côté Van Damme, alors on a juste envoyé un mail à Patrick (Goavec, son agent). Ma collaboratrice a envoyé un message et c'est tombé au bon moment. Patrick m'a dit "Viens demain, tu peux le rencontrer." Je me suis retrouvé dès le lendemain, donc 24h après, dans un restaurant. Je lui ai raconté l'histoire et le pitch, ça lui a plu et il m'a redonné un rendez-vous en Belgique. Là, je suis avec mon scénario, mais il m'a tout de suite dit "Non, je ne veux pas lire le scénario. Raconte-moi." Je lui ai pitché pendant une heure, ligne par ligne, en lui racontant en détail l’histoire. Scène après scène.. Jean-Claude, il a besoin de sentir les choses. Et là dessus, il m'a serré la main et c'était parti.
Qu'est-ce qui t'intéressait chez Van Damme ?
Il représente pour moi tout un pan de la pop culture des années 90. Moi, j'ai été bercé avec les films de Stallone, Schwarzy, tous ces trucs-là. Et Jean-Claude, il est comme eux. C'est un acteur international. Une vraie star et c’est pour ça qu’on aime le cinéma, surtout US. Et quand tu as cette passion du cinéma américain, Jean-Claude devient central. Je trouve que, par rapport à Sly ou Schwarzy, il a toujours apporté une dimension un peu... C'est un peu un ovni. C'est quelqu'un qui, malgré tout ce qui s'est passé, malgré les hauts et les bas de sa carrière, a toujours su gardé un truc culte que les gens adorent. Et je voulais retrouver ça. Je voulais aussi mettre en avant son jeu d’acteur. On sait que c'est un expert en arts martiaux exceptionnel et physique, mais je trouvais qu'on ne l'avait pas assez vu dans des comédies. Si tu regardes bien sa filmographie, il a fait près de 70 films, et il n'avait quasiment jamais fait de comédie. Je ne comprenais pas pourquoi, j'étais sûr qu'il avait de l'autodérision mais personne n’avait joué avec...
En France, il y a un truc un peu ambigu avec Van Damme. On l'aime bien, mais on aime encore plus s'en moquer...
Tu sais, quand je parlais avec des Américains à la sortie du Mercenaire, ils n'avaient pas du tout la même vision de Jean-Claude que nous. A Los Angeles, ils n'ont pas du tout cette vision d'un JCVD un peu perché qu'ont certaines personnes ici. C’est un truc très français. Après, il faut savoir que Jean-Claude, c'est quelqu'un qui va très vite dans son esprit. Je vais te donner un exemple : il y a cette fameuse phrase qu'il a dite "combien fait un plus un ? ça fait un". Tout le monde s'est moqué de lui. La réalité, c'est qu'il parlait de numérologie et c'est vrai qu'en numérologie, le un ne s'additionne pas. Mais comme il va vite dans son esprit, il parle de numérologie sans expliquer et les gens d’abord ne comprennent pas, mais pire ne cherchent pas à comprendre… Pourtant, à chaque fois il y a une explication.
Pour revenir au cinéma, comment est-ce qu’on travaille avec Jean-Claude Van Damme ? Il a joué avec de grands cinéastes, notamment à Hong Kong. Il sait comment se déplacer devant une caméra, comment cadrer un mouvement de bagarre. Quel fut ton rapport avec lui en tant que cinéaste ?
C’est sur que je ne vais pas lui apprendre comment bouger devant une caméra. Mais tu sais quoi : c’est dingue, j'ai eu plus de facilités avec lui qu'avec certains acteurs français. Pourquoi ? Parce qu'il a un respect total du réalisateur une fois qu'il a accepté le projet. Moi, je me suis déjà retrouvé sur un plateau avec des acteurs qui me disaient "Je ne comprends pas pourquoi mon personnage..." alors qu'on est en train de tourner. A ce moment, tu te dis "Il y a six mois qu'on en parle, on aurait pu avoir cette discussion avant non ?" Mais ça, c'est très français. Les Américains, sur un plateau, ils ont fait leur travail avant, pendant six mois, ils savent tout sur leur personnage. Et pendant le tournage, c'est de l'action. Ils essaient, se plantent, réessaient. Jean-Claude, tu arrives, tu lui dis quelque chose, il t'écoute et il joue. Il sait exactement comment prendre la lumière, où se placer pour être le plus beau pour le plan… Ca, personne ne lui apprendra. Mais c'est un grand pro et il a beaucoup de respect pour le metteur en scène. Jamais il ne remet en cause ce que tu lui proposes.
Par rapport au Dernier mercenaire, ici on est plus dans l’action, avec un Van Damme à l’ancienne. J’imagine qu’il était plus à l’aise aussi à cause de ça.
Oui, je voulais plus un Van Damme brut alors que l'autre était effectivement plus comédie, un peu plus parodique. Mais quand tu lui demandes quelque chose, il te regarde, il dit "T'es sûr ?" et puis "Deal, done". C'est sa phrase : "deal done". Il donne et il accepte tout. J'ai eu moins de difficultés avec lui que d'autres acteurs français connus.
Et par rapport autres acteurs ?
Il ne se positionne jamais en tant que star. Quand il a tourné avec Miou-Miou sur le Mercenaire, il était très inquiet : "Mais qu'est-ce qu'elle va penser de moi ? Ma mère l'adore." Et puis "Tu crois qu'elle m'a bien aimé ?" Il est très très humble en tant qu'acteur. Quand il me parle de ses références, ce ne sont pas des acteurs d'action. Il me parle de Lino Ventura, de Belmondo, de Gabin. Ce sont les acteurs qu'il aime. Jean-Claude sait qui il est, il sait que c'est une grande star, évidemment, mais il reste toujours à sa place sur le plateau.
A la différence du Dernier mercenaire, l’accent est ici moins mis sur la comédie que sur l’action. Et on retrouve le JCVD des beaux jours. Il y a des plans où tu le montres de manière très iconique et en même temps avec une espèce d'ironie dans le regard...
C'est tout à fait ça. Jean-Claude, c'est un soldat sur un plateau. Tu lui dis les choses et il comprend très bien quand il y a du second degré. Quand je cite ouvertement Stallone dans le film, avec la réplique "Arrête de te prendre pour Rambo", il comprend tout de suite où je veux aller, qu'il faut glisser dans l'ironie. Quand je lui dis "Votre assurance vie, c'est moi", là aussi, il a très bien compris. Il comprend le second degré, et comment je veux jouer avec son image. Au fond, ça se résume assez facilement la collaboration avec lui : le plus important, c'est qu'on l'aime, il a un besoin d'amour fou. Il sait que je ne me moque pas de lui. Même quand on fait les cons sur Le dernier mercenaire, il sait que je l'aime sincèrement. Une fois que c'est acquis, c'est parfait parce que c'est quelqu'un qui est très sensible à ça. C'est un animal, il voit tout. Si tu as quelqu'un en face qui ne l'aime pas, c'est terminé.
Dans ce film, tu l’as aussi amené plus loin dans les émotions...
Oui, plus loin dans le jeu aussi. Il est beaucoup moins parodique. Cette scène d'émotion dans les bois, par exemple, il ne la fabrique pas. Je travaille, je discute avec lui, on a parlé de ses propres parents. Quand j’ai préparé la scène avec lui, il m’a pris le bras et m’a dit "Mais mon père n'a jamais frappé ma mère." Là, je me suis dit qu'il ne faisait pas la dissociation, il était complètement dedans. Il ne fabrique pas l'émotion, il est sincère. Ces larmes étaient sincères. La prise que tu vois dans le film, c'est une prise. Une seule prise, mais magique.
Ici, JCVD est très beau comparé à la gueule qu’il avait dans Le Dernier mercenaire…
Dans Le dernier mercenaire, on était un peu dans la parodie. Là, je ne voulais pas faire la même chose. Je voulais un Jean-Claude premier degré et retrouver celui qu'on a envie de voir. Et il était bien plus en forme. C'est un acteur très physique, comme Jackie Chan. C'est quelqu'un qui fait du sport tous les jours, qui fait des étirements tous les jours, qui se prépare tous les jours. Lors du Dernier mercenaire, il souffrait un peu, il avait des problèmes de hanches. C'était un peu difficile, il le sentait. Et s'il n'est pas bien dans son corps, il n'est pas bien dans sa tête. Là, il était cool. Je trouve qu'il se bonifie visuellement, et c'est génial. Tous ces acteurs-là, avec le visage buriné sont pareils... Ils vieillissent magnifiquement. Je voulais que Jean-Claude soit beau comme ce vieil animal, ce vieux lion. Tu sais, le corps est très important pour lui. Je te donne un exemple : quand je fais un gros plan sur son visage, à chaque fois, il va faire des pompes avant. Je lui ai demandé pourquoi, puisqu'on ne voit pas ses muscles. Il m'a répondu : "Quand je fais les pompes, ça oxygène, ça éclaircit mon regard." Et c'est vrai, j'ai déjà fait des plans où il fait des pompes, et crois-moi, il a un regard différent.
Bon, on peut parler de la vraie surprise ? Tout le monde s'attendait au fameux grand écart de Van Damme. Et puis...
Et puis non (rires). C'est marrant parce que tout le monde, que ce soit Amazon ou les producteurs, me demandait d'inclure le grand écart. Mais j'ai refusé parce qu'on l'avait déjà fait avant dans Le Dernier mercenaire. Je ne voulais pas que Jean-Claude Van Damme soit réduit à ça, que ça devienne parodique. À la place, j'ai préféré lui offrir quelque chose de plus intéressant pour la fin du film. Je lui ai dit : "Plutôt que de refaire le grand écart, fais-moi un best-of de tous tes coups mythiques." Et il a adoré l'idée. La séquence finale avec Le Banner, c'est vraiment sa séquence. Il l'a entièrement chorégraphiée lui-même. Il m'a fait des croquis, m'a montré comment il voulait enchaîner tous ses coups signatures. Il m'a même appris des techniques du cinéma hongkongais. Par exemple, pour certains gros plans de coups de pied, au lieu de faire le mouvement complet, il mettait les chaussures sur ses bras - c'est une astuce qu'ils utilisent en Chine. Comme il dit : "Le cinéma chinois, c'est de la débrouille et des idées."
Dans toute cette séquence, il a tenu à faire presque toutes les cascades lui-même. On n'a utilisé des doublures que pour les actions vraiment dangereuses où il aurait pu se blesser. Et le plus fou, c'est qu'il a même participé au montage. Il a un sens incroyable du rythme. Ce n'est pas la première fois d'ailleurs - sur un de ses premiers films qui n'avait pas marché, il l'avait remonté lui-même et le film est devenu culte. C'est un vrai perfectionniste : même des mois après le tournage, il m'appelait encore pour suggérer des ajustements. Cette séquence finale, c'est vraiment son cadeau aux fans.
Le synopsis détaillé : "Chaque année, le Premier ministre fait éliminer une liste de gêneurs au nom de la raison d’État : l’obscure Liste Matignon. Serge Shuster, conseiller spécial à la présidence, s’y retrouve bien malgré lui. Au cœur d’une implacable machination, Serge et sa famille, condamnés à une mort certaine, ne peuvent plus compter que sur leur nouveau jardinier, Léo, qui, par le passé, n’a pas taillé que des haies. Il va faire ce pour quoi il a été engagé : éliminer les mauvaises herbes… à sa façon.
Le Jardinier est sorti en France sur Prime Video le 10 janvier.
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