Première
Djibril, enfermé dans un hôpital psychiatrique, se remémore son passé. Enfant, il était un membre éminent d’un gang comorien, les Sauterelles. Il était aussi amoureux de Camilla, une gitane issue de la bande ennemie des Grillons. C’est bien connu : les opposés s’attirent. Jusqu’au jour où Camilla est tombée enceinte… Six ans après la bombe Shéhérazade, Jean-Bernard Marlin revient poser sa caméra à Marseille avec ce drame shakespearien (découvert à Cannes l’an passé) qui risque de déconcerter ses fans de la première heure. Dans un mouvement antiréaliste, le film évoque cet amour interdit au travers d’étonnantes séquences fantastiques. Cette matière permet à Marlin de s’interroger sur un phénomène de société trop rarement évoquée dans le cinéma français : les faux prophètes détiennent-ils une part de vérité ? Sûrement, mais le cinéaste ne s’embête pas à expliciter son propos, préférant laisser au spectateur une part d’imagination tout en se penchant, lui, sur la dimension romanesque de son récit, réussissant à faire passer des enfants de 13 ans pour des adultes pleinement conscients de leurs choix de vie. Le film atteint un sommet dans sa deuxième heure, alors que la narration revient au présent : Djibril, ayant désormais atteint la vingtaine, est confronté à une fille qu’il n’a jamais eu l’occasion de rencontrer. Dès lors, le drame romantique laisse sa place à un magnifique récit d’apprentissage. La spontanéité des acteurs, choisis au cours d’un casting sauvage, permet de rendre l’ensemble encore plus émouvant.
Yohan Haddad